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Actu-Environnement

“Conjuguer les consommations industrielles avec la production d'énergies renouvelables, c'est possible”

Le projet ENR-Pool a étudié comment la variabilité de production des énergies renouvelables pouvait être mieux anticipée et compensée par la flexibilité des consommations industrielles. L'objectif est de soulager le système électrique, à moindre coût.

Interview  |  Energie  |    |  S. Fabrégat
   
“Conjuguer les consommations industrielles avec la production d'énergies renouvelables, c'est possible”
Lucie Peguet
Directrice R&D Innovation d'Energy pool
   

Actu-environnement : Le projet ENR-Pool, mené dans le cadre du programme Réseaux électriques intelligents des Investissements d'avenir (1) , vient de s'achever. Quel en était l'objet ?

Lucie Peguet : Le projet a été lancé en 2012 par Energy Pool, pilote et coordinateur du projet, et ses partenaires Schneider Electric, le CEA (2) et l'Ines (3) . L'objectif était de développer des modèles d'intégration et des outils de gestion des énergies renouvelables. Celles-ci, en se développant, compliquent l'équilibrage du système électrique. L'idée était de compenser l'intermittence de ces énergies grâce à la modulation de consommation, en ciblant les activités industrielles. Il s'agit de conjuguer ces activités avec la production d'énergies renouvelables et d'encourager ainsi une meilleure participation des consommateurs à l'équilibre offre/demande.

AE : En quoi consiste la modulation électrique?

LP : C'est un enjeu majeur : le développement massif des énergies renouvelables risque de déstabiliser le système et augmente le besoin d'équilibrer la fréquence en continu. Si la consommation est supérieure à la production, la fréquence du réseau baisse. A l'inverse, si l'offre est supérieure à la demande, la fréquence augmente. Ces déséquilibres, s'ils ne sont pas résolus, peuvent conduire à détériorer les infrastructures du réseau et à des pannes de courant. La modulation électrique consiste à adapter la demande en fonction des conditions de l'offre d'électricité. Elle est le cœur de métier d'Energy pool depuis 2008. En France, nous sommes par exemple sollicités par le gestionnaire de réseau RTE afin de réduire la consommation de certains industriels en cas de pic de consommation d'électricité.

AE : Pourquoi cibler l'éolien et le photovoltaïque ?

LP : La part des énergies renouvelables croit considérablement au sein du mix énergétique français, particulièrement celle du solaire et de l'éolien. Directement liée aux conditions météorologiques, la production de ces énergies renouvelables est fortement variable, peu prévisible, et souvent déphasée par rapport aux besoins en électricité des consommateurs.

En outre, aujourd'hui, la plupart des producteurs d'énergies renouvelables sont engagés dans un contrat d'obligation d'achat. Demain, lorsque les producteurs seront confrontés au marché, ils auront besoin de garanties de vente de leur production, mais aussi idéalement que la demande puisse s'adapter au niveau de leur production. L'enjeu central du projet a donc été d'identifier comment créer des mécanismes de marchés pertinents et bénéfiques pour tous les acteurs (consommateurs, producteurs…).

AE : Vous avez donc analysé la production de ces énergies…

LP : Il fallait améliorer les outils de prévision des énergies renouvelables, afin de faciliter leur intégration sur le réseau par la modulation. Pour cela, nous avions besoin d'améliorer la compréhension des productions éolienne et photovoltaïque, de les quantifier et de les mettre en corrélation avec les consommations industrielles. Ce qui est peut-être plus facile avec l'éolien qu'avec le solaire, car ce dernier est globalement déphasé avec la demande, notamment industrielle. En effet, il y a du vent toute l'année, jour et nuit, alors que la production photovoltaïque est diurne et davantage saisonnière (printemps et été), à des périodes où l'activité industrielle est souvent à l'arrêt. Nous avons travaillé sur un périmètre de production d'énergies renouvelables de 72 MW (60 MW de production éolienne (4) et 12 MW de production photovoltaïque (5) ) et de capacité de flexibilités industrielles de 100 MW, soit l'équivalent de la consommation d'une ville de 400.000 habitants.

AE : Comment avez-vous travaillé avec les industriels sur la flexibilité de leur consommation ?

LP : Nous avons réuni un panel d'acteurs de différents secteurs industriels, représentant l'industrie française : cimenterie, entrepôt froid, chimie, métallurgie, papèterie… Des audits de flexibilité ont été réalisés pour chaque industriel, afin de caractériser la puissance qui pouvait être modulée rapidement, avec un nombre de contraintes limité. Le potentiel et les conditions de flexibilité sont différents selon les acteurs, et peuvent être sollicités en quelques secondes ou jusqu'à plusieurs heures auparavant.

Concrètement, les mécanismes testés dans le cadre du démonstrateur ont permis de mettre en évidence que les flexibilités variées des consommateurs pouvaient secourir le système électrique, lors de l'ensemble des aléas de production des énergies renouvelables : variation de production brutale au sein de la journée (passage de nuages…), variation de production anticipée la veille, situation d'excès d'énergie. L'ensemble des opérations testées dans le cadre du projet a été piloté depuis le centre opérationnel 24h/24 d'Energy Pool à Chambéry (Savoie). Au cours de l'année 2014, plus d'une centaine d'opérations de modulation de consommation (effacement ou stimulation) ont été réalisées.

AE : Quel est le potentiel de modulation actuel et quel est l'intérêt, pour les industriels, de rendre flexible leur consommation ?

LP : Energy pool gère, depuis Chambéry, près de 1.500 MW de capacité de flexibilité, soit l'équivalent d'une tranche de centrale nucléaire. Pour cela, nous avons déployé un système d'automatisation et de pilotage. Les sites industriels sont rémunérés pour leur capacité de modulation. Cette rémunération comporte une part fixe, liée à l'astreinte puisque l'industriel se rend disponible pour le système électrique, et une part variable, liée à l'énergie réellement modulée. Cette rétribution n'est pas négligeable pour les industriels souvent soumis à une concurrence très rude.

AE : La modulation de la consommation industrielle est-elle effective aujourd'hui ?

LP : Energy pool a été le premier  agrégateur à permettre à un acteur industriel de fournir de la réserve primaire pour le gestionnaire de réseau, c'est-à-dire de moduler continuellement et très finement sa consommation en fonction des variations de fréquence du réseau. Mais il existe encore des freins réglementaires, un groupe de travail a d'ailleurs été organisé par RTE sur ce sujet. Aujourd'hui, la participation à la modulation continue n'est possible que pour les consommateurs raccordés directement au réseau de transport, ceux raccordés au  réseau de distribution ne peuvent pas participer. En outre, la capacité minimum pour accéder au mécanisme de réserve primaire est d'1 MW. Energy pool se pose donc en facilitateur pour permettre aux industriels d'accéder à ces mécanismes, en agrégeant notamment différentes capacités pour atteindre ce seuil.

1. Le projet EnR-Pool a été soutenu par l'Ademe et en partie financé par l'Etat dans le cadre des Investissements d'avenir à hauteur de 1,1 M€ sur un budget total de 2,3 M€.2. Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives3. Institut national de l'énergie solaire4. Sept parcs de 28 éoliennes exploités en France par l'entreprise allemande Juwi.5. Vingt parcs exploités par Urbasolar.

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