
Philippe Pelletier : Il s'organise autour d'un secrétariat permanent, d'un bureau et d'une assemblée de 80 à 100 personnes. Le bureau rassemble 25 personnes représentant maîtres d'ouvrage (Etat, collectivités, etc.) et prestataires de service (entrepreneurs, banques, etc.). Chargé de définir la stratégie de mise en œuvre du Plan Bâtiment, il s'est d'abord assuré du bon respect des textes du Grenelle de l'Environnement, puis a défini un tableau de bord permettant un suivi mensuel dès septembre.
AE : En quoi a consisté votre mission durant ce 1er semestre, marqué par un premier rapport d'étape en avril et un second attendu pour la fin juillet ?
PhP : Tout d'abord, à expliquer aux opérateurs publics que l'implication des opérateurs privés participe à leur efficacité. Et à expliquer aux opérateurs privés l'utilité de leur implication à l'extérieur de l'administration. Aujourd'hui, nous sommes à la phase opérationnelle du Plan Bâtiment, avec la mobilisation de plus de 300 personnes et l'ouverture de chantiers thématiques. Et un objectif principal : réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur du bâtiment (20% des émissions nationales), en s'attaquant avant tout au stock (bâtiments existants) et non pas au flux (taux de renouvellement du parc immobilier de 1%/an), afin de diviser par quatre les émissions nationales d'ici 2050.
AE : Quels sont les groupes de travail thématiques déjà à l'oeuvre ?
PhP : Plus d'une dizaine de chantiers thématiques sont lancés, dans l'objectif de s'interroger sur : Comment faire bouger la société dans le secteur du bâtiment ? Le groupe « Parc tertiaire privé », se démultiplie en sous-groupes : bureau, commerce, centre commercial, plate-forme logistique, etc. L'hétérogénéité de ce parc de 600 millions de mètres carrés est telle qu'il n'y a sans doute pas une solution unique pour la rénovation thermique ou les nouvelles constructions. Le groupe « Formation des entreprises, des architectes et des maîtres d'œuvre », que je pilote, travaille avec la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) et la Fédération Française du Bâtiment (FFB). Il a pour ambition de soutenir l'effort de formation, d'apporter les financements nécessaires, afin que le secteur puisse faire face à l'accroissement du rythme et du champ des travaux. Le groupe « Copropriété » s'interroge sur les moyens de mettre en mouvement les copropriétés et leurs diverses instances. Le groupe « collectivités territoriales » s'interroge sur les moyens de les aider à s'impliquer dans la rénovation des 70 M m2 existants. Le groupe « Bâtiments publics de l'Etat » est chargé de suivre la rénovation énergétique des 80 M m2 de bâtiments de l'Etat. Tous les chantiers ont leur importance, c'est l'action d'ensemble qui assurera le succès du Plan Bâtiment.
AE : L'un des premiers résultats du Comité Stratégique du Plan Bâtiment a été le lancement fin février de l'éco-prêt à taux zéro. Comment a-t-il été reçu ?
PhP : Ce résultat du chantier thématique « éco-prêt à taux zéro » répondait à une urgence : apporter une solution incitative à la rénovation thermique des 31 millions de logements existants. Aujourd'hui, 15.000 éco-prêts à taux zéro ont été accordés pour un bouquet de travaux nécessitant un emprunt en moyenne de 15 à 18.000 €. En contrepartie, les banques imputent le coût du portage de ces emprunts à l'impôt sur les sociétés auquel elles sont assujetties. Il s'agit donc d'une moindre recette fiscale pour l'Etat. L'engouement est bien réel, la mobilisation des entreprises du bâtiment et des réseaux bancaires, certaine. On peut assurer que la crise économique actuelle ne constitue pas un frein au démarrage du Plan Bâtiment chez les particuliers. Mais l'objectif étant la rénovation thermique de 400.000 logements par an d'ici 2013, il n'est pas raisonnable de dire que nous sommes à une vitesse de croisière.
AE : L'éco-prêt Logement social a été lancé au même moment que l'éco-PTZ. Où en est l'opération ?
PhP : Aujourd'hui, seuls 10.000 logements sociaux ont fait l'objet d'une demande de prêt. Sur les 800.000 logements les plus énergivores des 4 millions de logements sociaux, c'est peu… Mais l'objectif est de ramener ces logements d'une moyenne actuelle de 230 à moins de 150 kWh/m2/an d'énergie primaire à l'horizon de… 2020 !
AE : Quelles sont les avancées attendues pour le second semestre ?
PhP : Je donne à notre action collective deux nouvelles orientations. On va renforcer la dimension territoriale de l'action, avec des modes différenciés selon les lieux et la fédération d'initiatives locales à l'échelle régionale. Et on va commencer à communiquer, non plus seulement avec les syndicats professionnels, mais aussi à l'égard des publics concernés par le Plan bâtiment : les commerçants pour les locaux tertiaires, les copropriétaires pour les immeubles collectifs, etc. Dès septembre, nous aurons un site Internet dédié, avec une plate-forme d'échanges et d'expériences. On va travailler à nourrir et orienter les discussions du projet de Loi de transition environnementale dit « Grenelle 2 ». Vont être aussi créés de nouveaux chantiers thématiques sur : la réglementation thermique 2012 attendue pour fin 2012, la mobilisation des promoteurs immobiliers et leur incitation à construire des bâtiments Basse consommation (50 Kwh/m2/an d'énergie primaire) sans attendre l'adoption des textes, le logement social, la précarité énergétique, la green-value, etc.
AE : Qu'a changé pour vous le récent remaniement ministériel ?
PhP : Nous l'avons vécu comme une double bonne nouvelle. D'une part le mariage de l'urbanisme et du logement, deux politiques qui vont ensemble, et d'autre part le rattachement au MEEDDAT du secrétariat d'Etat correspondant, ce qui assure une unité de commandement C'est l'assurance d'une bonne cohérence, et d'une démarche de développement durable regardée sous le prisme environnemental, mais aussi économique et social ; un secrétaire d'Etat étant chargé du volet solidarité.
AE : Pour promouvoir un développement durable au sein de l'immobilier, que pensez vous de la mise en œuvre d'un dispositif de défiscalisation fondé sur une écotaxe appliquée à l'achat immobilier, basée sur le modèle du système de bonus-malus appliqué aux droits de mutation perçus par le Trésor Public lors de l'achat d'un logement ?
PhP : Je pense qu'une réforme de cette ampleur, de nature à bouleverser notre façon d'habiter les logements et d'occuper les locaux professionnels, ne peut s'opérer sans que la fiscalité n'évolue. Il est donc inéluctable qu'une fiscalité « verte » se mette en place et il appartient aux spécialistes d'en fixer les modalités.
AE : Avez-vous l'intention de travailler aussi à l'amélioration des diagnostics d'évaluation de la performance énergétique des bâtiments ?
PhP : Doit-on partir des diagnostics énergétiques pour les rendre plus précis et efficaces ? Ou bien des audits thermiques réalisés par les Bureaux d'études, pour les rendre plus simples et accessibles ? La question mérite réflexion et concertation. Cependant, rappelons que nous ne sommes pas dans un sprint, mais dans une course de fond avec pour objectif… l'horizon 2050 !