"L'entretien des cours d'eau dans notre pays doit laisser plus de liberté aux paysans. Le bon sens peut éviter bien des dégâts", a réagi la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) suite aux nouvelles inondations dramatiques dont ont été victimes plusieurs départements du sud de la France ces derniers jours.
Le 28 novembre, le maire UMP de La-Londe-les-Maures (Var), commune endeuillée par les inondations, a dénoncé les contraintes environnementales qui auraient ralenti des travaux sur un cours d'eau nécessaires, selon lui, à la prévention des inondations.
"Les élus locaux connaissent parfaitement leurs rivières. Si on baisse le niveau de la rivière de deux mètres, si on talute les berges et si on fait des enrochements dans les points sensibles, il n'y a pas de raison que la rivière sorte de son lit", a indiqué François de Canson, selon des propos rapportés par l'AFP. "Hier, on a encore arrêté nos engins parce que la police de l'eau voulait préserver les anguilles. Le débat du jour, il est simple : veut-on préserver les anguilles ou des vies humaines ?", a lancé l'élu local.
Un cri de colère qui rejoint celui de la FNSEA. "Dans le Var, depuis quatre ans, une demande a été faite pour utiliser des pelles mécaniques pour entretenir les cours d'eau. Mais il n'y a toujours pas d'autorisation, car il faut des études d'impact qui durent des années, pour protéger par exemple des espèces comme les grenouilles", s'est indigné Jérôme Despey, secrétaire général adjoint du syndicat agricole. Et d'expliquer que, en l'absence d'entretien, arbres et végétaux poussent dans le lit des rivières et différentes espèces d'animaux peuvent fragiliser les digues et les canalisations.
Distinguer entretien régulier et aménagement
Ces accusations sont-elles fondées ? "Il est important de bien faire la distinction entre l'entretien régulier et l'aménagement", avertit l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), dont les agents sont chargés de la police de l'eau. "Les opérations d'entretien sont indispensables et obligatoires", rappelle l'établissement public dans une note publiée en février dernier. Elles incombent aux riverains pour les cours d'eau non domaniaux. L'entretien consiste en des actions d'élagage et de recépage de la végétation des rives, de fauche et de taille des végétaux dans le lit du cours d'eau, d'enlèvement des embâcles, ou encore de déplacement de petits atterrissements de sédiments.
Ces opérations ne sont en principe pas soumises à procédure administrative. Mais, dès lors que l'on sort de l'entretien "périodique et léger" en recalibrant le cours d'eau, en aggravant le risque d'inondation ou en interférant sur l'état écologique du cours d'eau, on passe dans la catégorie "aménagement" et les travaux relèvent alors d'un régime de déclaration ou d'autorisation. La nomenclature "eau", figurant en annexe de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, liste ainsi les différents travaux (curages, modification des berges, barrages, etc.) ayant un impact sur le milieu aquatique ou sur la sécurité publique et qui, à ce titre, sont soumis à une telle procédure. La procédure d'autorisation prévoit la production d'un document d'incidences, équivalent d'une étude d'impact, et la réalisation d'une enquête publique. Ce qui forcément rend les choses plus longues.
La réglementation n'entrave donc pas l'entretien des cours d'eau puisqu'elle le rend même obligatoire. Mais les propriétaires et collectivités sont vite confrontés à des procédures d'une certaine lourdeur lorsque l'on dépasse le seul "entretien". Ce que l'Administration justifie par la nécessité d'évaluer la véritable incidence de l'aménagement envisagé, en particulier en matière de prévention des inondations. Ainsi, le creusement du lit d'un cours d'eau, opération défendue par le maire de La-Londe-des-Maures, est susceptible d'accélérer les écoulements et avoir des effets plus désastreux en aval du cours d'eau, souligne l'Onema.
La compétence Gemapi pour améliorer la gestion intégrée ?
Quant à l'articulation entre travaux de protection contre les inondations et préservation de la biodiversité, il est nécessaire que les enjeux soient "identifiés le plus à l'amont possible dès la conception du projet", indique l'Onema. "Faute d'avoir été étudiés à l'amont, ces enjeux pourraient poser des problèmes à la réalisation et engendrer des retards de chantier", prévenait l'établissement public dans une seconde note consacrée à l'entretien des cours d'eau et son lien avec les inondations. Une situation à laquelle s'est sans doute trouvé confronté le maire varois.
La nouvelle compétence de "gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations" (Gemapi), confiée aux collectivités de manière obligatoire à compter du 1er janvier 2016, pourrait permettre d'améliorer les choses. C'est en tout cas l'ambition affichée par les pouvoirs publics. "Cette disposition permet d'envisager que se généralisent les situations où les mêmes structures intercommunales portent à la fois les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) ou autres outils de gestion intégrée des milieux aquatiques tels que les contrats de rivière", indique l'Onema.
"Il est en effet plus facile de concilier les stratégies de prévention des risques d'inondation et de reconquête ou non-dégradation du bon état des cours d'eau, dans un tel cas de figure", ajoute l'établissement public. Manière de reconnaître que la gestion intégrée de l'eau est un concept qui n'est pas toujours facile à mettre en œuvre, surtout face à des aléas naturels de plus en plus forts.