C'est un vote dont l'Etat se serait bien passé. Après la suspension des concertations autour du parc éolien offshore de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), c'est au tour du projet de parc de Dieppe - Le Tréport (Seine Maritime) d'être menacé. En effet, après s'être penché sur l'étude d'impact réalisée par le consortium d'Engie, EDPR et la Caisse des dépôts, le parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale s'est prononcé en défaveur du projet, le 20 octobre.
"Ce qui pose souci, c'est la globalité du dossier qui nous a été soumis en juin. Nous avons travaillé dessus pendant quelques mois, en commissions thématiques, et avons dressé un certain nombre de recommandations et de préconisations", explique le président du conseil de gestion du parc, Dominique Godefroy. Les membres du conseil de gestion du parc ont notamment jugé que les états initiaux de l'environnement n'étaient pas complets et que le dossier s'appuyait sur des données pas assez récentes et imprécises sur la pêche, les populations d'oiseaux… "Les réponses du consortium n'ont pas été satisfaisantes. Ni les pêcheurs, ni les environnementalistes n'ont été satisfaits sur un certain nombre de questions. Toutes les garanties n'étaient pas réunies pour se faire une idée précise de l'impact minimum du projet sur le milieu marin. C'est pour cette raison qu'une majorité du conseil de gestion a voté en défaveur du projet", souligne Dominique Godefroy. Trente quatre membres se sont prononcés contre le projet, vingt ont donné un vote favorable assorti de réserves. Deux se sont abstenus.
"Si l'avis du conseil de gestion n'est pas suivi, je remets ma démission"
Cet avis intervient avant le lancement de l'enquête publique. Le parc naturel marin est consulté car le projet de parc se situe en partie (un tiers environ) sur son périmètre. Auparavant, les parcs avaient autorité, via leurs avis conformes, sur les activités susceptibles d'altérer de façon notable le milieu marin de leur périmètre. Contrairement à l'avis simple, l'avis conforme doit obligatoirement être suivi par les autorités. Mais ce pouvoir est désormais transféré à l'agence française de la biodiversité (AFB). Celle-ci rendra un avis conforme le 27 novembre prochain.
Si l'agence suit le vote du parc, le projet éolien ne pourra être autorisé en l'état et les services de l'Etat seront tenus de rejeter la demande d'autorisation, rappelle le parc marin dans un communiqué de presse. Mais elle peut aussi prendre un avis inverse… "Il serait incompréhensible que l'AFB ne suive pas l'avis du parc. Cette décision serait complètement inadmissible, estime Dominique Godefroy. Il faut respecter l'esprit de la création des parcs. Les conseils de gestion représentent la participation démocratique locale ". Y sont représentés les professionnels de la mer et les usagers de loisirs, les associations de protection de l'environnement et du patrimoine culturel, les élus locaux, des personnalités qualifiées, les services de l'Etat… "Si l'avis du conseil de gestion n'est pas suivi, je remets ma démission de président, menace Dominique Godefroy. Ce vote est l'aboutissement d'une réflexion collective, d'un processus de consultation, de réflexion et de débat qui s'est parfaitement déroulé".
Un manque de concertation sur la planification ?
France Nature Environnement regrette ce vote défavorable, qui "porte un coup de massue au projet de parc éolien en mer et à la filière des énergies marines renouvelables dans son ensemble". Selon son président Michel Dubromel, "ce choix regrettable révèle aussi le déséquilibre évident qui existe au sein de cette instance entre les différents acteurs du territoire, avec une surreprésentation des élus locaux et une sous-représentation des associations de protection de la nature". Ces dernières ont six voix au sein du conseil de gestion, contre 13 pour les collectivités territoriales et 7 pour les usagers. Mais au vu des résultats du vote (secret), les représentants des associations ont au minimum émis des réserves sur le projet... "Le vote favorable avec des réserves n'aurait pas été un blanc-seing au parc", rappelle Dominique Godefroy.
FNE estime que, pour une meilleure acceptabilité locale, "une planification de l'espace maritime prenant en compte, dès le départ les enjeux environnementaux, dans le cadre de l'intérêt général, est plus que jamais nécessaire pour identifier les zones susceptibles d'accueillir des éoliennes en mer et ainsi assurer la transition écologique".