La décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2013 sur les éoliennes et les radars a suscité de nombreux commentaires des avocats spécialisés dans le droit des énergies renouvelables.
Au final, force est de constater que cet arrêt constitue plus une avancée jurisprudentielle sur les possibilités de contester l'impartialité d'un expert que sur la question de fond des éventuelles atteintes des éoliennes au bon fonctionnement des radars.
Commentaire très hostile sur un site internet
Le requérant ne peut se prévaloir pour la première fois en cassation du défaut d'impartialité d'un expert lorsque ce moyen aurait pu être relevé devant les juges du fond.
C'est ce qu'a tranché le Conseil d'Etat dans sa décision portant sur un litige opposant le ministère de l'Ecologie à une société qui s'était vue refuser la construction d'éoliennes du fait des perturbations qu'elles auraient pu causer à un radar météorologique.
La société requérante avait fait valoir devant le Conseil d'Etat le défaut d'impartialité de l'expert désigné par la cour administrative d'appel de Douai en vue d'apprécier l'impact de la construction des éoliennes sur le fonctionnement du radar météorologique d'Abbeville. Cet expert aurait publié sur le site internet d'une commune un commentaire très hostile à l'égard des entreprises du secteur éolien et des projets de construction d'éoliennes antérieurement à la décision de la cour. Ayant été invoqué pour la première fois en cassation, la Haute juridiction écarte ce moyen sans l'examiner.
"Le Conseil d'Etat, pour un pur motif de procédure, est contraint de ne pas censurer un rapport d'expertise dont il est de notoriété publique qu'il est profondément biaisé", commentent Stéphanie Gandet et David Deharbe, avocats associés au sein du cabinet Green Law Avocat. Le même expert avait en effet été récusé dans une autre affaire par le tribunal administratif d'Amiens en avril 2012, relèvent ces derniers.
"Le Conseil d'Etat n'a donc pas "validé" ce rapport dont se prévalent régulièrement les opposants au développement de l'éolien", tient également à préciser l'avocat Arnaud Gossement, "à l'heure où la problématique radars obère le développement de l'éolien en France".
Dysfonctionnements portant atteinte à la sécurité publique
En tant que juge de cassation, le Conseil d'Etat ne se prononce pas sur la question de fond de savoir si le fonctionnement des éoliennes peut perturber les radars météorologiques. Il se contente de vérifier la bonne application des règles de droit par la cour administrative d'appel. Ce qu'il constate en l'espèce.
Par conséquent, la Haute juridiction administrative ne remet pas en cause "l'appréciation souveraine" portée par la cour sur les faits qui lui étaient soumis et qu'elle n'a pas dénaturés. Cette dernière avait jugé, en se basant sur les pièces du dossier, que "les dysfonctionnements induits par les éoliennes étaient de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de la perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu'elles entraînaient, sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effets".
"Bien mal sera pris celui qui essaiera de tirer de cette décision des conséquences définitives aux rapports entre éoliennes et radar, estiment les avocats de Green Law. Il s'agit là d'une décision d'étape, qui ne doit pas faire oublier que le risque pour la sécurité publique fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit s'apprécier concrètement et au vu des faits de l'espèce".
Sur la même longueur d'ondes, leur confrère Carl Enckell estime que "contrairement à ce qu'une lecture superficielle de l'arrêt pourrait laisser penser, le Conseil d'Etat n'a pas entendu fermer la porte aux solutions alternatives, telles que l'adaptation des radars".