Annoncée depuis quelques mois, la révision des procédures de déclenchement des mesures d'urgence en cas de pollution de l'air a été publiée au Journal officiel le 9 avril. Signé par sept ministres, l'arrêté encadrant cette révision prévoit une meilleure anticipation des mesures d'urgence dès les prévisions d'épisodes de pollution, leur maintien possible sur plusieurs jours en cas de conditions météorologiques propices à ces pics de pollution et une concertation des parties prenantes.
"Cette révision permet d'anticiper certaines dispositions de la proposition de loi du député écologiste François de Rugy visant l'automaticité du déclenchement des mesures d'urgence, adoptée le 14 janvier en première lecture à l'Assemblée nationale", souligne le communiqué de presse de la ministre de l'Environnement Ségolène Royal. Cependant, elle ne rend pas automatique la mise en œuvre de mesures d'urgence, comme la circulation alternée, elle permet juste une prise de décision en amont du pic de pollution.
Ce texte abroge le précédent arrêté publié en 2014, qui unifiait les règles de déclenchement des procédures préfectorales en cas de pic de pollution aux particules fines (PM10), au dioxyde d'azote (NO2) et à l'ozone (O3).
Définition d'un épisode de pollution et de la persistance
Désormais, un épisode de pollution est défini comme la "période au cours de laquelle la concentration dans l'air ambiant d'un ou plusieurs polluants atmosphériques est supérieure au seuil d'information et de recommandation ou au seuil d'alerte". Un épisode de pollution aux particules PM10 est considéré comme persistant "lorsqu'il y a eu dépassement du seuil d'information et de recommandation la veille, et que [ce] dépassement (…) est prévu pour le jour même et le lendemain [en cas de modélisation des pollutions]" ou "lorsqu'il est constaté le dépassement du seuil d'information et de recommandation sur station de fond durant deux jours consécutifs [en l'absence de modélisation des pollutions]".
L'article 2 fournit des critères de surface (au moins 100 km2) ou de population (au moins 10% de la population départementale) pour caractériser le dépassement d'un seuil de pollution. Cependant, "les situations locales particulières portant sur un territoire plus limité, notamment les vallées encaissées ou mal ventilées, les zones de résidence à proximité de voiries à fort trafic, les bassins industriels" peuvent également être considérées, précise l'arrêté.
Concernant la marche à suivre, le texte prévoit que le préfet de zone de défense et de sécurité établisse un document-cadre relatif aux procédures et mesures à mettre en œuvre en cas d'épisode de pollution, document sur lequel devra s'appuyer le représentant de l'Etat de chaque département pour déclencher les mesures d'urgence via un arrêté.
Episode de pollution : des mesures sectorielles "adaptées" et "graduées"
Concrètement, en cas d'épisode de pollution, outre les mesures d'information, des mesures de restriction pourront être prises par arrêté, mais celles-ci devront être adaptées aux particularités locales, proportionnées et graduées pour tenir compte de la nature, de la durée, de l'intensité et de l'ampleur géographique de l'épisode de pollution. L'arrêté précise par polluant et par secteur, le zonage pertinent à prendre en compte.
Les mesures de restriction applicables aux secteurs agricole et industriel devront quant à elles être définies "en concertation avec les parties concernées, en tenant compte des impacts économiques et sociaux, des contraintes d'organisation du travail, le cas échéant des pratiques culturales et des impératifs liés aux cycles biologiques des végétaux et des animaux". Le texte précise que les coûts induits par ces mesures ne devront pas être disproportionnés au regard des bénéfices sanitaires attendus. Ainsi, "la baisse d'activité doit rester une possibilité alternative à l'arrêt total des activités si les conditions le permettent", précise le texte.
Pics de particules persistants : des mesures réglementaires et des recommandations
En cas de dépassement prévu du seuil d'alerte ou d'épisode persistant de pollution aux particules, le préfet pourra mettre en œuvre un certain nombre de mesures réglementaires, listées en annexe de l'arrêté, par secteur (industriel, transports, résidentiel et tertiaire, agriculture), comme la circulation alternée ou les restrictions d'épandage. Celles-ci seront déclenchées "après consultation d'un comité d'experts regroupant les services déconcentrés de l'Etat concernés et l'agence régionale de santé, des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des présidents des autorités organisatrices des transports concernés par l'épisode de pollution". Si le pic de pollution concerne l'agglomération parisienne, la consultation concernera, "par souci d'efficacité", les présidents du conseil de la métropole du Grand Paris, du Syndicat des transports d'Ile-de-France et des conseils départementaux des départements touchés. Plusieurs élus locaux, à l'instar de la maire de Paris Anne Hidalgo ou de la présidente d'Ile-de-France Valérie Pécresse, regrettent de ne pas être associés à cette concertation.
Les mesures prendront effet au lendemain de leur décision, sauf si elles ne nécessitent pas de communication préalable ni de préavis pour les personnes concernées, comme les limitations des vitesses signalées par panneaux à message variable.
Enfin, nouveauté du dispositif, très attendue par les élus locaux : "Les mesures sont maintenues tant que les prévisions météorologiques ou les prévisions en matière de concentrations de polluants montrent qu'il est probable que le seuil d'information et de recommandation soit dépassé le lendemain ou le surlendemain".
Afin d'évaluer la pertinence de ce nouveau dispositif, un bilan sur la gestion des procédures devra être réalisé et publié chaque année. Il portera sur le nombre de dépassements des seuils survenus au cours de l'année écoulée, le nombre d'entre eux qui ont été prévus ainsi que le nombre de dépassements qui ont été prévus et n'ont pas été confirmés a posteriori.
Outre ces mesures obligatoires, l'arrêté peut également dresser des recommandations à destination des entreprises, des collectivités territoriales et des autorités organisatrices de la mobilité, sur la mise en place du covoiturage, la réduction des déplacements automobiles non indispensables des entreprises et des administrations, l'adaptation des horaires de travail, le télétravail, la gratuité du stationnement résidentiel…