Le Conseil d'État a rejeté les recours contre le report en 2024 de la mise en service de l'EPR et contre sa mise en service partielle. Elle juge que les problèmes rencontrés et les délais à rallonge n'impactent pas les décisions prises il y a quinze ans.
Par deux décisions rendues le 28 décembre, le Conseil d'État a rejeté les recours déposés en septembre et décembre 2020 par le réseau Sortir du nucléaire et des associations écologistes contre le décret du 10 avril 2007 qui autorise la création de l'EPR de Flamanville (Manche) et contre la décision du 8 octobre 2020 de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui autorise la mise en service partielle du réacteur.
Dans les grandes lignes, la Cour juge qu'il n'est pas nécessaire de mettre à jour l'étude d'impact présentée en 2006, que l'instruction à rallonge de la demande de mise en service du réacteur est conforme au délai règlementaire et que les opérations de démarrage partiel du réacteur nucléaire ne présentent pas de risque.
Pas de modification substantielle
Les associations contestaient d'abord le fait qu'à la suite des difficultés et retards dans la construction du réacteur, l'État ait prolongé une deuxième fois, en 2020, le délai de mise en service du réacteur pour le porter à 2024. En 2019, un recours similaire avait déjà été rejeté par la Conseil d'État contre la première prolongation en 2017 de ce délai.
Ces travaux ne devant pas modifier la réalité physique du site de l'installation, ils ne modifieront pas les éléments essentiels pour la protection de l'environnement
Pour l'essentiel, la Haute Juridiction rappelle que l'allongement de quatre ans du délai de mise en service de l'EPR à laquelle procède le décret du 25 mars 2020 a pour objet de permettre la réparation des soudures des circuits secondaires principaux et la réalisation d'autres travaux de finition du chantier.
« [Ces] travaux (…) ne devant pas modifier la réalité physique du site de l'installation, ils ne modifieront pas les éléments essentiels pour la protection [de l'environnement] », estime le Conseil d'État, qui ne juge donc pas nécessaire la réalisation d'une nouvelle évaluation environnementale. Les demandes d'annulation du décret et de réalisation d'une nouvelle évaluation environnementale sont donc rejetées.
Quant aux défauts constatés sur le réacteur, ils ne remettent pas en cause la sûreté de l'installation, selon la Haute Juridiction. La cuve défectueuse a été autorisée par l'ASN en 2018 et les soudures des circuits secondaires principaux seront réparées par EDF. Ces éléments ne s'opposent donc pas à la mise en service future de l'installation dans des conditions de sécurité satisfaisantes, estime le Conseil d'État, qui juge aussi qu'EDF dispose des moyens nécessaires pour mener à bien la construction de l'EPR. En l'occurrence, ce jugement s'appuie notamment sur la mise en œuvre par EDF du plan « Excell » doté de 100 millions d'euros pour 2020 et 2021, et destiné à recruter et former des soudeurs répondant aux exigences du secteur nucléaire.
Cinq ans et demi ramenés à deux
S'agissant du recours contre la décision de l'ASN, les associations attaquaient la longueur de l'instruction, sachant que la réglementation prévoit que, faute d'une réponse favorable de l'ASN dans un délai de deux ans, la demande de mise en service de l'EPR aurait dû être considérée comme rejetée au bout d'un an (le silence valant rejet).
Mais le Conseil d'État estime que le délai de cinq ans et demi entre l'ouverture de l'instruction du dossier (mars 2015) et la décision favorable de l'ASN (octobre 2020) ne pose pas de problème. D'abord, l'instruction de la demande « a été suspendue par plusieurs demandes de pièces et informations complémentaires que l'Autorité a adressées à EDF ». En effet, la réglementation prévoit que l'instruction soit suspendue le temps que soient produites les pièces et informations requises. Ensuite, l'ASN avait la capacité de porter à deux ans le délai d'instruction, compte tenu de la complexité du dossier. C'est ce qu'elle a fait par une décision du 29 août 2019, juste avant que le délai d'instruction d'un an (suspendu à maintes reprises) n'arrive à son terme, le 23 octobre 2019.
Le Conseil d'État estime donc que la demande de mise en service de l'EPR n'était pas implicitement rejetée par le silence de l'ASN avant sa décision favorable rendue le 8 octobre 2020.
Une seule étude d'impact pour toute la procédure
En outre, la Haute Juridiction considère que cette étape de mise en service partielle ne nécessitait pas de mise à jour de l'étude d'impact réalisée il y a plus de quinze ans, préalablement à la délivrance de l'autorisation de création en 2007. En effet, « cette étude d'impact présente l'ensemble des impacts de la construction et de l'exploitation du réacteur », notamment ceux associés à la mise en service partielle autorisée par l'ASN. Dans le même esprit, le Conseil d'État considère que le plan d'urgence interne prévu par la réglementation a bien été mis à jour, quand bien même cette mise à jour ne figure pas au dossier d'instruction de la décision de mise en service partielle attaquée par les associations.
Quant à l'arrivée du combustible nucléaire sur le site, autorisée par la décision de l'ASN, elle ne constitue pas un risque pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques, juge le Conseil d'État, qui explique que ce combustible est peu radioactif et entreposé de sorte à exclure le risque de criticité. Par ailleurs, des dispositifs de sécurité préviennent les risques en cas d'accident de manutention. Dans le même esprit, les quantités de gaz traceurs radioactifs utilisés lors des essais sont jugées très faibles et sans risque.
EPR de Flamanville : des associations attaquent le décret prorogeant le délai de mise en service (article paru le 28/09/2020) Six associations environnementales ont annoncé avoir déposé un recours devant le Conseil d'État contre le décret prorogeant de quatre ans le délai de mise en service du réacteur EPR de Flamanville ... Lire la news
EPR de Flamanville : le délai réglementaire de mise en service repoussé à 2024 (article paru le 27/03/2020) Un décret, publié ce vendredi 27 mars, fixe au 11 avril 2024 la nouvelle date limite de mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche). Ce texte porte à 17 ans le délai accordé à EDF pour construire le réacteur, contre treize ans jusqu'à mainten... Lire la news
EPR : le Conseil d'Etat rejette le recours de huit associations contre le décret de création (article paru le 11/04/2019) Par une décision du 11 avril 2019, le Conseil d'Etat a rejeté le recours que huit associations avaient formé en vue d'enjoindre le Premier ministre d'abroger le décret du 10 avril 2007 autorisant l... Lire la news
EPR de Flamanville : le délai règlementaire de mise en service porté à avril 2020 (article paru le 24/03/2017) Un décret publié ce vendredi 24 mars 2017 porte à treize ans le délai de mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche). Dorénavant, le délai de mise en service du réacteur nucléaire s'étend jusqu'au 11 avril 2020.
Initialement, le décret du 10... Lire la news
Nucléaire : la cuve de l'EPR fait les frais du durcissement de ton de l'ASN (article paru le 07/04/2015) Ce mardi 7 avril, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a annoncé "[avoir] été informée par Areva d'une anomalie de la composition de l'acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur de l'EPR de Flamanville". En conséquen... Lire la news
EPR de Flamanville : l'ASN valide la cuve mais demande le changement du couvercle (article paru le 29/06/2017) Le président de l'ASN a exposé hier un avis estimant que la cuve de l'EPR présente une résistance suffisante en cas d'accident malgré les anomalies en carbone décelées dans sa composition. Le couvercle devra lui être changé d'ici 2024. Lire la news
Soudures de l'EPR : la réparation avant mise en service est la solution de référence de l'ASN (article paru le 20/06/2019) L'Autorité de sûreté privilégie une réparation des soudures avant la mise en service de l'EPR. Si EDF passait outre cet avis, elle devrait reprendre de fond en comble sa démarche de sûreté. Ce scénario présente de nombreux risques, alerte l'ASN. Lire la news
EPR de Flamanville : quatre ONG déposent un recours contre l'autorisation de mise en service partielle (article paru le 07/12/2020) Ce lundi 7 décembre, le Comité de réflexion, d'information et de lutte anti-nucléaire (Crilan), Greenpeace France, le réseau « Sortir du nucléaire », et le collectif « Stop EPR ni à Penly ni ailleu... Lire la news
EPR de Flamanville : le dossier de mise en service oublie l'impact global du projet (article paru le 03/01/2022) L'Autorité environnementale estime que le dossier remis par EDF en vue de la mise en service de l'EPR de Flamanville ne prend pas en compte l'ensemble du projet. Des impacts environnementaux sont laissés de côté. Lire la news
Flamanville : l'ASN autorise une mise en service partielle pour l'arrivée du combustible nucléaire (article paru le 13/10/2020) Lundi 12 octobre, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a annoncé avoir autorisé la « mise en service partielle » du réacteur EPR de Flamanville (Manche). Cette première étape permet l'arrivée de co... Lire la news
Décret du 10/04/2007 (INDI0700460D) Décret n° 2007-534 du 10 avril 2007 autorisant la création de l'installation nucléaire de base dénommée Flamanville 3, comportant un réacteur nucléaire de type EPR, sur le site de Flamanville (Manche)
En savoir plus
Décret du 10/04/2007 (INDI0700460D) Décret n° 2007-534 du 10 avril 2007 autorisant la création de l'installation nucléaire de base dénommée Flamanville 3, comportant un réacteur nucléaire de type EPR, sur le site de Flamanville (Manche)
En savoir plus
Note Télécharger la décision relative au décret Plus d'infos
Note Télécharger la décision relative à l'autorisation de l'ASN Plus d'infosArticle publié le 03 janvier 2023