En décembre 2020, ecosystem, Ecologic et Soren, les trois éco-organismes de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les équipements électriques et électroniques (EEE), avaient vu leurs agréments prolongés d'un an. Il s'agissait alors de gagner du temps pour élaborer le cahier des charges de la filière. Fin 2021, la situation s'est répétée. Mais, cette fois-ci, les agréments d'un an sanctionnent des dossiers jugés insuffisants par les pouvoirs publics. En cause : des tensions sur l'atteinte de l'objectif de collecte et des différends sur la mise œuvre du fonds réparation (à lire dans un second article à venir). En filigrane se dessine une hausse de la facture pour les producteurs d'EEE.
Concrètement, ecosystem est agréé jusqu'à fin 2022 pour les EEE ménagers, les EEE professionnels et les lampes, Ecologic pour les EEE ménagers et les EEE professionnels, et Soren pour les panneaux photovoltaïques. Les six arrêtés précisent que ces agréments pourront être prolongés pour six ans, lorsque les dossiers auront été complétés.
Plus de 450 000 tonnes de DEEE à trouver
D'abord, les lampes. Pour ce gisement, il s'agit d'une nouveauté liée à l'évolution technologique : les leds vendues actuellement ont une durée de vie plus longue que les ampoules précédentes, ce qui réduit la production de déchets par rapport aux ventes récentes.
Les panneaux photovoltaïques font face au même enjeu. Avec une durée de vie d'une vingtaine d'années, les panneaux actuellement posés sont environ vingt fois plus nombreux que ceux démontés. D'où une impossibilité d'atteindre un taux de collecte de 65 % des ventes.
En 2019, la collecte était très éloignée de la cible : celle des DEEE ménagers a atteint 50 % des ventes sur trois ans et celle des DEEE professionnels 25 %. Au total, plus de 450 000 tonnes manquent. Seul Soren atteint son objectif. Le hic : la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) sanctionne la non-atteinte de cet objectif, en imposant une hausse (assortie d'une majoration) des contributions versées aux éco-organismes. Plusieurs dizaines de millions d'euros pourraient être en jeu pour une filière qui pèse un peu plus de 300 millions d'euros.
Concrètement, l'État reproche à ecosystem d'avoir indiqué qu'il « ne dispose pas des capacités techniques et financières pour remplir l'objectif de collecte ». Contacté, ecosystem précise qu'il dispose bien de moyens appropriés, mais qu'il ne pourra pas atteindre l'objectif car l'État ne lutte pas suffisamment contre les exports illégaux et le traitement de DEEE dans des installations hors filières, c'est-à-dire sans contrat avec un éco-organisme.
Ecologic, contre qui l'État n'a pas retenu ce grief, a « une position différente sur la forme, mais identique sur le fond », explique René-Louis Perrier, son président. Un observateur explique qu'Ecologic a adopté une ligne moins dure : il a indiqué pouvoir atteindre l'objectif, tout en précisant que cette position pourrait être revue si la lutte contre les trafics de DEEE ne portait pas ses fruits. Un « oui, mais », plutôt qu'un « non », en somme.
Combiner les actions des éco-organismes et de l'État
De l'autre côté, les pouvoirs publics rappellent que la loi Agec contient des dispositifs pour doper la collecte. Elle renforce notamment l'obligation de collecte en magasins, en l'étendant aux plateformes en ligne. Elle prévoit aussi que les éco-organismes mènent chaque année des opérations de collecte nationale accompagnées d'une prime au retour pour les particuliers qui rapportent leurs anciens téléphones portables.
« Il faut additionner les leviers », défend Nathalie Yserd. La directrice générale d'ecosystem juge que « l'objectif reste inatteignable sans un plan dédié de l'État pour assécher les filières illégales ». Mais elle admet aussi qu'ecosystem « [a sa] part de travail à effectuer pour développer la collecte ». Pour cela, il va étendre à certains produits électroménagers son dispositif de collecte renforcée « Je donne mon téléphone ».
Quant à Soren, il suit attentivement le débat. Même s'il atteint son objectif, le sujet est sensible puisque, selon la durée de vie des panneaux, l'effort de collecte pourrait être plus ou moins important. Autre inquiétude : certaines opérations peuvent entraîner de grandes variations de collecte. En 2021, rapporte Nicolas Defrenne, directeur général de Soren, le démantèlement d'un grand parc a apporté un millier de panneaux, sur les 4 000 collectés. L'éco-organisme plaide donc pour que soit lissée dans le temps l'évaluation de l'atteinte de l'objectif.
Discussions à Paris et à Bruxelles
Quoi qu'il en soit, ces questions ne devraient pas être toutes réglées à Paris. En France se joue surtout une éventuelle application de la sanction prévue par la loi Agec. Certains espèrent que l'État sera « pragmatique ». La fixation des objectifs se joue à Bruxelles, où les trois éco-organismes et leurs homologues européens suivent leur redéfinition. Plutôt que de se baser sur les ventes des années précédentes ou sur l'ensemble des DEEE produits, ils défendent la notion de « gisement disponible ».
Le principe serait d'évaluer le gisement que les éco-organismes peuvent « réellement » collecter, compte tenu de la durée de vie des produits et des filières de traitement (légales et illégales). Mais cette approche n'enthousiasme pas tous les acteurs. Si elle est retenue, elle ouvrirait sans doute une nouvelle querelle de chiffres. En outre, elle entérine le fait que certains gisements sont considérés comme inaccessibles. Avec, à la clé, le risque de voir perdurer des pratiques dangereuses pour l'environnement.