Fini la pelouse tondue de près, les espaces ornementaux, les massifs multicolores taillés au carré… La gestion des espaces verts change progressivement de paradigme. Cultiver la biodiversité, l'entretenir et laisser la nature reprendre ses droits sont les nouveaux défis des entreprises du paysage qui, jusque-là, privilégiaient l'esthétique. ''Les tendances et pratiques en matière d'aménagement et d'entretien ont, pendant longtemps, laissé que peu de place à la biodiversité'', reconnaît l'Union nationale des entrepreneurs du paysage (UNEP) qui s'est engagée en juin 2010 à se mobiliser en faveur de la biodiversité.
Le Grenelle de l'environnement est passé par là, les réflexions sur la trame verte et bleue ont été entamées, et le rôle des espaces verts urbains a été souligné. Ceux-ci doivent désormais être perçus comme une continuité biologique et un lieu au service de la biodiversité. Leur conception et leur gestion doivent donc évoluer vers de nouvelles pratiques.
Limiter les impacts et enrichir la nature
Trouver des alternatives à l'utilisation des pesticides, préserver la ressource en eau, introduire, conserver et préserver la biodiversité… Que ce soit par l'innovation ou le recours à des pratiques ancestrales, les paysagistes cherchent désormais à limiter l'impact sur la biodiversité des espaces verts créés ou gérés par l'homme. ''D'une pratique essentiellement horticole, nous devons revenir aux fondamentaux. Nous devons découvrir ou redécouvrir des métiers, comme écologue ou encore éleveur ! '', Marc Loiseleur, vice-président de l'Unep.
Pour l'entretien du parc de la Haute Ile, l'entreprise Plaine Environnement, chargée de la gestion pour le Conseil général de la Seine-Saint-Denis, a en effet eu recourt à une gestion pastorale. Sur ce site classé Natura 2000 et ZNIEFF, des brebis, des bovins et des ânes (au total une centaine de têtes de bétail) ont remplacé les machines pour défricher les lieux.
Pour limiter l'usage de pesticides, les gestionnaires des parcs peuvent également réintroduire des insectes auxiliaires (lutte biologique intégrée). Replanter des haies, favoriser le retour en prairie, recourir au paillage sont également des pratiques qui reviennent au goût du jour.
Sensibiliser les citoyens et former les professionnels
''Nous devons expliquer à la population les avantages écologiques et économiques de notre action. Ce n'est pas une démarche classique. Il s'agit d'entretenir la diversité, et pour cela, oublier la référence au jardin décoratif habituel'', analyse Alex Seghers. Le passage de certaines zones en prairies ou encore la tonte tardive peuvent laisser penser à un laisser aller.
Les usagers ne sont pas les seuls à être déroutés : ''il faut expliquer au personnel en charge de la gestion des espaces verts les raisons d'un changement de pratiques. Après quoi, ils se sentent valorisés. Ils sont également les premiers bénéficiaires de ce changement dans leur travail quotidien'', note Philippe Feugère, de l'entreprise Plaine environnement, qui a mis en place une ''gestion harmonique'' des parcs et jardins de Seine-Saint-Denis (réduction des dégagements CO2, des nuisances sonores, des déchets produits et des produits phytosanitaires).
L'Unep s'est par ailleurs engagée à former ses adhérents (20.000 entreprises) à une meilleure prise en compte de la biodiversité.
Concilier écologie et économies
Si la recherche de pratiques alternatives a un objectif avant tout écologique, elle a également un intérêt économique pour la collectivité. ''L'économie reste le moteur'', admet Alex Seghers, président de la Communauté des communes du Pays Clermontois qui a opté pour la gestion différenciée lors de l'aménagement de son parc d'activités. La distribution végétale y a été remaniée, l'éclairage public révisé pour respecter la faune, l'eau récupérée, le paillage généralisé… Résultats : une baisse des coûts malgré le doublement des espaces verts gérés par la collectivité. ''À terme, ces espaces doivent se gérer tout seul'', explique l'élu, …lorsque la nature aura finalement repris ses droits.