Avec les TMB, la filière de compostage des ordures ménagères se maintient, voire vise une valorisation énergétique. Ce qui n'est pas sans présenter un risque certain pour les collectivités, voire pour les exploitants.
D'ici la fin du mois, l'incinérateur de Fos-Sur-Mer devrait avoir recouvré sa capacité, a indiqué le 18 décembre l'exploitant EveRé (groupe Urbaser). Quant aux centres de tri primaire et secondaire et l'unité de compostage détruits par l'incendie du 2 novembre, ils seraient reconstruits d'ici 18 à 24 mois pour un coût estimé à 60 M€ par les assurances.
Un traitement ou pré-traitement d'OMR
Les tris primaire et secondaire appartiennent à l'unité de valorisation organique adossée depuis peu à l'unité de valorisation énergétique (l'incinérateur). Ils visent à tamiser les Ordures Ménagères Résiduelles (OMR) entrantes pour retenir dans la chaîne de traitement la seule fraction granulométrique fine, considérée comme riche en Matière Organique Non Synthétique (MONS).
Le tri primaire se compose d'un trommel (crible rotatif) et d'une roue à courants de Foucault pour extraire la fraction métallique à valeur commerciale. Le tri secondaire, où l'incendie s'est déclaré, comporte en série un trommel, un tri balistique et une table vibrante. Un procédé de compostage accéléré, épargné par l'incendie, sépare les tris primaire et secondaire. Nous sommes en présence d'un TMB.
Ces "Tri Mécano Biologique" selon le sens commun, sont des installations de "Traitement Mécano Biologique" des OMR qui relèvent de la nomenclature des installations de traitement biologique des déchets non dangereux. La profession parle même de pré-TMB étant donné qu'il s'agit, comme les centres de tri, d'installations de traitement intermédiaire des OMR. Elles produisent des refus dont le haut pouvoir calorifique (plastiques, textiles) permet d'envisager une valorisation en Combustible Solide de Récupération (CSR) ; alternative à l'incinération ou à la mise en décharge, en Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND).
Un processus de compostage accéléré
Dans le TMB de Fos-Sur-Mer, le procédé de dégradation aérobie accélérée de la Fraction fermentescible des ordures ménagères résiduelles (FFOMr) est un bioréacteur stabilisateur. Ce tube à rotation lente en acier d'environ 5 m de diamètre sur 50 m de long est équipé à l'avant de couteaux pour dilacérer les sacs poubelles et tout du long d'hélices favorisant le déplacement des OMR. Celles-ci le parcourent d'un bout à l'autre en quelques jours, dans une atmosphère aérée et humide afin d'accélérer le processus vivant de dégradation aérobie de la FFOM et la séparation des autres composants. L'humidification s'opère avec les liquides produits par la dégradation de la matière organique (lixiviats) récupérés en bout de chaîne de traitement. À ce niveau, le processus de compostage accéléré reprend dans des tunnels en béton semi-fermés avec lances d'arrosage au plafond et insufflation d'air. Et pour finir, le compost mature plusieurs semaines dans des casiers en béton ouverts.
Le SMED des Alpes-Maritimes dispose d'un TMB basé sur un procédé alternatif : le "BIOMAX-GTM" de la société italienne SCT. Dans un bassin de plus de 90 m de long et plusieurs dizaines de mètres de large, MONS et déchets verts mélangés sont disposés en andains, malaxés par un pont-roulant automatisé soutenant des vis sans fin, aérés et arrosés par les lixiviats.
Des unités de traitement qui s'apprivoisent
Dans un contexte d'opposition aux incinérateurs et de politique européenne limitant l'enfouissement de la FFOM, les TMB suscitent l'engouement des collectivités en recherche de solutions de gestion des OM. Selon l'Ademe qui porte un avis critique (1) et ne subventionne pas les TMB, d'ici à 2016 la France comptera 97 TMB recevant 5,8 Mt/an d'OMR, dont 76 (78%) produisant du compost et traitant 4,2 Mt/an d'OMR (72%).
D'ici peu, un fascicule dédié aux TMB sera introduit au Cahier des Clauses Techniques Générales (CCTG) applicables aux marchés publics ; une mine pour les collectivités maîtres d'ouvrage. En attendant, elles se débrouillent pour élaborer le cahier des charges (dimensionnement, équipements nécessaires, etc.) et les indicateurs de performances (déchets entrants, taux de diversion (2) , bilan matière, etc.) de leurs TMB en projet ; avec le souci de respecter les prescriptions de l'arrêté ministériel du 22 avril 2008 (3) .
Dans un contexte de variation des déchets entrants – mais estimés à un instant t selon la Modecom (4) –, l'exploitation de ces installations basées sur un processus vivant s'apprivoise. Sans quoi, les conditions de travail s'avèrent préoccupantes (poussières dues au tamisage, fortes concentrations d'ammoniac), les riverains se plaignent (odeurs, mouches) et les performances ne sont pas atteintes. Des refus trop importants et trop humides mis en décharge augmentent la TGAP ; encore chargés de matière organique, ils présentent un risque d'incendie des ISDND. Une fraction métallique contenant trop d'impuretés est invendable. L'excès de lixiviats implique stockage et traitement, et non conformité à l'arrêté préfectoral d'exploitation lorsqu'il stipule un bilan hydrique nul. Un compost non normé ou pas assez mûr pour être épandu retourne dans le process du TMB ou rejoint les refus.
"Il faut bien reconnaître que si certaines usines fonctionnent bien, il est trop fréquent de devoir réaliser des travaux supplémentaires pour atteindre les objectifs initiaux dans les deux à trois ans suivant la mise en service industrielle (MSI)", commente Philippe Thauvin, du Service prévention et gestion des déchets de l'Ademe. En témoigne le Sytrad d'Ardèche Drôme. Après avoir notifié le marché public en 2005, il voit enfin la perspective d'une mise en service en bonne et due forme pour ses trois TMB. Cela lui en aura coûté 48 M€ versés au premier constructeur, le groupement Urbaser/Valorga/S'Pace, et 13,7 M€ au second maître d'oeuvre, le groupement Coteba-Enerpole. Pour ses 351 communes membres et leurs 533.615 administrés, la facture est de 129,21 € TTC la tonne d'OMR (TMB et stockage en ISDND).
Le TMB-méthanisation
Tel que présenté fin juin au colloque de l'Ademe Prévention & Gestion des déchets dans les territoires, le fascicule TMB du CCTG fait référence à un élément récurrent : le "tube de pré-fermentation". Il s'agit du bioréacteur stabilisateur, à ne pas traduire par l'acronyme « BRS® » qui désigne le modèle breveté en France par Vinci Environnement.
En réalité, cet équipement ne préfigure un véritable processus de fermentation que lorsque la chaîne de traitement est équipée de digesteurs, c'est-à-dire dans le cas des TMB-méthanisation.
Le premier TMB-méthanisation de grande capacité construit en France (170.000 t/an d'OMR) a défrayé la chronique. Après une MSI en 2007, la cinquantaine d'essais de performance menés sous la responsabilité du constructeur (le groupement VINCI Environnement/SOGEA Sud/AT&E) n'a pas permis à la Communauté d'agglomération de Montpellier (CAM) de réceptionner l'installation Amétyst. Il y a trois ans, un incendie en aval des digesteurs a réduit le fonctionnement de l'usine à 65% de ses capacités. Divers aménagements ont été opérés : mise en œuvre d'un système de captation et de traitement de l'air vicié sur l'ensemble du site, traitement insecticide préventif pour rompre le cycle de vie des mouches, etc. La Cour des Comptes Régionale s'en est mêlée et a évalué le coût de construction à 87,9 M€, contre 57 M€ au départ.
Aujourd'hui Amétyst fonctionne bien, souligne son exploitant, Sita Méditerranée. En 2012, elle a produit 18.675 MWh d'électricité et 2.911 MWh de chaleur. Mais elle n'est plus conforme au cahier des charges initial. Après audit technico-financier, la CAM a décidé de rompre le contrat de délégation de service public qui le liait à Sita jusqu'en 2020, moyennant 1,7 M€ de compensation.
Et un incendie en aval des digesteurs ravage à son tour le TMB-méthanisation d'EveRé... Si la filière des TMB se porte bien en France, elle est source de bien des déconvenues ; ce dont la justice se mêle.