L'état d'urgence sanitaire, instauré par la loi du 23 mars 2020, devrait être prolongé jusqu'au 23 juillet prochain. C'est en tout cas ce que prévoit le projet de loi présenté par Édouard Philippe le 2 mai en Conseil des ministres et qui, la veille, avait fait l'objet d'un avis du Conseil d'État. Le texte, qui fait bien entendu l'objet d'une procédure accélérée, est examiné les 4 et 5 mai par le Sénat, avant d'être transmis à l'Assemblée nationale.
« Si l'évolution [des] données depuis plusieurs jours témoigne d'un ralentissement de la progression de l'épidémie, le niveau de circulation du virus reste élevé et les risques de reprise épidémique sont avérés en cas d'interruption soudaine des mesures en cours. Une levée de l'état d'urgence le 23 mai serait donc prématurée », justifie le Premier ministre.
Outre la prorogation de l'état d'urgence, le projet de loi précise les régimes de mise en quarantaine et de placement à l'isolement des personnes infectées par le Covid-19. Après avoir hésité, le Gouvernement prévoit que ces mesures ne pourront finalement intervenir que lors de l'entrée des personnes sur le territoire national et non pour les malades qui y sont déjà présents. Les mesures individuelles de quarantaine et de placement seront prises par le préfet sur proposition du directeur de l'agence régionale de santé, avec une possibilité de recours devant le juge des libertés et de la détention qui devra statuer sous 72 heures. Le texte étend par ailleurs les catégories de personnes habilitées à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l'état d'urgence sanitaire.
« Risques de discrimination considérables »
Le projet de loi prévoit par ailleurs de donner au ministre de la Santé la compétence pour créer un système d'information permettant d'identifier les personnes infectées ou susceptibles de l'être, d'organiser les opérations de dépistage, de définir des prescriptions médicales d'isolement prophylactique, ainsi que d'assurer le suivi médical, la surveillance épidémiologique, la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation. Le texte habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des ajustements complémentaires relatifs à l'organisation et la mise en œuvre de ce système d'information.
L'exécutif met en avant plusieurs garde-fous contre ces dispositions d'ores et déjà contestées : limitation de cette compétence dans la durée, limitation des organismes ayant un accès à ces informations, modalités d'application prises par un décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). « Il ne faut pas que l'on puisse faire de traitement automatique par l'intelligence artificielle d'un tel fichier, parce que ça ouvre naturellement à des risques de discrimination qui sont tout à fait considérables », estime Jacques Toubon, le Défenseur des droits, au micro de Franceinfo.