
Après l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche, c'est donc au tour de la France de se positionner sur ce sujet. ''Il se devait que la France se positionne, a expliqué Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies. Il y avait une urgence particulière à définir le ''sans OGM'' surtout dans l'agroalimentaire'', a complété Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social du HCB en évoquant l'inquiétude grandissante des consommateurs. La création d'une mention ''sans OGM'' vise en effet à permettre aux consommateurs de choisir, s'ils le souhaitent, des aliments produits sans recours au OGM.
Un étiquetage en fonction des filières
Après plusieurs mois de réflexion, le Haut Conseil préconise la mise en place d'un étiquetage différent selon les types d'aliments qu'ils soient bruts ou transformés. Pour les produits végétaux, le ''sans OGM'' pourrait être apposé sur des aliments qui contiennent moins de 0,1% d'ADN transgénique, ce seuil étant le plus bas techniquement réalisable. Mais cet étiquetage ne concernerait que les produits végétaux pour lesquels il existe une variante génétiquement modifiée autorisée en Europe pour importation ou culture. C'est le cas par exemple pour le maïs, le soja mais pas pour la courgette. Le HCB précise d'ailleurs que la liste des OGM autorisés en Europe devra être largement diffusée aux consommateurs.
Pour les produits issus d'animaux (viande, lait, oeufs…), le HCB conseille la création d'une mention ''nourri sans aliments OGM'' ou ''issus d'animaux nourris sans aliments OGM'' réservée aux produits d'animaux nourris avec des aliments estampillés ''sans OGM'' (moins de 0,1%).
Le Haut Conseil propose également la création d'un étiquetage spécifique pour les produits intermédiaires, compris entre le seuil de 0,1% et le seuil de 0,9%. ''Fondée sur les spécificités de la filière animale, cette possibilité permettrait aux opérateurs utilisant des aliments non étiquetés OGM de valoriser leurs efforts tant que l'Union européenne ne sera pas autonome en matière de production de protéines pour l'alimentation animale'', peut-on lire dans l'avis. En effet, si de nombreux opérateurs ont fait le choix de ne pas utiliser d'OGM pour l'alimentation animale, ils restent dépendants des importations de pays tiers qui ne prennent en compte que le règlement européen sur l'étiquetage des OGM. Aujourd'hui un importateur de soja ne peut donc pas réclamer du soja « sans OGM » (en dessous de 0,1 %), mais seulement du soja non étiqueté OGM (en dessous de 0,9 %). L'idée est donc de permettre aux agriculteurs qui n'utilisent pas d'OGM pour nourrir leur bétail de se différencier même si la nourriture qu'ils utilisent n'est pas ''sans OGM''.
La mention ''sans OGM'' pour les produits de l'apiculture devrait en revanche être fondée non pas sur un seuil de présence d'ADN transgénique mais sur une distance minimale entre le rucher et les cultures d'OGM. Le miel pourrait ainsi être étiqueté ''sans OGM dans un rayon de (…) km''. Pour l'instant, le HCB ne fixe aucune distance mais se dit prêt à y réfléchir à la demande des pouvoirs publics. ''Cette distance devra être fixée par les pouvoirs publics après estimation de l'aire moyenne de butinage des abeilles sur laquelle le HCB devrait donner son avis'', a précisé Christine Noiville.
Quant aux aliments composés, une pizza par exemple, la mention ''sans OGM'' ne sera apposée que si tous les composants végétaux et animaux sont ''sans OGM'' ou issus d'animaux ''nourris sans aliments OGM''.
Des travaux à approfondir
Pour les associations et notamment Greenpeace qui a participé aux réflexions du Haut Conseil, cette définition proposée est la ''moins mauvaise''. Elle démontre surtout que ''la coexistence n'est pas possible puisqu'il faut accepter que « sans OGM » signifie « un peu d'OGM ». Greenpeace espère surtout que cet étiquetage parlera aux consommateurs : nous espérons que la possibilité pour les consommateurs de montrer leur choix de produits ''sans OGM'' provoquera une forte demande, qui contraindra le marché des OGM à céder la place à une agriculture durable'', explique Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM de Greenpeace France.
La Confédération Paysanne, également membre du HCB, soutient pour sa part cette recommandation et y voit ''une étape vers une transparence indispensable. La mise en œuvre de cette recommandation facilitera les démarches des agriculteurs, des filières et des consommateurs qui veulent produire et se nourrir avec le moins d'OGM possible'', ajoute-t-elle.
Reste que cet étiquetage n'est pour l'instant qu'une proposition du Haut Conseil des Biotechnologies. Les pouvoirs publics doivent désormais s'en inspirer pour rédiger un prochain décret. En attendant, le HCB rappelle que de nombreux points doivent encore être fixés et notamment les exigences techniques pour que les filières coexistent sur le terrain de la fourche à la fourchette, autrement dit de la culture en champ aux rayons des supermarchés en passant par les usines de transformation. Pour éviter que les récoltes OGM ne se mélangent aux récoltes non OGM, faut-il des sites de production dédiés, des lignes de production séparés ?
Dans tous les cas, la mise en place de telles filières engendrera des coûts supplémentaires pour les opérateurs sans compter les nécessaires analyses régulières à effectuer pour vérifier le niveau de contamination et ce, à toutes les étapes de transformation. Le HCB prévient par conséquent qu'une analyse économique sur les coûts liés à la production ''sans OGM'' s'impose. Selon les travaux du programme européen Co-Extra dédié à la coexistence des filières OGM et non-OGM, l'ensemble des coûts additionnels de coexistence et ségrégation de produits, pour certaines cultures, pourrait atteindre jusqu'à 13% de l'ensemble du chiffre d'affaires.