Afin de respecter ses engagements climatiques, la France doit disposer d'un parc bâti de niveau Bâtiment basse consommation (BBC) ou équivalent d'ici à 2050. « La tenue de cet objectif implique d'accélérer le rythme des rénovations performantes », souligne l'Agence de la transition écologique (Ademe) dans un nouveau rapport, publié le 5 octobre. C'est-à-dire atteindre la classe A ou B du diagnostic de performance énergétique (DPE), tout en minimisant le nombre d'étapes de travaux. Cependant, atteindre l'objectif d'un parc bâti rénové aux normes BBC implique de passer de moins de 50 000 logements rénovés performants par an aujourd'hui, à plus de 700 000 « en rythme de croisière, avec un usage optimisé des fonds publics et privés », ajoute l'Agence. Les financements sont en effet « nécessaires » pour former les professionnels, structurer l'accompagnement des ménages et disposer d'outils adaptés, indique l'Institut Négawatt. Il est l'un des coauteurs, avec Île-de-France Énergies et Greenflex, de cette nouvelle étude, intitulée « Firéno Logements » (Financement de la rénovation performante des logements), réalisée pour le compte de l'Ademe.
Des aides pour éradiquer les passoires énergétiques
Dans cette perspective d'un parc BBC en 2050, leur étude formule des propositions d'orientations des politiques publiques à mettre en œuvre, sur la période 2022 à 2027, pour structurer le financement en faveur de la rénovation performante de l'ensemble des logements français : maisons individuelles, logements collectifs et logements sociaux. Leurs propositions « répondent à l'urgence actuelle de sobriété et d'efficacité dans le bâtiment » et s'inscrivent dans la continuité des actions conduites par l'État ces dernières années (fin des passoires énergétiques, sortie de la précarité...).
Pour rappel, d'ici à 2028, toutes les passoires énergétiques du parc locatif (classes F et G du DPE) doivent avoir été rénovées, puis, en 2034, les logements classés E en France métropolitaine, selon la loi Climat d'août 2021. Pour aider les propriétaires et les copropriétaires à entreprendre des travaux et réduire leur reste à charge, l'État mise sur son aide publique phare MaPrimeRénov' dont il prévoit, dès 2023, de renforcer les primes pour les rénovations globales. Le projet de loi de finances pour 2023 vise ainsi 2,5 milliards d'euros de financement pour MaPrimeRénov'. De même, à partir du 1er janvier 2023, le recours aux Accompagnateurs Rénov' sera amplifié, car obligatoire pour bénéficier de MaPrimeRénov' et des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui sont conditionnées à une amélioration de la performance énergétique globale du logement (MaPrimeRénov' Sérénité).
Maisons individuelles : recours aux Accompagnateurs Rénov'
Un fonds destiné à la rénovation énergétique des copropriétés
La copropriété représente, quant à elle, environ un quart du parc de résidences principales, et pas moins de 41 % du parc collectif en classes E à G. À noter : la loi Climat impose aussi la réalisation de plans pluriannuels de travaux et de DPE pour toutes les copropriétés entre 2023 et 2026, selon leur taille. La copropriété compte plusieurs ménages qui devront se mettre d'accord sur un seul programme de travaux de rénovation. « Les aides conçues pour les ménages en maison individuelle ont longtemps été utilisées tant bien que mal en copropriété, jusqu'à ce que, fin 2020, MaPrimeRenov' Copropriété soit créée », soulignent les auteurs. Cette aide bénéficie au syndicat des copropriétaires et exige au moins 35 % d'économies d'énergie. Or, « du fait de la durée des projets (phases d'études, prises de décision longues) en copropriété, les effets de cette prime sont encore difficiles à mesurer, mais on sait que les volumes (environ 4 300 logements durant le 1er semestre 2022) sont encore insuffisants », pointent-ils toutefois du doigt.
Afin de renforcer les capacités de financement des copropriétés pour se lancer dans une rénovation globale, les auteurs proposent, par exemple, de constituer, progressivement, au fur et à mesure des mutations, un fonds destiné aux travaux. « Le mécanisme de fonds rénovation énergétique en copropriété pourrait s'inscrire dans un calendrier progressif. » Pour les mutations ayant lieu en 2024, un tiers de la somme pourrait être provisionné à ce moment-là, puis en 2025, les deux tiers. Et à partir de 2026, 100 % du montant prévisionnel des travaux de rénovation complète et performante devra être provisionné à cette occasion.
L'étude recommande aussi de conditionner les subventions en copropriété soit vers l'atteinte des classes A ou B du DPE, soit en traitant les six postes de travaux de rénovation performante mentionnés dans la loi Climat. Il s'agit de l'isolation des murs, de l'isolation des planchers bas, de l'isolation de la toiture, du remplacement des menuiseries extérieures, de la ventilation, de la production de chauffage et d'eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées.
Par ailleurs, l'étude plaide pour renforcer la capacité d'action des sociétés de tiers-financement (STF) pour assurer l'avance de trésorerie des ménages. Ils proposent de faciliter leur activité de prêt, en permettant à toutes de distribuer l'écoprêt à taux zéro (éco-PTZ), « en mettant en cohérence le cadre réglementaire limitant la concentration du risque en copropriété avec celui de la maison individuelle (contrepartie représentant 1 % de l'actif net d'une STF) » et l'accès au Fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), « ce qui leur permettra de distribuer certains prêts comme le prêt avance rénovation ».
Maximiser les sources de financement pour les bailleurs sociaux
Concernant le parc social, en 2019, 4 % du parc sont des passoires thermiques (étiquettes F ou G) contre 17 % dans l'ensemble des résidences principales, relève l'étude. Les bailleurs sociaux ont, ces dernières années, engagé plus de 100 000 logements par an dans des travaux d'amélioration énergétique, dont les deux tiers ont entraîné un changement d'étiquette énergétique. Cependant, le rythme de rénovation du parc social « reste actuellement inférieur au rythme nécessaire pour atteindre un parc 100 % au niveau BBC rénovation, en moyenne, en 2050 », indiquent les auteurs.
Pour accélérer ces rénovations performantes, les auteurs de l'étude proposent notamment de libérer de nouvelles formes de revenus, en complément des dispositifs de soutien public. Il peut s'agir, par exemple, « de simplifier et d'améliorer la mise en œuvre de la troisième ligne de quittance de loyer, en allongeant la durée de récupération des économies d'énergie dans le cas de travaux adossés à des contrats de performance énergétique ou à une garantie de performance menant à un niveau BBC rénovation, en revoyant la méthode de calcul des économies de facture énergétique (tarif dynamique de l'énergie pour refléter le coût de l'énergie au moment des travaux de réhabilitation) ». Ce qui permettrait aux organismes HLM « de récupérer jusqu'à 80 % des économies d'énergie au lieu de 50 % pour les opérations les plus performantes, et en simplifiant les modalités de vote des occupants ».
Ils recommandent, en outre, de maximiser les sources de financements (hors subventions et prêts bonifiés), notamment en intégrant la génération de revenus issus de la production d'énergies renouvelables. Il faut, pour cela, simplifier par exemple les démarches permettant « de s'inclure dans des opérations d'autoconsommation et de fournir de l'énergie aux locataires à un tarif fixé par l'État (pour les logements individuels, permettre la vente dans le cadre d'une autoconsommation individuelle ; pour les bâtiments collectifs, loi à compléter pour permettre la vente d'électricité) ».
Par ailleurs, les auteurs appellent à simplifier l'accès aux aides (certificats d'économies d'énergie (CEE), dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), aide des collectivités, accès aux prêts bonifiés, TVA réduite…) qui permettrait aux bailleurs « d'utiliser de manière massive, plus rapide et avec moins d'incertitudes ces dispositifs pour des opérations de rénovation énergétique performantes ».