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Actu-Environnement

« Des conditions de confort sont possibles en climat tropical, même sans climatisation »

Portée par Imageen, l'étude Coco démontre l'efficacité, pour le confort des ultramarins, de la ventilation naturelle et des brasseurs d'air via la construction de bâtiments bioclimatiques. Une étude aussi utile en métropole, face aux vagues de chaleur.

Interview  |  Bâtiment  |    |  R. Boughriet
   
« Des conditions de confort sont possibles en climat tropical, même sans climatisation »
Néjia Ferjani
Directrice du bureau d’études réunionnais Imageen
   

Actu-Environnement : Le projet Coco est lauréat du programme de certificats d'économies d'énergie Ombree qui soutient les bâtiments ultramarins économes en énergie. Pourquoi avoir lancé une étude sur le confort thermique ?

Néjia Ferjani : L'objectif de l'étude Coco, portée par Imageen, de 2019 à 2022, a été de sensibiliser les utilisateurs des bâtiments ultramarins, sous un climat tropical humide comme ceux de La Martinique et de Mayotte, aux paramètres qui constituent la notion de confort thermique dans le but de réduire la consommation de la climatisation. Cofinancée par l'Agence Qualité Construction (AQC) et l'Agence de la transition écologique (Ademe) de Mayotte, notre étude a été réalisée en partenariat avec le bureau d'études martiniquais Watt Smart et de l'association Kebati.

Les professionnels du bâtiment se basent sur le diagramme de Givoni, qui porte le nom de son fondateur, un architecte israélien, pour évaluer le confort d'une future construction, conçu sur la base du ressenti en climat méditerranéen, où alternent un été sec et un hiver rigoureux. Ce diagramme traduit la qualité de la construction. Dans notre étude, l'idée a été de l'adapter aux climats tropicaux humides, en Martinique et à Mayotte, qui se rapprochent en termes d'humidité et de température, mais avec des saisonnalités inversées puisqu'ils sont de part et d'autre de l'équateur. Un nouveau diagramme de Givoni est donc proposé, adapté aux conditions climatiques de ces territoires. Avec le diagramme de Givoni existant, il était en effet très compliqué de parvenir à un bâtiment confortable sans climatisation en Outre-mer. Le climat de la Martinique et de Mayotte se caractérise par une chaleur constante et un taux d'humidité plus élevé sur l'année. Leur température moyenne annuelle est autour de 24 et 25°C.

AE : Comment avez-vous évalué les ressentis de confort et d'inconfort dans les bâtiments étudiés ?

NF : Le fait d'étudier, pendant deux ans, en milieu tropical, permettait d'observer l'adaptation des personnes. Au total, nous avons analysé 4 142 enquêtes, auprès d'usagers de bâtiments mahorais et martiniquais. Pour chaque enquête réalisée sur la journée, la température de l'air, la température rayonnante, le taux d'humidité et la vitesse de l'air ont été relevés à l'aide de sondes. Ces métriques ont été corrélés au ressenti de confort thermique déclaré par l'usager au moment du relevé de température.

Les bâtiments étudiés, majoritairement des bâtiments scolaires – soit la moitié du panel - n'étaient pas, pour la plupart, climatisés. L'objectif était donc d'identifier les limites des conditions de confort dans ces bâtiments en condition de température élevée. Nous avons aussi questionné des occupants de bureaux, de logements et de commerces, qui à l'inverse sont très souvent climatisés, pour essayer d'évaluer leur niveau de confort. Nous avons recueilli un nombre important d'enquêtes pour balayer un maximum de plages de températures à l'intérieur du bâtiment et d'hygrométrie et questionner plusieurs personnes. La plupart de nos enquêtes se sont déroulées pendant l'intersaison et la saison chaude. Néanmoins, nous n'avons pas assisté à des périodes très pluvieuses ou cycloniques, ce qui fait que notre diagramme peut être tronqué, par manque de données, quant aux résultats qu'on a pu obtenir sur le taux d'humidité.

AE : Quels enseignements tirez-vous de vos enquêtes ?

NF : Les personnes sondées estiment être en confort sur des températures plus élevées de ce que l'on a l'habitude de concevoir. La climatisation est généralement conçue avec une consigne de température réglée à 24 °C. Or, on sait qu'à chaque degré de moins sur la climatisation, on atteint quand même 7 % de consommation d'énergie en plus.

Parmi nos résultats, 7 % des personnes sondées aux Antilles ont déclaré avoir trop froid à cause de la climatisation, ce qui est choquant. Tandis que dans les bureaux, des salariés ne ressentent pas d'inconfort lié à la chaleur jusqu'à 28 °C. Une personne acclimatée à un climat tropical va donc supporter des conditions de températures plus élevées qu'un résident récemment arrivé de la métropole. Une part significative des personnes interrogées déclare ainsi être en situation de confort à des températures entre 26 et 28°C, mais avec une humidité de 50 à 80 %. En l'absence de ventilation, on constate une chute du taux de confort à partir de 29 °C.

Nos résultats ont aussi montré qu'une ventilation légère, naturelle ou artificielle avec des brasseurs d'air (ventilateur plafonnier) permettent à plus de 60 % des sondés de se sentir confortables à une température de 32 °C, et à près de 40 % de ne pas ressentir de chaleur.

Notre retour du terrain montre donc qu'il est possible d'avoir du confort, y compris sans climatisation. On peut avoir du confort jusqu'à 28 °C sans ventilation, voire au-delà̀ de 30°C avec un brasseur d'air. On évite aussi les chocs thermiques en passant d'une pièce rafraîchie avec un brasseur d'air, plutôt que d'un lieu climatisé, pour se rendre à l'extérieur à plus de 30 ou 38 °C.

Parce qu'ils sont économes en énergie et moins coûteux que la climatisation, notre étude encourage donc l'installation de brasseurs d'air performants, en termes de volumes brassés, de niveaux sonores, et qui peuvent être soutenus par les aides publiques. Il existe une fiche de certificats d'économies d'énergie (CEE), créée il y a deux ans, qui finance l'acquisition de brasseurs d'air en Outre-mer dans le résidentiel et le tertiaire.

“ Pour un bâtiment bioclimatique optimisé, on va pouvoir augmenter la situation de confort sans climatisation durant 90 à 95 % du temps sur l'année ” Néjia Ferjani, Imageen

AE : Dans ce contexte, votre étude promeut le confort des bâtiments bioclimatiques et critique les normes de constructions actuelles

NF : L'étude Coco démontre en effet la possibilité de confort en adoptant des pratiques de construction bioclimatiques, telles que la végétalisation de l'environnement du bâtiment, l'isolation des toitures, le recours aux brasseurs d'air et aux protections solaires. Pour un bâtiment bioclimatique optimisé, on va pouvoir augmenter la situation de confort sans climatisation durant 90 à 95 % du temps sur l'année.

Les constructions vernaculaires étaient nettement mieux adaptées sous un climat tropical que les constructions aujourd'hui en Outre-mer. La conception se rapproche de celle métropolitaine : on est parti sur le tout-béton, on a fermé et cloisonné les bâtiments, on cherche à obtenir une étanchéité optimale et on a climatisé à outrance.

C'est la réglementation thermique, acoustique et aération (RTAA DOM), révisée en 2016, qui s'applique dans les départements d'Outre-mer : la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte. Elle concerne les logements neufs et les extensions neuves de logements existants, mais pas le tertiaire (écoles, commerces, hôtels). La Guadeloupe a toutefois sa propre réglementation thermique (RTG) pour les logements et les bâtiments tertiaires neufs, car elle est autonome pour sa gestion de l'énergie. En outre, les travaux en cours sur la RTAA visent à trouver un outil qui puisse assurer des performances thermiques passives sans forcément respecter les seuils d'exigences de la réglementation environnementale RE 2020 des bâtiments neufs en métropole.

Pour la RE 2020, c'est plutôt profiter des retours d'expérience des DROM, comme l'usage des brasseurs d'air, pour atteindre les exigences du confort d'été, en métropole, confrontée de plus en plus à des pics de chaleur.

Les acteurs du bâtiment des DROM peuvent aussi recourir à des référentiels (appelés Perene à La Réunion, Mayénergie à Mayotte ou Ecodom plus en Guyane) qui permettent de compenser un vide d'exigences réglementaires pour améliorer les performances énergétiques des bâtiments ultramarins.

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