Parce que les voitures particulières sont responsables de la moitié des émissions du secteur des transports, l'Union Européenne a fixé un seuil maximum pour les émissions de CO2 moyennes des voitures neuves à 95 grammes par kilomètre en 2021, puis à 60 grammes par kilomètre en 2030. Or, ces émissions dépassent 120 grammes en 2018, et ne baissent plus depuis 2016. L'objectif de 2021 semble donc hors de portée selon Nicolas Meilhan, auteur d'une étude de France Stratégie intitulée "Comment faire enfin baisser les émissions des voitures ? ". L'auteur estime en effet que les constructeurs automobiles devraient réduire de 10 g/km les émissions moyennes de CO2 de leurs voitures neuves, chaque année, pendant trois ans, pour espérer atteindre l'objectif européen… ce qui ne s'est jamais produit (même en laboratoire) au cours des vingt dernières années.
L'objectif de 2030 reste, quant à lui, accessible selon l'étude mais à condition de passer à l'électrique et de réduire le poids des voitures. "Si la nécessité d'électrifier le parc automobile ne fait plus de doute aujourd'hui, ce qu'on sait moins en revanche, c'est que le gain environnemental d'une telle conversion dépend de la taille (du poids) des voitures", explique Nicolas Meilhan. Réduire ce poids permettra de réduire la capacité de batteries nécessaire pour couvrir les besoins de mobilité du quotidien, ce qui rendra les voitures électriques plus abordables et limitera leur impact environnemental lors de leur production.
Indexer le bonus-malus sur le poids des véhicules
Aller vers des voitures plus légères est donc un préalable nécessaire. Pour y parvenir, l'étude propose de modifier le bonus-malus appliqué lors de l'achat d'un véhicule en l'indexant sur le poids des voitures. Un dispositif déjà appliqué par la Norvège qui peut se targuer d'avoir atteint dès 2016 l'objectif européen des 95 g/km. "C'est un dispositif qui permettrait surtout d'inciter les constructeurs à fabriquer des voitures plus légères et qui rétablirait de l'équité sociale dans la fiscalité : davantage de bonus pour « les petites voitures » sobres en énergie mais un malus sur les « tanks », y compris électriques, achetés par les ménages les plus aisés (pour une utilisation le plus souvent en solo)", explique l'auteur. La Norvège a tenté d'aller un cran plus loin en proposant un projet de loi (finalement rejeté) en faveur de la suppression du rabais aux véhicules électriques de plus de 2 tonnes. À titre d'illustration, si la France adoptait une telle mesure, l'actuel bonus de 6.000 euros dont bénéficie l'acheteur d'une Audi e-Tron – 80.000 euros, 2,5 tonnes dont 700 kg de batteries – se transformerait en un malus de 10.000 euros.
Relocaliser la fabrication des véhicules électriques
Autre condition nécessaire : produire ces voitures avec de l'électricité décarbonée et encourager la production "locale" au moyen d'une taxe carbone ajustée aux frontières. Ou, à défaut, conditionner l'octroi des aides au respect d'une norme sur l'empreinte carbone associée à la production et au recyclage des voitures et de leurs batteries. "Ce sont du reste des mesures de ce type qui ont permis à la Chine de faire émerger des champions nationaux, avec la rapidité qu'on sait : les premières voitures électriques fabriquées en Chine arriveront sur le marché européen… cette année.", rappelle l'étude de France Stratégie. La Chine a en effet conditionné ses aides à l'achat de marques locales et les a modulées en fonction de la densité énergétique massique de la batterie (Wh/kg) et de la consommation d'électricité.