Le 13 juin, l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) a présenté les résultats de son étude qui évalue la capacité des sols agricoles et forestiers, en France métropolitaine, à stocker du carbone et à participer à la lutte contre le changement climatique. Les travaux, menés par la trentaine de chercheurs, ont analysé la faisabilité de l'objectif "4 pour 1.000", porté par la France, lors de la conférence internationale sur le climat à Paris (COP 21) en décembre 2015. Le concept du "4 pour 1.000" a été développé par l'Inra. Un taux de croissance annuel de 0,4 % des stocks de carbone du sol - ou 4 pour 1.000 (‰) par an - dans les 30 à 40 premiers centimètres du sol, réduirait "de manière significative" dans l'atmosphère la concentration de CO2 liée aux activités humaines.
L'étude montre "concrètement que l'on peut augmenter de près de 2 pour 1.000 et peut-être, à terme, 4 pour 1.000 la teneur en carbone dans les sols. Ce taux est important parce qu'il permet de neutraliser l'augmentation du CO2 atmosphérique produit par l'Homme chaque année", a souligné Philippe Mauguin, président de l'Inra.
Un stockage additionnel possible en grandes cultures et prairies temporaires
Les chercheurs ont estimé le potentiel de stockage additionnel, c'est-à-dire des pratiques agricoles permettant de stocker davantage de carbone que ne le font les pratiques actuelles. Le stock actuel de carbone organique des sols français (de 0 à 30 cm de profondeur de sol) représente 3,58 gigatonnes (Gt) de carbone. Le potentiel de stockage additionnel dans les sols agricoles et forestiers, évalué par l'Inra, est de 5,78 millions de tonnes (Mt) de carbone par an, dans les 30 premiers centimètres du sol. Le stockage additionnel possible est estimé à 1,9 pour 1.000 par an pour l'ensemble de la surface agricole et forestière française. C'est dans les zones de grandes cultures que réside le plus fort potentiel de stockage additionnel (86 % du potentiel total), du fait que leurs stocks de carbone "sont aujourd'hui faibles", a précisé Sylvain Pellerin, directeur de recherche à l'Inra et copilote de l'étude.
Trois pratiques agricoles "stockantes" sont qualifiées de "leviers majeurs" par M. Pellerin. En premier lieu, l'extension des cultures "intermédiaires" (qui représente 35 % du potentiel total de stockage additionnel), suivie par le développement de l'agroforesterie intra-parcellaire (19 % du potentiel total). Figurent aussi l'insertion et l'allongement des prairies temporaires dans les rotations culturales (13 % du potentiel total). Deux autres pratiques en grandes cultures sont recensées par l'Inra : la plantation de haies et l'utilisation de composts ou produits résiduaires organiques. "La mobilisation de nouvelles ressources organiques ne représente que 4,5 % du potentiel de stockage additionnel total, mais l'assiette a été calculée avec prudence pour tenir compte des réticences au recyclage agricole de certaines ressources (boues de stations d'épuration)".
Les possibilités de stockage additionnel sont "beaucoup plus faibles" en prairies permanentes (12 % du total), ajoute l'Inra.Tandis qu'en forêt, aucune pratique "plus stockante que les pratiques actuelles" n'a été identifiée. "Certains sols ont déjà un stock élevé de carbone. C'est le cas des forêts et des prairies permanentes, pour lesquelles il est difficile d'augmenter le taux de carbone dans le sol. L'enjeu est alors d'entretenir et de protéger ces stocks (existants) par des pratiques permettant de les pérenniser", souligne l'Institut.
Près de 7 % des émissions de GES de la France compensées
"Augmenter les stocks, là où c'est possible, n'a de sens que si parallèlement les stocks existants sont protégés, en particulier là où ils sont élevés : retourner un quart de la surface en prairies permanentes annulerait le stockage additionnel permis par l'adoption de pratiques stockantes en grandes cultures", prévient Sylvain Pellerin.
Les chercheurs de l'Inra ont également évalué à quel prix devrait être la tonne de carbone pour couvrir les coûts de mise en œuvre des pratiques stockantes. "La moitié du potentiel de stockage est à un coût inférieur à la valeur tutélaire actuelle du carbone". Soit 55 euros la tonne d'équivalent CO2.