Pour les grandes entreprises, l'obligation de publier des informations sociales et environnementales dans leurs rapports annuels date de la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 (loi NRE). Ce dispositif tend à favoriser le dialogue avec les investisseurs, les institutions représentatives du personnel et les autres parties prenantes (riverains, ONG environnementales, consommateurs, etc.). Celui-ci positionne la France en précurseur au plan international dans le domaine de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Cette législation va bientôt être étendue avec la prochaine entrée en application de l'article 225 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement pour l'environnement (Grenelle 2). Le gouvernement a promis une réécriture du décret du 24 avril afin d'étendre progressivement le régime aux entreprises de plus de 500 salariés, cotées ou non. Celles-ci devront communiquer des informations comparables, vérifiées par un tiers indépendant.
En France, plus de la moitié des sociétés de 50 salariés ou plus déclarent s'impliquer dans la responsabilité sociétale des entreprises. Selon une enquête de l'Insee effectuée auprès de 11.000 sociétés fin 2011, les entreprises les plus souvent impliquées dans une démarche de RSE sont de taille importante. L'implication la plus forte, sans surprise, se trouve dans les secteurs de l'énergie et de l'environnement, et dans l'industrie agro-alimentaire. En revanche, le commerce et l'industrie manufacturière hors agroalimentaire sont les secteurs les moins impliqués en matière de RSE : la notion même y est souvent inconnue.
De la RSE sans le savoir...
Les PME, portées par l'engagement de leurs dirigeants, sont de plus en plus nombreuses à revendiquer une performance globale associant réussite économique, respect de l'environnement et participation au bien-être social. La RSE se diffuse également dans les relations entre donneurs d'ordre et fournisseurs par des questionnaires ou des évaluations, ainsi que dans les marchés publics. Les entreprises peu impliquées le sont par méconnaissance d'abord : seulement un tiers d'entre elles déclarent en avoir entendu parler. Sur le plan environnemental, les PME font souvent de la RSE sans le savoir : selon l'étude statistique de l'Insee, 56% des petites sociétés s'impliquent spontanément dans la gestion économe des ressources et dans le recyclage des déchets.
Mais quelle valeur ont ces statistiques sur lesquelles s'appuie la RSE ? Comment distinguer le greenwashing de l'action réelle ?, se demandent les participants à une rencontre du Conseil national de la statistique à Paris le 21 novembre. Un auditeur déclare "rester sur sa faim" par rapport à l'enquête conduite par l'Insee. Il note "un patchwork de textes, mais rien d'efficace ! Il y a un vrai travail méthodologique à faire . Par exemple, combien d'entreprises sont aux normes en matière de handicap et d'accessibilité ?". D'autres questions restent en suspens : la méthode de reporting, la notation des notateurs, la validité de la RSE dans les filiales étrangères des sociétés mères... Pour Louis de Gimel, rapporteur de l'Insee, "les entreprises commencent par déclarer ce qu'elles font plutôt que de biaiser les questionnaires. Ca n'empêche pas des défauts dans le déclaratif".
Besoin de transparence et d'homogénéité
Se pose aussi la question de l'accessibilité de l'information, qui, si elle était publique, solliciterait le "name and shame", comme c'est le cas aux Etats-Unis, où les rapports de l'inspection du travail sont mis en ligne. La comptabilité, selon Michel Veillard, du conseil supérieur de l'ordre des experts comptables, pourrait hâter la conversion écologique de l'économie si elle universalisait les 4.500 indicateurs du Global Reporting Initiative. Mais au-delà de la comptabilité privée, n'est-ce pas la comptabilité publique qui reste à transformer, dans le sillage du rapport Stiglitz sur les nouveaux indicateurs de richesse ?