Le 18 juin, l'institut négaWatt et la société d'économie mixte (SEM) francilienne Energies Posit'if ont publié une étude appelant l'Etat à soutenir la rénovation énergétique globale et "performante" pour éradiquer les "passoires thermiques" . Cette étude, réalisée pour la ville de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), "prend le contrepied des préjugés actuels", soulignent négaWatt et la SEM.
La stratégie gouvernementale de rénovation par étapes
Le plan gouvernemental de rénovation des bâtiments prévoit en effet d'encourager de manière diffuse la rénovation par étapes, qui "permet de premiers gains rapides via des gestes efficaces". Durant le quinquennat, les ministères de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique veulent ainsi massifier certains travaux "simples" (l'isolation des combles, modification des modes de chauffage, achat d'appareils programmables, changement des interrupteurs…) et faire baisser leur coût aux ménages bénéficiaires. Ils soutiennent aussi des opérations programmées de rénovation "plus ambitieuses ciblées, reproductibles et industrialisables". Les parcours de rénovation par étapes complets et cohérents seront soutenus par l'Etat, en vue d'atteindre un parc immobilier rénové aux normes BBC (Bâtiment basse consommation) en 2050 (soit une consommation de 80 kWh/m2.an), fixé par la loi de transition énergétique. L'Etat envisage par ailleurs de moduler la nouvelle prime qui remplacera le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) en 2019 ainsi que l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) pour prendre en compte les rénovations réalisées par étapes.
Des rénovations complètes efficaces
NégaWatt et la SEM Energies Posit'if critiquent la stratégie de rénovation par étapes "que l'on appelle souvent à tort «BBC-compatible»". Ils pointent des difficultés et des risques "largement sous-estimés" de la primauté des petits gestes de travaux : coûts cumulés des travaux trop élevés, dégradation de la qualité de l'air intérieur faute de ventilation adaptée, économies d'énergie générées "plus faibles qu'attendues et impossibles à contrôler", saturation des ménages vis-à-vis des nuisances générées par les chantiers successifs, etc., énumèrent-ils.
"Aucune maison n'est, à ce jour, devenue performante grâce à une rénovation par étapes", fustigent les deux organismes. Ils démontrent en revanche l'efficacité d'une rénovation en une seule étape pour atteindre le niveau BBC-Rénovation du parc bâti en 2050.
Des dispositifs financiers innovants
En optimisant les dispositifs financiers actuels, l'Etat pourrait, selon les organismes, rénover plus de 600.000 logements par an, contre quelques milliers aujourd'hui. NégaWatt et la SEM proposent ainsi de remplacer les aides "complexes" actuelles (subventions aux travaux, etc.) par un unique prêt bonifié (type prêt à taux zéro). Ce prêt serait mobilisé par un dossier unique (au lieu de huit formulaires aujourd'hui), avec des délais de traitement optimisés (parfois 15 mois d'attente constatés dans le cadre actuel). Dans les cas qui le nécessitent, un pré-financement permettrait aux ménages de lancer et de mener à bien les travaux. Les mensualités du prêt bonifié seraient égales ou inférieures à la facture de chauffage avant travaux. "Ce prêt équilibré en trésorerie peut être mis en place sans mobiliser massivement de fonds publics complémentaires".
Autre innovation : l'étude propose l'attachement à la pierre de ce prêt, ce qui permettrait "à tous" d'accéder au financement de sa rénovation grâce à l'allongement de la durée de prêt et donc la baisse de la mensualité de prêt. "L'attachement à la pierre, et non à la personne, permet de déplacer la responsabilité du paiement des mensualités du propriétaire à l'usager du bâtiment, et de libérer ainsi la capacité d'emprunt, sans mobiliser davantage de trésorerie pour l'usager du bâtiment."
Les organismes insistent également sur le suivi et le contrôle des travaux de rénovation pour valider la qualité de la performance BBC atteinte. La création d'un "tiers de confiance qualité joue un rôle-clé pour sécuriser la performance énergétique réellement atteinte, et donc l'équilibre en trésorerie obtenu, ainsi que pour qualifier dans le temps les entreprises qui ont réalisé les travaux". Accompagner les ménages par un "tiers de confiance de proximité" est aussi nécessaire pour communiquer "sur l'intérêt de ce nouveau type de rénovation «auto-finançable»". Cet accompagnement serait porté à court terme par les plateformes de rénovation, mises en place par les collectivités locales et formées pour aider à la décision de travaux de rénovation complète et performante.
Enfin, négaWatt et la SEM appellent à la structuration d'une offre locale qualifiée de rénovation. "Pour permettre à un maximum de ménages d'accéder à ces rénovations performantes, il est indispensable de créer des groupements d'artisans locaux compétents, en capacité de formuler des offres pertinentes de rénovation complète et performante". Les artisans seraient formés sur chantiers réels («formation-action») aux techniques performantes et à la maîtrise des coûts de travaux.
La rénovation complète et performante "ouvre un nouveau modèle économique qui la rend accessible aux 5,6 millions de ménages en précarité énergétique", ajoutent les organismes. Le déploiement de ces innovations permettrait "de sortir les ménages français de la précarité énergétique de façon pérenne, en divisant par quatre à huit leurs consommations de chauffage".