C'est lors d'une conférence de presse organisée dans l'urgence au Parlement européen ce jeudi 27 novembre que Gilles Eric Séralini, l'auteur de l'étude controversée sur les risques à long terme du maïs NK 603 et de son herbicide associé, a dénoncé le retrait par la revue de son article révélant les résultats de cette étude. Initialement publié en septembre 2012, cet article pointait du doigt la toxicité sur les rats du maïs transgénique NK 603 et de son herbicide associé, le Roundup, produits tous les deux par la société Monsanto.
Mais mardi 26 novembre, le scientifique a reçu un courrier, signé par l'éditeur en chef de la revue, le priant de retirer son article. La raison ? "Aucune fraude, ni manipulations de données" n'ont été détectées par les relecteurs, mais "les résultats présentés sont peu concluants et n'atteignent donc pas le seuil de la publication".
Pourtant, indique le professeur Séralini, de nombreux échanges avaient eu lieu avant publication de son article, et ce, pendant plusieurs mois. L'éditeur reconnaît que "le problème du faible nombre d'animaux avait été identifié lors du processus initial d'examen du papier par le comité de lecture" mais que l'article "gardait du mérite malgré ses limites". Il avait donc été publié, ce qui a déclenché une vive polémique et un vif débat entre défenseurs et détracteurs. La qualité scientifique était au coeur des discussions.
La revue cède-t-elle aux pressions ?
Pourquoi ce retournement aujourd'hui ? A cause des pressions des industriels, ont dénoncé tour à tour Joël Spiroux, président du Criigen (Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique), Corinne Lepage, députée européenne, Paul Deheuvels, statisticien membre de l'Académie des sciences, François Veillerette, président de Générations futures, tous venus en soutien au chercheur. Pour Gilles Eric Séralini, la demande qui lui est adressée est liée à "l'arrivée dans le comité éditorial de la revue de Richard Goodman, un biologiste qui a travaillé plusieurs années chez Monsanto", entre 1997 et 2004.
Le scientifique balaye les arguments de l'éditeur. La souche et le nombre de rats utilisés dans le cadre de l'étude menée pendant deux ans sont insuffisants ? Ce sont pourtant les mêmes qu'utilise Monsanto pour prouver l'innocuité de ses produits, rétorque Séralini. Celui-ci va même plus loin, en indiquant qu'un article présentant les résultats de l'étude réalisée par Monsanto démontrant l'innocuité du NK603 ont été publiés en 2004 par la revue, alors que les données de l'étude seraient "frauduleuses". "Les groupes de référence [autrement dit les groupes témoins] sont nourris avec des graines contaminées par des OGM et des pesticides", estime-t-il.
Le statisticien Paul Deheuvels se dit quant à lui surpris "qu'on nie d'une part cette étude, alors que les reproches qui lui sont fait pourraient être faits à l'étude princeps de Monsanto, puisque Séralini a copié la structure de cette expérience". Ce membre de l'Académie des sciences a annoncé la publication, d'ici la fin de l'année, d'un article démontant point par point les critiques faites à l'équipe du professeur Séralini. Pour lui, cette étude est "réellement innovatrice. Les données sont très significatives. C'est une expérience pilote qui doit être confirmée ou infirmée. Mais étant donnée la significativité des données, je doute qu'elle soit infirmée".
Pour une évaluation des risques à long terme des OGM
Finalement, François Veillerette a rappelé qu'il n'existait pas d'études sur les effets chroniques des OGM et des pesticides. "L'étude Séralini est la seule à s'être penchée sur la question. De fait, les effets à long terme de ces produits ne sont pas connus".
Analyse qui faisait également partie des conclusions de l'Agence nationale de sécurité saniatire (Anses) et du Haut conseil en biotechnologies (HCB) (16864), et qui a été partagée par les autorités puisque, dans la foulée, la France et la Commission européenne annonçaient toutes deux le lancement d'études à long terme sur les effets sanitaires de la consommation d'OGM.
"La publication du Pr Séralini pose les bonnes questions sur la toxicité à long-terme des OGM et de l'herbicide Roundup, ce n'est pas en le faisant retirer de la publication que ces questions vont disparaître", conclut Corinne Lepage.