"Les équipements électriques et électroniques (EEE) représentent le flux de déchets affichant la plus forte croissance à l'échelle mondiale. Le seul poids des DEEE produits en Europe et mal gérés équivaut à un mur de 10 mètres de haut reliant Oslo à la botte de l'Italie", analyse Pascal Leroy, secrétaire général du Forum DEEE. Le forum a participé, avec six autres acteurs, à une vaste enquête sur le marché des DEEE européens (28 Etats membre, Norvège et Suisse), coordonnée par Interpol et menée dans le cadre du projet Countering WEEE illegal trade (CWIT).
Une perte économique évaluée entre 800 M€ et 1,7 Mds€
L'enquête révèle qu'en 2012, sur les 9,45 millions de tonnes (Mt) de DEEE produites en Europe, seulement 35% ont figuré dans les rapports officiels de collecte et de recyclage. Les 65% restants (6,15 Mt) ont été exportés (1,5 Mt), recyclés dans des conditions non conformes en Europe (3,15 Mt), jetés parmi d'autres déchets (750.000 t)... Ainsi, contrairement aux idées reçues, la majorité des DEEE "mal gérés" ou "commercialisés illégalement" restent sur le territoire européen (4,7 Mt). Le vol de composants de valeur dans les DEEE, tels que les cartes de circuits imprimés et les métaux précieux, constitue également un fléau pénalisant les circuits officiels de traitement de ces déchets. Au total, le rapport évalue la perte en matériaux et ressources entre 800 millions et 1,7 milliards d'euros.
Sur les 1,5 Mt de DEEE exportées, très peu sont officiellement déclarées. Selon les estimations, 70% seraient réutilisées en seconde main, 30% seraient effectivement des déchets.Pour rappel, la directive européenne de 2012 fixe, pour 2016, un objectif de collecte de 45% du poids moyen des EEE mis sur le marché les trois dernières années et de 65% en 2019. Si certains pays atteignent ou dépassent déjà ces objectifs (Suède, Norvège, Suisse…), d'autres (comme la France, l'Espagne ou encore l'Italie et la Grèce) sont à la traîne.
Une nécessaire harmonisation et coopération entre Etats
Ces dysfonctionnements dans le traitement des DEEE en Europe sont notamment liés aux différences de définition entre Etats, analyse le rapport, et notamment aux différences de définitions entre ce qui est considéré comme un déchet et ce qui est considéré comme un équipement électrique et électronique réutilisable. Les sanctions varient également fortement d'un pays à l'autre et ne sont pas assez dissuasives. "L'harmonisation, y compris du type d'infractions, du degré de gravité et de la définition des sanctions, permettrait de limiter les écarts entre les pays européens et, par conséquent, le déplacement des activités illicites entre les pays. Cela faciliterait les enquêtes, les poursuites et les condamnations et donc, créerait un véritable effet dissuasif sur les délinquants", souligne le rapport.
Les auteurs préconisent un renforcement du renseignement et de la coopération entre pays. En effet, les vols et trafics de DEEE sont le fait de groupes transfrontaliers (dans l'UE et au-delà), et peuvent impliquer le crime organisé.
Les Etats doivent également tendre vers une meilleure connaissance du marché, via un meilleur suivi des flux (notamment des EEE réutilisés) et des acteurs impliqués sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Des standards de recyclage et de réutilisation, ainsi que des incitations doivent être mises en place pour favoriser les filières de traitement officielles. Enfin, l'information du public doit être améliorée pour accroître les taux de collecte et de recyclage des DEEE, le territoire doit être mieux couvert par des points de collecte sécurisés pour éviter les vols.