Après plus de deux ans de discussions, les ministres des Transports de l'Union européenne ont trouvé ce vendredi 15 octobre, à Luxembourg, un accord politique visant à ''internaliser les coûts externes" causés par les poids lourds utilisant les infrastructures routières, tels que la pollution et la congestion, dans le cadre de la révision de la directive Eurovignette de 1999.
Proposé en juillet 2008 par la Commission européenne dans son paquet '' écologisation des transports'', le verdissement de la directive Eurovignette donne le droit aux Etats membres de moduler les taxes de péages en fonction des heures de pointe, ainsi que de la pollution atmosphérique et sonore des poids lourds. Adoptée en première lecture par le Parlement européen en mars 2009, la révision de cette directive était jusqu'ici bloquée par les 27, la taxe de péage constituant le principal motif de désaccord des pays.
Aujourd'hui, le projet de directive semble être sorti de son immobilisme depuis la reprise du dossier en juillet dernier par la présidence belge de l'UE. Le 15 octobre, un compromis a été voté de justesse, en première lecture, par les ministres européens des Transports alors que l’Espagne et l’Italie notamment y étaient toujours opposées.
Le texte permet aux Etats membres qui le souhaitent d'imposer des frais de péage supplémentaires aux poids lourds pour la pollution et les nuisances sonores qu’ils génèrent. Si les péages actuels coûtent entre 15 et 25 centimes par kilomètre en moyenne pour les poids lourds, les pays membres pourront augmenter leurs tarifs de 4 centimes au kilomètre afin de tenir compte de ces nuisances et réorienter le fret vers des modes de transport moins polluants. En revanche, la taxe forfaitaire pour les embouteillages, proposée en 2008 par la Commission a été enterrée. Les Etats membres pourront finalement, en période de congestion, moduler les tarifs des péages en les majorant jusqu'à 175% aux heures de pointe mais seulement durant 5 heures par jour.
Des exemptions
L’application non contraignante de cette nouvelle directive, initialement prévue en 2012, concerne les axes transeuropéens élargis aux autoroutes (soit 30.000 km). Il s’agit donc de propositions ''facultatives''. Par ailleurs, le texte ne sera pas étendu à tous les poids lourds de plus 3,5 tonnes, contrairement au vote du Parlement. Les camions compris entre 3,5 tonnes et 12 tonnes ''les moins polluants'' pourront notamment bénéficier d'exemptions, selon le compromis. Les véhicules conformes aux normes EURO V et EURO VI sur les émissions des polluants atmosphériques (NOx, CO,..) seront exemptés de la redevance ''pendant quatre ans après que ces normes soient devenues applicables'', précise le Conseil des ministres. Ce qui implique que les véhicules de la classe d'émission EURO VI (en vigueur en 2014) seront exemptés jusqu'au 31 Décembre 2017. Tandis que les véhicules aux normes EURO V (effectives depuis octobre 2009) le seront jusqu'au 31 Décembre 2013, avant la mise en application des normes EURO VI.
Côté affectation des recettes : celles-ci générées par l’Eurovignette ne devront pas obligatoirement servir à des projets liés au développement durable des transports, contrairement à ce que préconisaient la Commission européenne et les parlementaires.
Une position ''frileuse'' des ministres
Alors que le commissaire européen chargé des Transports, Siim Kallas a salué le vote des ministres, l'Union internationale du transport routier (IRU) l'a aussitôt dénoncé vendredi. '' Il est inadmissible que les ministres des Transports de l’UE alourdissent le fardeau fiscal du fret routier sans prévoir de solution pour réduire les externalités alors que ce dernier "ne représente que 10% des usagers de la route", a fustigé Alexanders Sakkers, Président du Comité de liaison de l’IRU auprès de l’UE pour le transport de marchandises.
De son côté, si Nina Renshaw, directrice adjointe de l'ONG européenne Transport&Environment (T&E), s'est félicitée vendredi de l'accord, elle estime toutefois que ce dernier ''est encore loin de permettre aux pays d'imputer le coût intégral des dommages que provoque le transport routier de marchandises, y compris la congestion et les changements climatiques''. ''Ne pas s'attaquer au problème de la congestion, ne pas taxer les camions plus légers de 3,5 à 12 tonnes (…) sont quelques-unes des lacunes laissées par la directive approuvée'', a-t-elle déploré.
La fédération France Nature Environnement (FNE) a pour sa part dénoncé ''une position frileuse'' des ministres sur ce nouveau texte. Pour Gérard Allard, spécialiste transport de marchandises à FNE, ''si cette révision venait à être adoptée en l’état, conformément à la proposition du Conseil des Ministres, elle induirait au grand maximum une hausse des péages de poids lourds de 4 centimes au kilomètre alors que les externalités réelles du transport routier peuvent être chiffrées à 8 fois plus''.
Toutefois, le projet de directive doit encore être soumis en seconde lecture au Parlement européen qui pourrait à nouveau durcir le texte… L'ONG T&E demande au Parlement de ne pas exempter les véhicules EURO V du champ d'application de la directive. FNE ''compte'' aussi sur le Parlement européen ''pour qu’il modifie cet avis pris par le Conseil des Ministres et intègre de manière ambitieuse le coût du bruit, de la congestion et de la pollution dans la directive''.