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Un an et demi après la catastrophe de Fukushima, les populations évacuées reconsidérées

La considération des populations évacuées suite à la catastrophe de Fukushima varie selon qu'elles soient réfugiées "forcées" ou "volontaires". Une récente loi vise à les aider à se reconstruire. Tandis que certains espèrent encore reconnaissance.

Risques  |    |  C. Saïsset
Un an et demi après la catastrophe de Fukushima, les populations évacuées reconsidérées

Un an et demi après la catastrophe de Fukushima, l'état de la centrale de Fukushima Daiichi n'est pas encore stabilisée. Toutes les piscines des réacteurs sont loin d'être sécurisées. La relance des réacteurs nucléaires après l'arrêt de tous au Japon, ainsi qu'un récent rapport parlementaire sur les responsabilités du gouvernement et de l'opérateur Tepco dans la catastrophe nucléaire du 11 mars 2011, suscitent une grande indignation. Ils étaient encore 200.000 opposants au nucléaire à manifester autour du parlement japonais, de la Diète, le 29 juillet dernier.

Le spectre de la stigmatisation des habitants de Fukushima plane

Déjà marqué par la stigmatisation des Hibakusha, survivants des bombardements sur Hiroshima et Nagasaki, le peuple japonais vit sous le spectre d'une nouvelle : celle des populations du département de Fukushima. Avant la catastrophe, ils étaient 2,05 millions à y vivre. Depuis la dispersion des masses d'air radioactives et la contamination des océans, beaucoup ont dû partir de chez eux : 100.096 se sont installés ailleurs dans le département et 61.548 sont partis vivre dans le reste du pays selon l'état des lieux au mois dernier rendu public par l'Agence de la reconstruction japonaise et repris par le quotidien Japan Times.

Parmi ces individus, il y a ceux qui vivaient dans les 20 km autour de la centrale, périmètre devenu "zone interdite" ou "zone d'évacuation forcée" ; ceux qui vivaient sur le territoire compris dans un périmètre de 20 à 30 km ou "zone d'évacuation non obligatoire" ; et ceux qui vivaient au-delà de ce périmètre de 30 km, dans des "hot spots" ou "specifics spot recommanded for evacuation". Et aussi tous ceux qui ne vivaient pas sur ces territoires désignés le 16 juin 2011, soit 3 mois après le début de la catastrophe, mais qui ont décidé d'eux mêmes d'évacuer, notamment d'éloigner les enfants bien souvent accompagnés de leurs mères. Ceux-ci peuvent prétendre à une indemnisation en tout et pour tout de 6.000 € s'il s'agit d'un enfant de moins de 18 ans ou d'une femme enceinte, et de 800 € s'il s'agit d'un adulte. Tandis que ceux qui sont effectivement reconnus comme étant concernés par l'évacuation reçoivent de Tepco 1.000 à 1.200 €/mois passé à vivre loin de chez eux, et une indemnisation pour les frais de déplacements, les frais médicaux et les premiers besoins après évacuation.

Hiroshima, Nagasaki, 67 ans après

Il y a 67 ans survenait le bombardement de la ville de Nagasaki, quatre jours après celui d'Hiroshima. Cinq ans après, le nombre de morts s'élevait à 140.000, 200.000 à Hiroshima. Et aujourd'hui, 210.000 Hibakusha - ce qui signifie «irradiés» en japonais - vivent encore au Japon. "Avec cette histoire, nous ne sommes pas seulement victimes, mais aussi le contraire, car les recherches menées sur ces personnes portent sur la dissimulation des effets, explique Aya Marumori, présidente du réseau CRMS. Aujourd'hui, les experts d'Hiroshima et Nagasaki sont invités à dire que ce n'est pas si grave ce qui se passe à Fukushima". Les traces de plutonium retrouvées aux alentours après le 11 mars 2011 ont d'abord été décrites comme résultant des essais nucléaires chinois. Avant que l'origine civile soit reconnue.
"Aujourd'hui, près de 20.000 bombes (têtes nucléaires) sont en service, dont 2.000 en état d'alerte", précise le physicien atomique Dominique Lalanne, président du collectif Armes nucléaires STOP. Mais aucune détenue par le Japon, dont l'interdiction de faire la guerre est inscrite dans l'article 9 de sa Constitution depuis l'après-guerre. "Protégez la constitution !", réclament d'ailleurs certains militants anti-nucléaires japonais.
Une loi de soutien aux sinistrés de la catastrophe de Fukushima

Près d'un millier de stations de mesures de la radioactivité ont été montées au Japon depuis la catastrophe de Fukushima, notamment consacrées aux produits alimentaires et à l'environnement. Parmi elles, les Centres citoyens de mesures de la radioactivité (CRMS), équipés également pour des mesures du corps entier, situés dans 9 villes du département de Fukushima, dont le premier dans la ville de Fukushima et un autre à Tokyo. Actuellement, le réseau CRMS se mobilise sur les modalités d'application de la Loi de soutien à la reconstruction pour les enfants et les habitants sinistrés, adoptée le 21 juin dernier par la Diète japonaise. "Avec la quasi faveur de tous les courants politiques et le soutien de la plupart de la population, mais qui n'est pour l'heure qu'à l'état de texte", précise Wataru Iwata, directeur du laboratoire du CRMS de la ville de Fukushima. Cette loi présente deux points essentiels. Elle reconnaît le "droit à l'évacuation" qui, depuis cette catastrophe, ne concerne que ceux vivant sur les territoires reconnus à l'évacuation. "Cette dernière loi donne aussi raison à ceux qui contestent la manière dont ils ont été considérés depuis la catastrophe, avec un point révolutionnaire : si un citoyen proteste et clame que ça l'a rendu malade, c'est non plus à lui mais à l'Etat de prouver le lien de causalité entre le déclenchement de la maladie et la contamination ; au contraire de ce qui s'est passé pour les victimes de la catastrophe de Minamata", explique Wataru Iwata. Enfin, cette loi reconnaît l'obligation de l'Etat de soutenir les habitants sinistrés qui veulent rester ou partir. "Aujourd'hui, légalement parlant, les habitants pourraient choisir maintenant de partir, ou rester, en ayant le soutien de l'Etat, poursuit Wataru Iwata. Mais cela suppose que la loi soit réellement appliquée. Nous y travaillons, avec notamment le collectif des juristes japonais volontaires « Saflan » et avec la Criirad sur les aspects scientifiques."

Le quartier Watari de Fukushima, non reconnu comme hot spot

"1.000 €/mois, c'est très précieux pour les « évacués forcés ». Mais ce peut être aussi une bonne excuse pour licencier...", témoigne Koudai Tanji, un jeune père d'une famille très ancienne du quartier Watari de la ville de Fukushima. Bien au fait du risque nucléaire depuis la catastrophe de Tchernobyl et marqué par la rétention d'information sur la présence de Mox à Fukushima Daiichi dans les premiers temps, ce trentenaire vit seul depuis le 15 mars 2011. Il est resté dans son quartier auprès de ses parents, tandis que sa femme et leurs deux enfants se sont réfugiés chez les grands-parents maternels, près de Nagoya, à 640 km de là, au sud du Japon. Des "évacués volontaires" qui en payent le prix. D'autant que les mesures d'aide aux sinistrés instaurées dans les premiers temps de la catastrophe ne se destinent pas à la pérennité, à l'instar de la gratuité du péage autoroutier de Fukushima city levée depuis la commémoration des 1 ans de la catastrophe. Pour se rejoindre en TGV, il leur en coûte 340 € l'aller/retour.

Koudai Tanji fait partie de ceux qui ont décidé de s'impliquer dans la mobilisation citoyenne. Aujourd'hui, il est l'administrateur général du CRMS de la ville de Fukushima. Et comme bon nombre des 20.000 habitants du quartier Watari, il réclame la reconnaissance de hot spots. Comme ce fut le cas de la ville d'Itate un peu plus à l'est, à 40 km de la centrale, impliquant l'évacuation de l'ensemble de ses 6.000 habitants. Comme ce fut le cas aussi de certains quartiers de la ville de Minami-Sôma, présentant une contamination de 3,2 µSv/h à un mètre du sol à l'extérieur et à 2 µSv/h à l'intérieur d'un foyer où vivaient une femme enceinte et des enfants mineurs. "Dans le quartier de Watari, il est fréquent de mesurer 1 µSv/h à un mètre du sol, témoigne cet homme, sans rentrer dans le détail de toutes les mesures effectuées par le CRMS. C'est là aussi où l'Acro a détecté la plus forte contamination de poussières d'aspirateur – alors qu'au Japon, on enlève ses chaussures avant d'entrer chez soi - : 8.500 Bq/kg en Césium 134 et 11.000 en Césium 137 le 20 octobre 2011. "Y reconnaître des hot spot, c'est donner le droit aux habitants de décider de partir, et aussi d'avoir droit à « la décontamination » comme l'ont annoncé les autorités", insiste Koudai Tanji. Mais il le sait bien : reconnaître des hot spots à Watari, c'est reconnaître des hot spots dans la préfecture de Fukushima, et donc la contamination d'une ville de 300.000 habitants située à 70 km de la centrale nucléaire détruite.

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