L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient de rendre son avis sur les rapports triennaux remis en 2022 par les exploitants nucléaires relatifs à la sécurisation du financement des charges nucléaires de long terme. Mandatée par les pouvoirs publics, l'ASN a passé en revue l'évaluation et les provisions associées aux charges de démantèlement, de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs des opérateurs nucléaires. Objectif : s'assurer que le CEA, EDF, Orano et les autres opérateurs disposent d'actifs spéciaux suffisamment robustes pour faire face à la fin de vie de leurs installations le moment venu.
L'Andra, Cyclife et Steris reçoivent un satisfecit
« Les sixièmes rapports triennaux transmis par les exploitants nucléaires présentent globalement une stratégie cohérente de démantèlement et de gestion des combustibles usés et déchets radioactifs au regard de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. » C'est particulièrement vrai de ceux de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), de Cyclife (la filiale d'EDF spécialisée dans la gestion des déchets et des effluents radioactifs de faible et très faible activité et dans le démantèlement d'installations nucléaires) et de Steris (un opérateur du secteur médical) qui sont jugés « satisfaisants ».
Plus globalement, les principaux reproches formulés à l'encontre des exploitants sont au nombre de trois : pas, ou peu, de mention de l'état des pollutions des sols et des structures ; des perspectives de valorisation incertaines de certaines matières radioactives (uranium appauvri, uranium de retraitement, rebuts MOX, plutonium séparé, boues de diuranate de potassium, matières uranifères recyclables, etc.) ; une gestion de certains déchets à améliorer (déchets nucléaires bituminés et déchets historiques).
Les hypothèses « surprenantes » d'Orano
L'avis revient plus en détail sur chaque opérateur. Orano a présenté une stratégie de démantèlement et de gestion des déchets radioactifs « globalement cohérent », mais lacunaire. L'ASN attend des précisions sur les coûts prévisionnels de caractérisation des déchets des opérations de démantèlement ou d'assainissement et sur les marges disponibles en cas d'indisponibilité des installations nécessaires aux programmes de démantèlement.
Surtout, Orano évalue ses charges à long terme à partir d'« hypothèses qui paraissent surprenantes, sans justification particulière ». En tout, une quinzaine d'hypothèses sont à revoir, estime l'ASN. Parmi celles-ci figurent les hypothèses de coûts de dépollution des sols, celles concernant la gestion des terres contaminées excavées (et cela pour l'ensemble des sites du groupe) et celles de gestion des déchets sans filière.
Concernant le site de Pierrelatte (Drôme), l'ASN doute de l'évaluation des déchets de très faible activité (TFA) proposée, compte tenu « des incertitudes qui existent sur l'état des sols et des bâtiments du site ». Plus généralement, l'ASN fait étalage de doutes concernant les hypothèses de démantèlement de différentes installations du site. À propos du site de La Hague (Manche), l'ASN attend des précisions au sujet des principales hypothèses techniques. Quant au site de Marcoule, l'Autorité considère qu'« Orano doit réévaluer et justifier la durée de démantèlement de Mélox (…) avec des hypothèses réalistes et crédibles ». Pour l'instant, l'opérateur estime cette durée à cinq ans.
EDF et CEA : des hypothèses à préciser
EDF a, lui aussi, présenté une stratégie « globalement cohérente ». Pour autant, l'ASN attend de l'électricien des précisions afin de s'assurer de la prudence de trois hypothèses. EDF doit préciser ses hypothèses de coût de transport des colis de déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL) vers l'installation Cigéo. Il doit aussi affiner les principales hypothèses techniques du chiffrage des installations d'entreposage de déchets radioactifs à construire en support au démantèlement. EDF doit enfin compléter ses hypothèses relatives aux charges spécifiques à la gestion des déchets en attente de filière.
Enfin, le CEA doit, pour sa part, compléter son évaluation des charges liées à la fin de vie de la station de traitement des effluents de Cadarache (Bouches-du-Rhône) et des installations de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine). Il doit, lui aussi, préciser une série d'hypothèses.