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AccueilGabriel UllmannÉvaluation environnementaleL'évaluation environnementale des projets : une peau de chagrin (2/7)

L'évaluation environnementale des projets : une peau de chagrin (2/7)

Après avoir montré combien la priorité était donnée aux plans/programmes par rapport aux projets, Gabriel Ullmann développe ici toute l'importance de l'évaluation environnementale en tant que clé de voûte du droit de l'environnement.

Publié le 04/03/2019
Actu-Environnement le Mensuel N°390
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°390
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Si l'évaluation environnementale a été progressivement étendue à un nombre croissant de plans et de programmes (documents de planification), c'est l'évolution diamétralement opposée pour les projets qui impactent pourtant bien davantage les milieux et la société. Ce choix politique vise clairement à faciliter la réalisation des projets, en les affranchissant pour la plupart d'entre eux de cette exigence, ou plus exactement de cette utilité. Or, l'évaluation environnementale fonde un grand nombre de dispositions en faveur de l'environnement et des droits des tiers.

L'évaluation environnementale, un processus d'ampleur globale

Rappelons que l'évaluation environnementale est un processus global comprenant l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'une évaluation des incidences sur l'environnement (étude d'impact dans de nombreux cas), la réalisation de consultations ainsi que l'examen par l'autorité décisionnaire des informations contenues dans l'étude d'impact, mais aussi recueillies dans le cadre des consultations et également provenant du maître d'ouvrage (art. L. 122-1)1. Il conviendrait d'y ajouter la publication d'informations sur la décision prise (voir plus loin2). Sans oublier, pour être conforme au droit européen, l'évaluation des incidences sur l'environnement de nombreuses décisions d'autorisations et de leurs prescriptions, au titre cette fois de la directive plans/programmes3.

L'évaluation environnementale doit être réalisée le plus en amont possible, notamment, en cas de pluralité d'autorisations ou de décisions, dès la première autorisation ou décision. Lorsqu'un projet comprend plusieurs travaux, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit ainsi être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité (L. 122-1).

C'est donc un processus complet, ample, dont l'objet est - en théorie du moins, car la pratique s'en écarte souvent - de générer une qualité et une complétude des études d'impact, d'améliorer la conception du projet, de favoriser l'information du public et la démocratie participative. Et, in fine, de permettre à l'autorité décisionnaire, mais aussi au maître d'ouvrage, de prendre les bonnes décisions et mesures associées.

L'évaluation environnementale, clé de voûte du droit et de la préservation de l'environnement

L'importance de l'évaluation environnementale (EE) transcende le droit de l'environnement, avec toutes les incidences pratiques qui en résultent, bien au-delà de l'étude des impacts d'un projet, tant notre droit de l'environnement et les mesures de protection reposent largement sur cette évaluation. A titre d'exemples, pour n'évoquer que les projets :

Concertation amont, information et participation aval

  • En matière de concertation préalable sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), seuls sont concernés les projets assujettis à une EE, autres que ceux (très limités) relevant du champ de compétence de la Commission (L. 121-15-1).
  • Si le couplage évaluation environnementale/enquête publique n'est plus aussi systématique, l'exigence de réaliser une EE s'accompagne souvent de l'obligation de soumettre le projet à enquête publique. Ce qui est une garantie supplémentaire pour l'information et la participation du public. La durée de l'enquête ne peut être inférieure à trente jours pour les projets soumis à EE, alors qu'elle peut être réduite à quinze jours (cas fréquent) pour un projet ne faisant pas l'objet d'une EE (L. 123-9).
  • L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à EE prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités concernées et le résultat de la consultation du public. Lorsqu'une décision d'autorisation d'un projet soumis à EE a été prise, l'autorité décisionnaire rend publiques la décision ainsi que les informations relatives au processus de participation du public, ainsi que la synthèse des observations du public et des autres consultations (dont Autorité environnementale et collectivités) et leur prise en compte (L. 122-1-1).

Cette disposition est essentielle : elle contraint en effet l'autorité décisionnaire à justifier comment sa décision a pris en compte des observations du public, des collectivités ainsi que des recommandations de l'Autorité environnementale. C'est sans doute pourquoi cela n'est presque jamais respecté, mais en toute connaissance de cause.

  • Contrairement à tout projet qui n'en comporte pas, une EE doit être soumise pour avis à l'Autorité environnementale. Cela constitue une garantie supplémentaire pour s'assurer de la qualité de l'étude d'impact et de l'efficacité des mesures prises en faveur de l'environnement. C'est également un outil puissant aussi bien pour l'amélioration du projet pour le maître d'ouvrage et l'autorité décisionnaire, que pour l'information du commissaire-enquêteur et du public. C'est en effet devenu bien souvent le seul avis qui doit obligatoirement figurer dans le dossier d'enquête, de même qu'il est fait obligation au maître d'ouvrage d'y répondre.

Mesures prises en faveur de l'environnement

Sans développer l'importance fondamentale et unique de l'EE en matière de mesures en vue d'éviter, de réduire et de compenser les impacts sur les milieux et la santé humaine (mesures ERC), qui fait l'objet d'un autre article à venir, une telle évaluation conduit notamment à :

  • Un suivi de la réalisation des prescriptions, des mesures ERC ainsi qu'à un suivi de leurs effets sur l'environnement. Ces suivis doivent faire l'objet de bilans réalisés sur une période donnée et selon un calendrier que l'autorité décisionnaire détermine, afin de vérifier le degré d'efficacité et la pérennité de ces prescriptions et mesures. De plus, autre disposition importante, mais jamais respectée : ces bilans sont transmis pour information, par l'autorité décisionnaire aux autorités consultées (Autorité environnementale et collectivités) (R. 122-13).
  • Le préfet peut créer des instances de suivi de la mise en œuvre des mesures ERC des projets d'infrastructure linéaire soumis à évaluation environnementale (L. 125-8).

D'autres dispositions rendent compte d'exigences spécifiques associées à l'existence d'une EE, comme pour le cas d'espaces naturels protégés :

  • Les travaux ou aménagements projetés en dehors du cœur d'un parc national, sur le territoire des communes ayant vocation à adhérer au parc, qui doivent être précédés d'une EE4 et qui sont de nature à affecter de façon notable le cœur ou les espaces maritimes du parc, ne peuvent être autorisés ou approuvés que sur avis conforme du parc émis après consultation de son conseil scientifique (L. 331-4).
  • Le directeur est saisi pour avis de l'étude d'impact lorsque des projets soumis à EE sont envisagés dans le cœur d'un parc national, l'aire d'adhésion ou l'aire maritime adjacente (R. 331-34). Il en va de même pour le délégué du directeur de l'Agence française pour la biodiversité lorsque des projets soumis à EE sont envisagés dans un parc naturel marin (R. 334-36).

Autant dire que toute restriction du champ de l'évaluation environnementale se traduit automatiquement par un affaiblissement substantiel de la préservation de l'environnement et des milieux affectés par le projet, ainsi que de la participation et de la protection de la population. Cela fait l'objet des articles 3 à 7.

Avis d'expert proposé par Gabriel Ullmann, docteur en droit, docteur-ingénieur, ancien membre de l'Autorité environnementale durant six ans.

1 Sauf mention contraire, tous les articles cités relèvent du code de l'environnement.
2 Extrait de la définition de l'évaluation des plans, programmes (L. 122-4) mais omise dans celle des projets.
3 Notamment : CJUE, 27 oct. 2016, Patrice D'Oultremont et a. c/Région wallonne, n° C 290/15 ; 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles ASBL et autres c/Région de Bruxelles-Capitale, aff. C-671/16. Voir les articles « Un acte réglementaire peut être un "plan/programme" soumis à évaluation environnementale », Actu-Environnement.com, 7 novembre 2016 ; « Un arrêté peut être soumis à évaluation environnementale, même si les projets qu'il autorise y sont soumis », Actu-Environnement.com, 5 novembre 2018.
4 Mais également qui sont soumis à une autorisation en application de l'article L. 214-1 (« loi sur l'eau ») ou de l'article L. 512-1.

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1 Commentaire

Pégase

Le 05/03/2019 à 9h36

Le droit de l'environnement français : un pas en avant, un pas de côté, puis très vite deux ou trois pas en arrière !
Casser le thermomètre afin d'éviter de poser un diagnostic qui montrerait clairement une surchauffe de la nature causée par les activités humaines est un grand classique de la médecine politique. Les méthodes diffèrent avec les époques, mais les fondamentaux sont quelque part toujours les mêmes.
C'est d'autant plus idiot de procéder ainsi qu'une étude d'impact correctement conduite (avec attribution des compétences, des moyens et de l'indépendance nécessaires) peut souvent permettre au porteur de projet, qui engage des fonds, d'améliorer, d'amender, mieux faire accepter ou à l'inverse d'abandonner au plus tôt son programme si celui-ci s'avère mort-né, réservant ainsi ses ressources financières pour d'autres buts.

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