Cent dix neuf députés et sénateurs français et européens interpellent, dans un courrier, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) sur la présence de produits toxiques non déclarés et non évalués dans les produits phytosanitaires mis sur le marché.
Cette démarche fait suite à la publication d'une étude, fin octobre 2020, montrant la présence de produits toxiques (résidus de pétrole, hydrocarbures polycycliques aromatiques, métaux lourds) non déclarés sur les étiquettes dans 14 pesticides. En décembre dernier, neuf associations ont porté plainte contre X pour fraude à l'étiquetage. Avec leur soutien, les parlementaires interpellent désormais l'Efsa, chargée de l'évaluation des risques, sur le système d'évaluation actuel. Ils demandent également le retrait du marché des pesticides mis en cause en France et en Europe. L'Efsa dispose d'un délai de deux mois pour répondre à ce courrier. À défaut de réponse satisfaisante, les associations et élus se réservent le droit de porter l'affaire devant la justice européenne.
Une mauvaise application de la réglementation ?
Précisément, les élus alertent l'Efsa « sur les défauts d'application du règlement européen n° CE 1107/2009 [et] sur le défaut d'exécution de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne [CJUE] du 1er octobre 2019 ».
Le règlement européen stipule que, pour les substances qui entrent dans la composition de produits phytopharmaceutiques, un intérêt manifeste pour la production végétale et l'absence d'effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d'effet inacceptable sur l'environnement doivent avoir été démontrés.
L'arrêt de la CJUE de 2019 précise que « les procédures conduisant à l'autorisation d'un produit phytopharmaceutique doivent impérativement comprendre une appréciation non seulement des effets propres des substances actives contenues dans ce produit, mais aussi des effets cumulés de ces substances et de leurs effets cumulés avec d'autres composants dudit produit ». Par ailleurs, il considère comme une fraude la non déclaration de substances actives entrant dans la composition de pesticides.
Or, selon les élus, « l'Efsa considère qu'elle ne doit étudier et vérifier que l'impact de la substance déclarée active seule et écarte donc les publications sur les effets cumulés avec d'autres substances qui peuvent être aussi actives, mais non déclarées, comme l'arsenic ». Elle considère que cette évaluation revient aux États membres, chargés de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits.
La divergence d'évaluation du glyphosate entre le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) et l'Efsa viendrait de là. Le Circ, qui considère le glyphosate comme cancérigène probable, s'appuie sur l'ensemble des études publiées sur cette substance active, y compris celles portant sur des formulations complètes et les interactions avec d'autres formulants. Tandis que l'Efsa écarte les études sur les formules complètes. « Le défaut de prise en compte par l'Efsa des formulations complètes et de l'effet cumulé des substances et composants entre eux conduit donc l'Efsa à écarter le danger que présentent les produits pesticides, et à ne pas évaluer l'effet cocktail interne de ces produits pas tous déclarés », estiment les signataires.
Pour une évaluation complète
Les élus sollicitent donc la mise en place de procédures spécifiques prenant en compte les effets cocktails à l'intérieur d'un produit dans les procédures d'évaluation des pesticides, « et ce dès la procédure d'autorisation ou de renouvellement d'une substance active déclarée ».
Ils souhaitent que la procédure prenne en compte, lors des évaluations de renouvellement d'approbation de substances actives déclarées, l'ensemble des publications scientifiques, notamment des avis du Circ et les études de toxicité de formulations commerciales complètes.
Enfin, ils demandent à l'Efsa d'assurer la publication des données brutes, articles et références sur lesquels elle se base dans ses évaluations.