Dans un rapport publié le 17 septembre, les ONG Pan Europe et Générations futures dénoncent la quasi-absence d'études universitaires indépendantes dans les évaluations remises lors des dossiers de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des pesticides.
Pour rappel, le règlement européen encadrant la mise sur le marché de ces produits phytosanitaires se fonde "sur le principe de précaution afin d'éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l'environnement" (article premier). Le texte, entré en vigueur en juin 2011, harmonise les critères utilisés par les Etats membres pour approuver une substance active et établit une procédure détaillée. Ainsi, les essais sur lesquels l'innocuité du produit est évaluée doivent être conduits selon des lignes directrices adoptées au niveau communautaire ou au niveau international (OCDE).
C'est là que le bât blesse, estiment les ONG. Selon elles, de nombreux scientifiques indépendants considèrent que les protocoles d'essais établis par l'OCDE sont restrictifs et ne les utilisent pas. "Il en résulte que les études de ces chercheurs universitaires indépendants ne sont pas prises en compte dans l'évaluation du risque". Pourtant, estiment les deux associations, ces lignes directrices ne constituent pas des critères solides pour assurer la fiabilité des données.
Peu d'études universitaires retenues dans l'évaluation du risque
Ainsi, après avoir analysé sept dossiers de demande de mise sur le marché de pesticides, les ONG indiquent que seules 99 des 434 études de toxicité qu'elles avaient recensées sur ces molécules ont été citées dans le dossier d'évaluation des risques fourni par l'industriel. Par la suite, "pas une seule de ces 99 études n'a été considérée comme suffisamment pertinente pour être utilisée pour la prise de décision, généralement parce qu'elles n'avaient pas été effectuées conformément aux protocoles de l'OCDE".
Sur les sept dossiers étudiés, seuls deux Etats membres rapporteurs, la Suède et les Pays-Bas, "ont fait remarquer que les revues de la littérature pour la L-cyhalothrine et le thiabendazole (respectivement) étaient insuffisantes pour un effet spécifique et ont cité des études pertinentes devant être prises en compte, au moins à l'avenir". Selon Pan Europe et Générations futures, ces résultats confirment des études menées par d'autres ONG sur l'évaluation du risque dans le cadre du règlement Reach.
Cette évaluation des risques incomplète passe également à côté des risques émergents, soulignent-elles : "Les nouvelles perspectives scientifiques sont prises en compte très tardivement dans les décisions de l'UE, voire même pas du tout. Même aujourd'hui les pesticides ne sont pas testés pour la perturbation endocrinienne, bien que ces effets soient connus depuis plus de vingt ans".
Pour une évaluation indépendante du risque
Les ONG demandent donc que le contrôle des tests de toxicité, lors d'une demande d'AMM, soit retiré à l'industrie et affecté au milieu universitaire. De même, la revue de littérature scientifique exigée lors d'une demande de ré-autorisation devrait être effectuée par des chercheurs universitaires. Le contrôle des dossiers par les Etats membres devrait également être renforcé pour assurer l'exhaustivité de l'évaluation du risque. Enfin, elles souhaitent l'ouverture d'un dialogue entre les régulateurs, les universitaires et les autres scientifiques sur les déterminants des données fiables de toxicité, autres que les lignes directrices de l'OCDE.