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Si la Seine était de nouveau en crue ?

La Ville de Paris lance une exposition qui retrace l'épisode de crue exceptionnelle qu'a connu la capitale en janvier 1910. L'occasion de rappeler que le risque majeur d'inondation en Ile-de-France est loin d'être écarté…Explications.

Risques  |    |  R. Boughriet
   
Si la Seine était de nouveau en crue ?
Crue de la Seine. Quai de Grenelle. Paris, janvier 1910
© Neudein/Roger‐Viollet
   
La crue exceptionnelle qui a frappé la capitale en janvier 1910 et la région parisienne, pendant plus d'une semaine, a marqué les esprits après celle de 1658. A l'occasion du centenaire de l'évènement, la Mairie de Paris présente une exposition ''Paris dé 1910''1, du 8 janvier au 28 mars 2010. Plus de deux cents documents, souvent inédits (photographies, cartes postales, affiches, presse illustrée, plans, peintures, films...), retracent cette période de crue qui a débuté le 20 janvier.

Rappelons qu'en une semaine, le niveau des eaux, causé par d'abondantes pluies et la fonte des neiges, n'a cessé de monter jusqu'au 28 janvier pour atteindre son maximum avec 8,62 mètres contre 3, 80 m le 20 janvier. Le débit avait même atteint les 2.500 m3/s au pic de la crue de 1910, soit 10 fois le débit normal ! Douze des vingt arrondissements de la capitale ont ainsi été inondés. L'eau a pénétré le réseau souterrain de 1.200 kilomètres, et remonté même les abords de la gare Saint-Lazare pourtant relativement éloignés du fleuve. Les gares d'Orsay et des Invalides ont aussi été inondées, comme celles de Lyon. Les boulevards Saint-Germain et Haussmann ont particulièrement été touchés tandis que dans les quartiers bas de la capitale, des milliers d'habitants ont dû être évacués. Plus d'électricité, ni de gaz, ni de transports, la ville a été entièrement paralysée. Si deux crues secondaires se produisirent encore en février et en mars 1910, il faudra encore attendre le 15 mars avant que la Seine ne regagne définitivement son lit et que le service ferroviaire ne redevienne normal à cette date. Les Parisiens devront également attendre le mois d'avril pour emprunter à nouveau le métro.

Alors que les usines d'épuration en proche banlieue de Saint-Ouen, Issy-les-Moulineaux et Vitry sont devenus inaccessibles le 23 janvier, le préfet Lépine avait ordonné que les ordures soient déversées dans la Seine à partir du pont de Tolbiac et du viaduc d'Auteuil pour éviter les épidémies. L'opération ''Ordures au fil de l'eau'' aura eu lieu pendant plus de 15 jours, malgré les protestations des communes situées en aval !

La crue aura duré au total 45 jours. Plus de 40 kms de rues ont été inondés tandis que 20.000 immeubles de la capitale ont été touchés. Les 150.000 Parisiens et 200.000 banlieusards ont été sinistrés. Si dans Paris un seul mort a été à déplorer, les dégâts matériels sont estimés à 400 millions de francs-or, soit l'équivalent de plus d'1,6 milliards d'euros.

Le risque majeur d'inondation en Ile-de-France

Rappelons que la Seine à Paris a connu 65 crues exceptionnelles entre le VIe et le XXe siècle. Le risque d'inondation par débordement de rivière demeure le risque naturel majeur commun à l'ensemble des 8 départements de la région Ile-de-France, soit 1.300 communes. Il concerne plus d'un million de franciliens, selon la Direction Régionale de l'Environnement (DIREN) Ile de France. Si dès le 18 février 1910, le gouvernement français a formé une Commission des inondations, diverses mesures de protection ont été mises en place pour lutter contre les crues exceptionnelles à Paris après celles de 1910, 1924 et 1955 où la hauteur d'eau a dépassé les 7 mètres. La Région Ile-de-France a également connu deux crues majeures en 1945, et 1982 où le niveau d'eau a atteint au moins les 6 mètres.

Aujourd'hui, les quatre lacs-réservoirs gérés par l'Institution Interdépartementale des Barrages-Réservoirs des Bassins de la Seine - élaborés entre 1946 et 1990 et pouvant retenir 830 millions de m3 d'eau - permettent de réguler le débit des cours d'eau sur lesquels ils sont établis en amont de la région parisienne, l'Yonne, la Seine, la Marne et l'Aube. ''Dans le cas d'une crue de type 1910, l'action de ces lacs artificiels diminuerait de 60 cm la hauteur d'eau à Paris, réduisant ainsi du tiers les dommages causés par cette crue'', selon la Ville de Paris.

D'autres réalisations - comme des digues, parapets, rehaussement de ponts ou encore reconstruction d'écluses,…- permettent d'éviter que l'agglomération parisienne ne soit sous les eaux en cas de crue décennale. Ces travaux de génie civil permettraient d'abaisser dans la capitale le niveau des eaux de 30 à 50 cm pour une crue similaire à celle de 1910.

Et si la crue de 1910 revenait ?

“ La crue de 1910 a, chaque hiver, 1 (mal)chance sur 100 de se reproduire ” DIREN Ile-de-France
Malgré les aménagements du cours de la Seine, Paris et la petite couronne restent vulnérables où ''90% du territoire inondable est urbanisé'', a rappelé Louis Hubert, directeur délégué à la DIREN Ile-de-France. La crue de 1910 a, ''chaque hiver, 1 (mal)chance sur 100 de se reproduire'', a prévenu la Direction régionale de l'environnement. Si les mêmes conditions climatiques devaient se reproduire, aucun aménagement technique ne pourrait l'endiguer. Malgré l'action des ouvrages de protection (lacs-réservoirs, digues et murettes), le coût d'une telle inondation pourrait ainsi atteindre aujourd'hui plus de 17 milliards d'euros, selon la DIREN Ile-de-France en partenariat avec l'établissement public des Grands Lacs de Seine, sans compter les dégâts engendrés sur les réseaux (eau, électricité, gaz...) dans l'état actuel d'urbanisation du lit majeur de la Seine. Plus de 56.000 hectares de la région seraient inondables, dont l'urbanisation a beaucoup augmenté au cours du XX° siècle. Une inondation équivalente à celle de 1910 atteindrait 508 communes, dont 31 sur plus de la moitié de leur territoire. 850.000 habitants seraient directement exposés à l'inondation, près de 2 millions de personnes seraient affectés par des coupures d'électricité et 2,7 par des coupures d'eau potable. Le RER C qui passe le long de la Seine et transporte près d'un demi-million de voyageurs par jour, serait sous l'eau.

Selon les estimations de la DIREN, les submersions pourraient atteindre plus de 2 mètres dans les secteurs les plus exposés et durer de 6 à 8 semaines. ''L'absence de crues majeures depuis une cinquantaine d'année (à l'exception de 1982) ne doit pas faire oublier que 10 crues se sont produites entre 1910 et 1960'', a rappelé la DIREN Ile-de-France.

Des mesures de prévention

Aussi afin de limiter le risque, des plans de prévention du risque inondation (PPRI) ont notamment été instaurés en France qui réglementent l'urbanisation dans les territoires concernés, en interdisant la construction de logements dans les terrains exposés à des aléas très dangereux, et les terrains non urbanisés qui constituent des zones d'expansion des crues. L'ensemble des communes riveraines des grands cours d'eau d'Ile-de-France est concerné par un PPRI, en cours ou approuvé par l'Etat à l'instar de celui de la Ville de Paris en 2003 et révisé en 2007.

Rappelons que selon une enquête du SOeS (ex IFEN) publiée en février 2009, seules 61 % des 424 communes françaises de plus de 10.000 habitants soumises à un risque majeur d'inondation étaient couvertes fin 2007 par un PPRI contre 13 % en 1999. 46 % des communes françaises sont concernées par ce risque d'inondation. D'après une autre enquête publiée en mars 2008 par l'IFEN, si les Français connaissent assez bien leur exposition aux inondations là où ils résident, les dispositifs de gestion et d'information sur ces risques naturels - comme le Plan de prévention des risques (PPR), le Document d'Information Communal (Dicrim) ou Départemental (DDRM) sur les Risques Majeurs ou repères de crues - demeurent encore peu connus des habitants exposés.

D'où l'objectif de l'exposition parisienne qui vise à présenter aux habitants le risque d'inondation aujourd'hui ainsi que les mesures prises afin de limiter l'impact des futures crues. Précisons également que la directive européenne relative à la gestion des inondations, entrée en vigueur le 26 novembre 2007, demande aux États membres d'identifier d'ici fin 2011 et de cartographier les bassins hydrographiques et les zones côtières à risque d'ici 2013. Les Etats membres devront également établir des plans de gestion au plus tard en décembre 2015.

Dans le cadre des travaux de transposition de la directive inondation en droit français, prévue dans le projet de loi Grenelle 2, la secrétaire d'Etat à l'écologie Chantal Jouanno a présenté en décembre 2009 le lancement d'un nouveau dispositif de labellisation des programmes contractuels d'action de prévention des inondations (PAPI) sur la période 2010-2015. La nouvelle politique de prévention des risques d'inondation prévoit en outre de réorganiser et renforcer, sous la responsabilité du ministère le dispositif de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques. Elle met aussi l'accent sur les opérations de réduction de la vulnérabilité des bâtiments, des activités et des populations, au lieu de privilégier des mesures lourdes de protection contre les inondations. ''L'ensemble des types d'inondation devra désormais être pris en compte : non seulement les débordements de cours d'eau, mais aussi celles dues aux submersions marines et au ruissellement, urbain ou en milieu rural'', a souligné la secrétaire d'État en charge de l'écologie.

* ''Paris inondé 1910''. Du 8 janvier au 28 mars, du mardi au dimanche de 13 heures à 19 heures, nocturne le jeudi jusqu'à 21 heures. Galerie des bibliothèques de la ville de Paris, 22, rue Malher, Paris 4e.

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