
Initiée en 1990 aux États-Unis où elle a fait ses preuves, la redevance incitative au tri des déchets ménagers est arrivée dans les années 1995 en Europe. Aujourd'hui, selon l'Agence de l'Environnement et de la maîtrise de l'Énergie (ADEME), une vingtaine de collectivités couvrant quelque 360 communes l'ont adoptée en France.
Actuellement, il existe deux catégories d'instruments économiques applicables à la collecte des déchets : les taxes et les redevances. La taxe touche le contribuable pour qu'il prenne part aux dépenses réalisées par l'autorité locale pour la communauté. Les redevances, quant à elles, sont utilisées pour financer des services individuels. Le montant de celles-ci peut être calculé à partir de plusieurs critères (nombre de ménages participants, nombre de personnes dans le ménage, taille de l'habitation, volume des déchets), pour financer entièrement le service de collecte et de traitement des déchets de la commune.
On parle de « redevance incitative » lorsque la facture est calculée en fonction de la production de déchets ce qui sous-entend que l'habitant est incité à réduire sa production d'ordures non triées pour payer moins cher.
Lorsqu'elle est déployée, la redevance incitative est uniquement appliquée aux ordures ménagères résiduelles communément appelées « la poubelle grise ». C'est pourquoi dans la majorité des cas, la redevance incitative se compose d'une part fixe qui couvre les dépenses liées à la collecte des autres déchets (collective sélective, tri, déchetteries, frais généraux) et d'une part variable liée au volume de la poubelle grise. Il existe différents moyens de mise en œuvre : la facturation au volume du bac, le système de sacs payants ou le système, dit de ''pesée embarquée'' qui fonctionne depuis 1999 dans la Communauté de communes de la Porte d'Alsace*.
Le système de pesée embarquée fonctionne à l'aide d'une puce électronique fixée dans la poubelle du particulier avec ses coordonnées afin de calculer le poids des déchets collectés à chaque tournée. L'objectif étant d'inciter les ménages à trier leurs déchets et à les recycler afin de diminuer le volume des déchets résiduels. Ce système est une piste à poursuivre, a estimé Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d'Etat à l'Ecologie venue évaluer le 5 novembre dernier à Dannemarie (Haut-Rhin) les atouts et freins de ce système. Il est la seule solution qui permette de faire payer les gens en fonction de l'effort qu'ils consentent pour trier leurs déchets, a jugé quant à lui Rémy With, vice-Président du Conseil général du Haut-Rhin.
D'une moyenne de 400 kilos de déchets par an et par habitant collecté dans les « la poubelles grises » en 1999, ce ne sont plus aujourd'hui que 96 kg de déchets qui sont collectés par an et par habitant dans ces mêmes conteneurs… soit 4 fois moins ! Comme les habitants ne paient que pour ces seuls déchets résiduels, le montant moyen de la facture pour les habitants ne s'est élevé en 2006 qu'à 53,62 € /hab/an incluant une part fixe de 33 € /foyer/an**.
Pourtant, si elle constitue une première étape pour faire prendre conscience à l'habitant de l'impact de son comportement sur le contenu de sa poubelle, cette redevance incitative n'a toutefois pas d'effet direct sur la quantité totale de déchets produite et n'intervient pas dans la réduction à la source. Elle n'entraîne en effet qu'un transfert des flux au profit du recyclage. Le tri a beaucoup augmenté dans les villages où le système est en place, mais le volume global des déchets n'a pas tellement diminué, a indiqué la Secrétaire d'Etat. Il faut donc attaquer le problème des déchets par les deux bouts, en diminuant globalement leur volume et en augmentant leur tri et leur recyclage, a-t-elle précisé.
La redevance peut en outre avoir des effets pervers comme les décharges sauvages, les dépôts des déchets chez l'employeur ou dans une commune voisine, voire les feux d'ordures. Nous constatons un nombre important de gens qui ne sortent plus leurs poubelles et nous avons des dépôts sauvages d'ordures, rapporte André Trabold, maire de Montreux-Vieux qui plaide pour un renforcement du pouvoir des maires. Lorsqu'on constate un dépôt sauvage, la gendarmerie intervient, transfère l'affaire au procureur, puis cela ne mène nulle part, déplore-t-il. Nathalie Kosciusko-Morizet a d'ailleurs promis d'étudier cette demande afin de conférer plus de cohérence dans l'intervention de la Police pour ces infractions et d'attribuer plus d'autonomie au maire.
Plutôt réticent sur ce système de pesée embarquée, Jacques Pélissard, Président de l'Association des Maires de France (AMF) et Député-Maire de Lons-le-Saunier qui accompagnait la Secrétaire d'État lors de ce déplacement craint aussi que certains habitants ne soient tentés d'emprunter l'espace de la poubelle du voisin pour se débarrasser gratuitement de leurs propres ordures. Il observe également que si le système peut se concevoir pour des zones pavillonnaires d'habitation, dans l'habitat collectif, ce n'est pas évident. Il apparaît en effet nécessaire de s'adapter au territoire. Je ne pense pas qu'un système uniforme et impersonnel soit une bonne chose, a ajouté M. Pélissard.
Consciente des limites, la Secrétaire d'État a tout de même tenu à confirmer que la pesée embarquée fonctionnait même s'il ne s'agissait pas d'imposer le même système à toutes les communes en France. Des réflexions sont également à mener sur l'extension du système au logement collectif. On a deux mois et demi pour faire des propositions, a-t-elle conclu.
En effet malgré les incontournables effets pervers associés à toutes les solutions nouvelles, gageons que cette redevance devrait pousser les consommateurs à acheter des produits avec moins d'emballages et inciter en conséquence les industriels à mettre sur le marché des produits éco-conçus, même si ceux-ci pourraient prendre les devants. En effet, à en croire un sondage TNS Sofrès commandé par l'Ademe et Eco-emballages, le nombre de personnes considérant l'emballage comme « envahissant » est passé de 23% en 2000 à 46% en 2007 !
* La communauté de communes de la Porte d'Alsace se situe entre Mulhouse et Belfort. Elle regroupe 33 communes comptant 13 800 habitants.
** Moyenne nationale : 83 € /hab /an pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom) ; 71 € /hab /an pour la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom). Source : Direction générale des collectivités locales.