L'agrobusiness contre une agriculture moins intensive ou même une agro-écologie : la polémique engendrée par le projet de ferme dit "des 1.000 vaches" cristallise les questions et enjeux liés au choix du modèle de développement agricole.
La volonté de son entrepreneur d'implanter un méthaniseur de 1,5 mégawatt (MW) constitue en effet une des principales sources d'opposition.
Ce projet a connu de nombreux rebondissements. Le porteur, Michel Ramery, a tout d'abord obtenu une autorisation préfectorale (au titre de la législation des installations classées) pour son exploitation mais cette dernière a été limitée à 500 vaches laitières. L'entrepreneur ne disposerait en effet pas d'une surface d'épandage des effluents suffisante pour une ferme de 1.000 vaches. Or, les opposants au projet assurent que les dimensions de la ferme et du méthaniseur associé n'ont pas été modifiées en conséquence dans le permis de construire.
Selon l'AFP, Michel Ramery aurait désormais augmenté sa surface au niveau requis (à 3.000 hectares) et déposé une nouvelle demande pour un millier de ruminants.
Après avoir rencontré Cécile Duflot, ministre de l'Egalité des territoires, les associations ont néanmoins obtenu un engagement de cette dernière, jeudi 23 janvier, pour la destruction des bâtiments illégaux de la ferme.
Vers un moratoire sur les projets de méthanisation ?
Résolue à bloquer ce projet, la délégation de la Confédération paysanne et l'association d'opposants locaux Novissen a demandé jeudi 30 janvier à Philippe Martin, ministre de l'Ecologie, un moratoire sur les projets de méthanisation et un débat national. Pour les associations, cette technologie constitue une bonne option pour produire de l'énergie à la condition qu'elle soit cadrée, selon l'AFP.
Une des craintes d'associations comme la Confédération paysanne serait notamment que dans des cas comme ce type de ferme industrielle, la méthanisation transforme en "énergiculteurs ceux dont le métier est de produire des aliments".
Autre question soulevée par le projet de l'exploitation des 1.000 vaches : l'origine du complément aux déchets qui alimenteront le méthaniseur.
"Le lisier ne fournira que 50% des besoins, le reste étant composé de déchets verts, d'ordures ménagères et boues d'épuration, bref tout ce que collecte l'exploitant Ramery Environnement, a expliqué à l'AFP le porte-parole de la délégation, Laurent Pinatel, on n'est plus là sur de l'activité agricole". Michel Ramery dirige en effet un groupe qui comporte cinq types de métiers : les travaux publics, le bâtiment, la maintenance et l'exploitation des bâtiments, l'aménagement et enfin la gestion des déchets.
Philippe Martin aurait assuré aux militants que ce type de projet ne correspondait pas à son modèle de développement agricole, selon l'AFP.
"Gisement potentiel de méthane renouvelable à portée de main"
La délégation de la Confédération paysanne et Novissen souhaitent désormais rencontrer Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture. La discussion pourrait s'avérer agitée.
En visite au salon professionnel Biogaz Europe à Saint Brieuc (Côtes-d'Armor), ce dernier s'est en effet réjoui du développement de la méthanisation agricole encouragé par le plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA). L'objectif fixé est d'atteindre 1.000 méthaniseurs agricoles d'ici 2020. Aujourd'hui, la France compte 140 installations dans des fermes alors que, fin 2012, elles étaient limitées à 90.
"Avant de vouloir aller chercher l'énergie au plus profond de la terre, nous avons là un gisement potentiel de méthane renouvelable à portée de main, qu'il nous faut valoriser", a t-il souligné. Le ministre a réaffirmé sa volonté de lever les obstacles au développement de cette énergie, et de mobiliser tous les acteurs des territoires pour encourager les investissements.
"Avec la méthanisation agricole, nous faisons d'un déchet un fertilisant. C'est un changement d'approche, dans une démarche d'économie circulaire promue par le Gouvernement. Les premiers acteurs de ce changement sont les agriculteurs eux-mêmes", a noté le ministre.