Contenu carbone des panneaux, emprise foncière et biodiversité, recyclabilité et consommation de matériaux… La filière photovoltaïque n'est pas exempte d'impacts environnementaux. Même si ces derniers sont très faibles par rapport aux énergies fossiles, la filière a tout intérêt à en avoir conscience et à travailler sur les différents aspects. Pour l'y aider, l'Ademe a réalisé un panorama des pratiques en la matière au sein de la chaîne de valeur française. Et après avoir auditionné les acteurs, elle propose une feuille de route pour réduire l'empreinte environnementale du photovoltaïque « propice à un déploiement massif et accepté de cette énergie sur les territoires ».
Capitaliser l'image positive du photovoltaïque
D'après les sondages réalisés par l'Ademe, le photovoltaïque est une énergie renouvelable considérée aujourd'hui par les Français comme « la moins polluante, la moins dangereuse, et la plus respectueuse de la biodiversité et des paysages ». Un point fort au regard des ambitions de développement prévues dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) : de 11,5 GW en place fin mars 2020, on doit atteindre 20 GW en 2023 et jusqu'à 44 GW en 2028. Alors, pour maintenir cette bonne image, « l'excellence environnementale » s'impose selon l'Ademe.
• 28 % des répondants ont mis en place de bonnes pratiques en lien avec l'amélioration des procédés de fabrication et de recyclage, ainsi que sur le choix des matériaux entrant dans la composition des produits ;
• 60 % des répondants connaissent l'ECS (Évaluation Carbone simplifiée), mais 65 % d'entre eux la jugent trop complexe et 70 % d'entre eux estiment qu'elle devrait être améliorée ;
• 22 % des répondants ont connaissance des outils européens Écodesign et Écolabel applicables à la filière photovoltaïque, alors que 2/3 d'entre eux jugent qu'ils peuvent avoir un impact positif.
Travailler sur le recyclage et la réparabilité
La feuille de route est constituée d'une trentaine d'actions à mettre en place à court (2-5 ans), moyen (5-10 ans) et long terme (>10 ans), classées selon leur impact sur le bilan environnemental de la filière. Selon l'Ademe, cette excellence environnementale passera tout d'abord par une amélioration des conditions de fabrication des panneaux solaires.
Elle estime toutefois que, pour chaque typologie de déchets, il faudrait envisager de fixer un objectif de taux de recyclage pour 2025. « La valeur de l'objectif pourrait être décidée par les fabricants eux-mêmes », propose-t-elle. Et si, pour l'instant, avec une durée de vie de 25 ans en moyenne, les panneaux usagés de sont pas légion, il est temps d'améliorer les process et les débouchés du recyclage des produits PV. Pour commencer, l'Ademe propose la réalisation d'un panorama des process et des débouchés et la publication de plus de données sur le sujet.
En matière de réparabilité, l'agence suggère d'inclure les panneaux solaires dans le périmètre de l'indice de réparabilité et du fonds réparation en cours de création en application de la loi Agec.
Favoriser la R&D pour des modules plus performants et à longue durée de vie
Autre piste identifiée pour améliorer le bilan environnemental de la filière : fabriquer des modules à plus haut rendement et plus fiables. Cela couvre à la fois l'amélioration des technologies existantes comme le développement d'innovations avec des rendements pouvant aller de 30 à 40 %. L'Ademe cite les panneaux bifaciaux, les technologies mixtes combinant silicium et couche mince, etc. Cette action est jugée prioritaire par les acteurs de la filière car elle présente un fort potentiel économique et un moyen de se différencier sur un marché très compétitif. Mais les enjeux technologiques sont élevés : les fabricants attendent un soutien à la R&D, mais ils devront consentir des investissements dans l'industrialisation de ces procédés.
Améliorer l'empreinte carbone des modules
La question du bilan environnemental des panneaux français est bien entendu fortement liée à l'empreinte carbone, surtout dans un marché mondialisé où la grande majorité des panneaux installés proviennent d'Asie. Dans ce cadre, le critère carbone est déjà pris en compte dans les appels d'offres de l'État. Faut-il le renforcer ? Pas si simple selon l'Ademe qui remarque que le sujet ne fait pas consensus dans la filière. « Certains considèrent que l'empreinte carbone des produits PV est déjà bas, et que l'innovation se poursuit en ce sens, sans qu'il y ait besoin d'intervenir plus sur le sujet. D'autres considèrent qu'il est nécessaire d'aller plus loin », au risque de déstabiliser le marché…
Car, si le bilan carbone des modules français est bon et que les fabricants veulent le faire savoir, le marché français pourra-t-il répondre à la demande des développeurs au regard du nombre de centrales solaires à installer dans les années qui viennent ? Les risques de ne pas pouvoir répondre aux objectifs de la PPE sont clairement évoqués par une partie de la filière. L'Ademe ne tranche pas et étudie à la fois un renforcement et une simplification de la méthode d'évaluation dite « ECS » utilisée dans les appels d'offres pour favoriser les projets bas-carbone. Elle estime toutefois que la méthode devra évoluer dans un sens ou un autre d'ici 2023 et fournit les conditions de réussite de ce travail. L'Ademe estime également qu'une réflexion, au niveau européen, sur le poids des critères environ-nementaux dans la note des projets candidats aux appels d'offres sera nécessaire pour faire évoluer les choses.
Limiter l'empreinte sur les sites
Restent les mesures visant à limiter l'impact environnemental des centrales sur leur site d'implantation. Pour cet enjeu, l'Ademe rapelle une évidence : favoriser le solaire sur les batiments. Elle a également identifié une dizaine d'actions, la plupart déployables à court terme, comme recenser les bonnes pratiques en matière de biodiversité et d'application de la séquence éviter-réduire-compenser (ERC), ou encore former les installateurs et développeurs à ces enjeux. L'agence propose également d'accroître la connaissance des impacts à l'image de l'étude réalisée par Enerplan et le SER en Occitanie début 2021. Les résultats n'ont pas été probants et méritent un approfondissement qui permettra à moyen terme d'améliorer la prise en compte de ces enjeux dans la réalisation des études d'impact environnementales des projets.
Les collectivités ont également un rôle à jouer dans cette réflexion estime l'Ademe, en améliorant la planification. « Selon les parties prenantes, les documents de planification et de développement des territoires sont fastidieux et complexes à consulter et, actuellement, les développeurs consulteraient directement les Dreal quand ils veulent implanter une centrale PV », fait remarquer l'Ademe. Elle propose par conséquent de déterminer des objectifs régionalisés de la PPE, de partager les retours d'expérience des collectivités en matière de planification, et de déployer un réseau de conseillers techniques pour venir en soutien aux collectivités. Au final, cela pourrait aboutir à la création d'une cartographie territoriale des sites éligibles avec des cahiers des charges adaptés à la situation locale. Tout un programme que les acteurs du photovoltaïque sont invités à prendre en main.