Le 14 janvier, le Cercle national du recyclage (CNR) a publié son "Observatoire des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) en interaction avec le service public de gestion des déchets". Le document, d'une centaine de pages, passe en revue les 16 filières REP existantes et les 4 en cours de mise en œuvre, et notamment l'évolution des tonnages et la répartition des dépenses de chaque éco-organisme, ainsi que le poids financier de l'ensemble des filières REP dans la gestion des déchets.
En 2011, le montant des contributions de l'ensemble des filières REP représente environ 934 millions d'euros, contre 859 millions l'année précédente, estime le Cercle. Cette "hausse des contributions perçues sur les produits soumis à la REP témoigne du déploiement et de l'amélioration des filières", analyse-t-il, ajoutant qu'elle "s'est traduite en aval par une hausse des montants destinés à la gestion des déchets".
Les éco-organismes auraient ainsi dépensé 937 millions d'euros pour soutenir la collecte et le tri des déchets, dont 593 millions versés aux collectivités locales. Mais le montant versé aux collectivités "reste très inférieur aux charges réelles de gestion des déchets issus de ces produits mis sur le marché", estime le document. Le CNR soumet donc des propositions pour améliorer les dispositifs existants.
Créer un statut d'éco-organisme et sanctionner
Pour améliorer cette situation, le CNR souhaite qu'à l'aval on uniformise le statut des éco-organismes. Le CNR "continue de s'interroger sur la pertinence" d'éco-organismes "[constitués] en société anonyme, en société par actions simplifiées, association ou groupement d'intérêt économique", alors qu'ils sont créés pour répondre aux obligations réglementaires des producteurs. "Cet état de fait est en contradiction avec le principe de sociétés privées", dénonce-t-il.
De même, le Cercle critique la mainmise des producteurs sur la gouvernance des éco-organismes : "Ces entités dirigées par les producteurs viennent en appui au service public de gestion des déchets qui reste une mission d'intérêt général. Toutefois, il semble évident que la défense de l'intérêt général n'est pas la première des préoccupations des producteurs", avance le CNR.
Il propose donc de créer un nouveau statut spécifique aux éco-organismes imposant, notamment, la non-réaffectation des bénéfices aux actionnaires et "la constitution d'un conseil d'administration partenarial équitable" intégrant des représentants des pouvoirs publics, des collectivités locales et des consommateurs.
Toujours à l'aval de la filière, le CNR propose une série de mesures, telles que l'agrément de l'ensemble des éco-organismes ; le regroupement des éco-organismes des filières "emballages", "déchets d'équipements électriques et électroniques" (DEEE) et "piles" ; l'amélioration du contrôle des déclarations des producteurs de déchets, "un dispositif de contrôle et de suivi plus conséquent et élargi" qui pourrait prendre la forme d'"un organisme indépendant de contrôle et de régulation de l'ensemble des filières REP", et l'élargissement du périmètre des contributions
De la responsabilité élargie à la responsabilité intégrale
S'agissant du soutien apporté à l'amont, c'est-à-dire à la gestion des déchets, le CNR déplore que "toutes les filières REP existant à l'heure actuelle sont partielles, soit seule une partie de la totalité des coûts est prise en charge, soit l'ensemble des coûts sont pris en charge mais seulement sur une partie du gisement". Pour y remédier, il "souhaite qu'une réflexion soit menée sur la mise en place de REP dites intégrales ou abouties". En clair, la responsabilité matérielle ou financière des déchets incomberait intégralement aux producteurs de déchets.
Une telle mesure aurait deux avantages : "les producteurs prendraient alors réellement conscience de l'impact de leurs produits en fin de vie [et] cela permettrait aux collectivités locales de se décharger du financement de ce type de déchets". Dans sa version la plus aboutie, la réforme ajouterait aux coûts directs de collecte et traitement des déchets, les coûts externes liés aux impacts environnementaux des produits usagés…
Par ailleurs, le Cercle plaide pour "la mise en place systématique de sanctions" pour tous les éco-organismes qui n'atteignent pas leurs objectifs. Ces sanctions concerneraient les objectifs de prise en charge des coûts, ainsi que les objectifs de collecte ou de traitement des déchets. Quant à la sanction appropriée, le CNR considère que pour chaque filière, elle "doit être au minimum proportionnelle au financement qui aurait été nécessaire pour atteindre [l']objectif".
Enfin, le document fait des propositions spécifiques à certaines filières. Par exemple, la REP "piles" devrait mieux évaluer son gisement ; les filières "piles", "médicaments non utilisés" (MNU), "papiers" et "textiles" devraient renforcer leur communication ; la filière "pneus" devrait mettre en place la reprise gratuite des déchets pneumatiques chez les distributeurs ; les excédents de collecte des éco-organismes Eco-systèmes, Récylum et Screlec devraient être utilisés pour améliorer les performances de collecte plutôt que pour réduire le montant des contributions, ou encore la filière "emballages" devrait prendre en charge 80 % des coûts des déchets d'emballages ménagers en intégrant à ces coûts la TVA payée par les collectivités locales et le surcoût lié aux emballages souillés.