"La dénonciation, c'est une bombe atomique", a reconnu le rapporteur de la mission d'information sur les autoroutes, Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre), lors de la présentation de ses travaux devant la commission Développement durable de l'Assemblée nationale, le 17 décembre. Cependant, selon lui, c'est la meilleure solution pour mettre fin à "une situation subie" par l'Etat et les usagers, à une "situation privilégiée hors norme" pour les concessionnaires autoroutiers, à une "rente" depuis la privatisation complète de 9.000 km d'autoroutes depuis 2006.
Il en va de "l'intérêt général". Il s'agit, selon le député, de sortir d'une "situation insupportable", celle d'un Etat en "disette budgétaire", n'ayant plus les moyens de financer les infrastructures de transports, alors que les concessionnaires affichent une véritable "prospérité financière". Ces derniers auraient un résultat net global annuel supérieur à 2 Mds€. "Ils ont servi à leurs actionnaires 15 Mds€ sur la période 2006-2013". La Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence ont précédemment pointé du doigt "le déséquilibre financier de l'exploitation d'une majeure partie du réseau français", rappelle l'élu socialiste.
Vers un établissement public de gestion ?
Pour Jean-Paul Chanteguet, la dénonciation des contrats de concessions des autoroutes est le moyen le plus efficace pour parvenir à "un rééquilibrage plus complet des systèmes sans attendre le terme des concessions en cours". Pour cela, l'Etat devrait s'appuyer sur l'article 38 des contrats, au titre de l'intérêt général. Mais cela doit être fait avant le 31 décembre 2014, afin de pouvoir établir dès 2016 un nouveau cadre de gestion des autoroutes.
"Dès les premiers jours de 2015, l'Etat doit être en mesure d'explorer les procédures qui s'offrent à lui, sans exclure une renégociation intégrale". Le député propose la création d'un Epic (établissement public à caractère industriel et commercial), qui délivrerait des contrats d'opérations de régie.
Coût : 20 Mds€ pour l'Etat
Le rachat aurait un coût conséquent pour l'Etat, reconnaît l'élu, mais les revenus générés chaque année lui permettrait de s'acquitter de la dette (18 Mds€) et de financer d'autres infrastructures de transport en abondant le budget de l'agence de financement des infrastructures de transport de France(Afitf). Le député évalue les indemnités pour préjudice subi à 20 Mds€. Les sociétés d'autoroutes avancent un chiffre bien plus important : 50 Mds€, dont 31 Mds€ de dettes. La Cour des comptes l'aurait estimé à 45 Mds€. Le 4 décembre dernier, 152 députés socialistes soutenaient, dans une lettre à Manuel Valls, cette proposition.
Dans une précédente mission d'information sur l'écotaxe poids lourds, une autre voie avait été envisagée : une renégociation des contrats en cours visant à "partager équitablement la manne financière" liée au report de trafic provoqué par la mise en place de cette nouvelle taxe sur les réseaux routiers non concédés. La moitié des revenus générés par les autoroutes auraient été dévolus à l'Afitf.