L'abandon du péage de transit, qui devait remplacer l'écotaxe poids lourd, contraint le gouvernement à étudier des solutions alternatives. L'objectif : trouver des sources de financement pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). L'écotaxe poids lourds aurait dû rapporter 1,24 milliard d'euros par an à l'Etat, dont 760 millions d'euros de recettes nettes pour l'Afitf et 160 millions pour les collectivités. Le péage de transit devait quant à lui générer 500 millions d'euros de recettes par an. En outre, se pose la question de l'indemnisation d'Ecomouv' qui a dépensé 850 millions d'euros pour la mise en place du dispositif.
Pour compenser le manque à gagner, le gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances 2015 une hausse des taxes sur le diesel de 2 centimes d'euros. Mais cela ne suffira pas. La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a donc, ces derniers jours, relancé le débat sur d'autres solutions : la mise en place de l'Eurovignette pour les poids lourds en transit et une contribution des sociétés autoroutières.
Un groupe de travail a été mis en place par le gouvernement pour remettre à plat la fiscalité relative au financement des infrastructures et de leur usage. La première réunion, organisée par le secrétaire d'Etat au transport Alain Vidalies, s'est tenue le 16 octobre, en présence des représentants des transporteurs routiers.
Hausse de la TICPE : 1 milliard d'euros en 2015
Le projet de loi de finances, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit un relèvement du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole de 2 centimes d'euros par litre. Le produit de cette hausse, estimé à 807 millions d'euros pour 2015, sera affecté à l'Afitf. Alors que les transporteurs routiers devaient initialement être exonérés de cette hausse, ils devront finalement l'acquitter, puisque le péage de transit ne rentrera pas en vigueur au 1er janvier 2015. Plus de 300 millions d'euros supplémentaires sont attendus de cet élargissement.
Eurovignette : 900 millions d'euros par an ?
Interrogée sur BFM TV le 19 octobre, Ségolène Royal a évoqué la mise en place d'une taxe sur les camions en transit. La ministre de l'Ecologie avait déjà fait cette proposition avant la mise en place du péage de transit, mais l'idée n'avait pas été retenue lors des arbitrages ministériels.
Cette solution alternative au péage de transit est soutenue par l'organisation des transporteurs routiers européens (Otre). Selon elle, ce "nouveau dispositif permettrait à l'Etat d'engranger des recettes de l'ordre de 900 millions d'euros, dont les deux tiers à la charge des camions étrangers qui, jusqu'ici, ne reversaient aucune recette à la France".
Dans l'Hexagone, l'Eurovignette pourrait être mise en place sur les routes non soumises à péage. En effet, la directive européenne Eurovignette encadrant ce dispositif interdit le cumul entre péage et droit d'usage. C'est pourquoi le gouvernement envisage d'autres pistes pour mettre à contribution les sociétés d'autoroutes.
Report du trafic vers les autoroutes : 400 millions d'euros par an ?
La ministre de l'Ecologie a évoqué l'idée d'interdire le trafic de poids lourds sur le réseau routier national, afin de contraindre les camions à emprunter les autoroutes. Lors de son audition par la mission d'information sur l'écotaxe poids lourd, Ségolène Royal estimait qu'avec une telle mesure, "l'Etat et les collectivités pourraient récupérer une part du chiffre d'affaires des autoroutes, générée par ce report de trafic". Dans un rapport remis en 2011, le député Hervé Mariton avait chiffré cette part à 400 millions d'euros par an.
Taxe sur les bénéfices des autoroutes : des dizaines de millions d'euros à la clé ?
Dans tous les cas, la ministre a affiché sa détermination à faire pression sur les sociétés autoroutières, après la publication du rapport, le 18 septembre, de l'Autorité de la concurrence qui dénonçait la rente liée aux concessions autoroutières. "La rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes « historiques » est assimilable à une rente, qui doit être davantage régulée en faveur de l'Etat et des usagers", estime l'Autorité de la concurrence. Selon ses calculs, pour 100 € de péages payés par l'usager, entre 20 et 24 € sont du bénéfice net pour les concessionnaires.
Le plan de relance autoroutier, actuellement en discussion et validé dans son principe par Bruxelles, prévoit que les sociétés autoroutières réalisent 3,6 milliards d'euros de travaux, en contrepartie desquels elles bénéficieraient d'un allongement jusqu'à six ans de la durée de leur concession. L'Autorité de la concurrence préconise donc d'introduire, dans ce plan de relance, des clauses de réinvestissement et de partage des bénéfices avec l'Etat, afin de financer d'autres projets d'infrastructures. La ministre de l'Ecologie a indiqué la semaine dernière avoir ouvert des discussions avec les sociétés concessionnaires, et se donner un mois pour trouver des solutions.
Plusieurs réflexions ont été initiées sur ce sujet, par l'Inspection générale des finances et le CGDD, mais également dans le cadre d'une mission d'information parlementaire sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport. Lancée en juin dernier, cette mission s'inscrit dans le prolongement du rapport d'information sur l'écotaxe poids lourd qui soulignait, qu'"au titre de l'année 2013, les recettes des péages allant aux concessionnaires privés et concernant les seuls poids lourds ont atteint 2,16 milliards d'euros (hors taxes et après prise en compte de l'effet réducteur des abonnements)".
L'Otre, qui est favorable à une taxe sur les bénéfices des autoroutes, précise que "41% de la circulation des poids lourds se fait sur une autoroute concédée en France. Selon les sources même de l'Asfa, la circulation des poids lourds correspond à 14% de la circulation totale sur les autoroutes concédées, mais le chiffre d'affaire engendré par le trafic poids lourds correspond à 40% du chiffre d'affaire total, soit plus de trois milliards !".