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Actu-Environnement

Christian de Perthuis : "La fiscalité écologique renvoie à la question de la redistribution"

Difficultés d'instaurer une fiscalité écologique en France, importance de mettre en place des instruments économiques dans la lutte contre le changement climatique… L'économiste Christian de Perthuis est revenu sur ces questions devant les sénateurs.

Gouvernance  |    |  S. Fabrégat

"Je n'ignore rien du ras-le-bol fiscal français". L'ex-président du Comité sur la fiscalité écologique Christian de Perthuis est revenu, lors d'une audition (1) par la commission Développement durable du Sénat, sur les difficultés d'instaurer une fiscalité écologique en France. Mais "la question du verdissement de notre fiscalité reste entière", souligne-t-il. Car la mise en place d'outils incitatifs ou dissuasifs est la condition sine qua non à la mise en œuvre concrète des politiques en faveur de l'environnement.

Selon lui, ce volet manque dans le projet de loi sur la transition énergétique : "Si on ne règle pas la question des instruments économiques, on aura une loi déclarative". Idem pour le climat : "Tant que le charbon ne coûtera pas cher, on l'utilisera. Il faut tarifer le coût d'émission du CO2".

Un groupe de travail sur la valeur de l'environnement ?

Lors des questions au gouvernement le 18 novembre, Ségolène Royal a été interpelée sur la démission de Christian de Perthuis à la présidence du Comité sur la fiscalité écologique. La ministre a indiqué qu'elle l'avait chargé d'animer un groupe de travail dans le cadre de la préparation du sommet de Paris sur le climat. Ce groupe de travail, qui rassemblera des économistes, devra renforcer la réflexion sur "les données économiques au sens large" : prix du carbone, évaluation des services rendus par la nature, prix de sa destruction …
"C'est dans cette approche globale que nous pourrons poser bien clairement les valeurs de droits et de devoirs de chacun" au regard de la protection de l'environnement. Interrogé par l'AFP, l'économiste a déclaré n'avoir pas encore reçu de feuille de route, mais qu'il rencontrerait la ministre de l'Ecologie en fin de semaine.
Alors que les gouvernements successifs ont reculé à plusieurs reprises sur des dispositifs visant à verdir la fiscalité (taxe carbone, écotaxe poids lourd…), l'économiste estime qu'un changement de paradigme est nécessaire.

La substitution et la redistribution, clés du succès

"Ce qui est en jeu, ce n'est pas d'ajouter des impôts mais de faire de la substitution. C'est-à-dire remplacer des impôts qui, par leur assiette, pèsent sur des facteurs de production (capital, travail) par une fiscalité qui pèse sur la pollution". Selon lui, il ne faut donc pas parler de fiscalité punitive, dénoncée par la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, mais de fiscalité de substitution.

Christian de Perthuis donne l'exemple de la Suède qui, dans les années 90, a remis à plat l'ensemble de sa fiscalité et a, à cette occasion, instauré une fiscalité écologique tout en abaissant les niveaux de prélèvements obligatoires. Cette vaste réforme fiscale n'a pas nui à la compétitivité du pays, bien au contraire.

Cette approche par la substitution renvoie à un autre débat qui n'est pas encore tranché en France : que faire du produit de la fiscalité écologique ? Alors que l'Etat est tenté de l'utiliser pour rétablir les finances publiques, le ministère de l'Ecologie et d'autres parties prenantes plaident pour l'allocation de ce produit à la lutte contre les nuisances environnementales. "Il y a une troisième voie : la réduction d'autres impôts, souligne l'économiste, ajoutant : Mais cela pose un problème de redistribution. La fiscalité écologique renvoie à cette question : qui paie, qui reçoit ?".

Selon lui, le péage urbain de Stokholm est exemplaire : "Il est très efficace car il tarifie en fonction de l'usage des véhicules, de l'heure…" mais surtout il est "efficace socialement" car il permet des investissements dans les transports en commun. L'expert regrette l'abandon de l'écotaxe poids lourd qui, justement, était une "tentative intéressante", puisqu'elle s'appuyait sur les usages. Et une part de ses recettes devait permettre d'abonder le budget de l'agence de financement des infrastructures de transport (Afitf)…

Bien que le gouvernement ait freiné ses ambitions en termes de fiscalité écologique, tout n'est pas négatif ! L'introduction d'une composante carbone dans la fiscalité française sur trois ans est "une avancée très importante", alors que les gouvernements précédents avaient échoué dans sa mise en place, estime l'expert. Il s'étonne néanmoins qu'il n'y ait pas davantage de communication sur cette réussite…

Climat : plus qu'un accord, il faut un marché mondial du carbone

Sur le climat, l'économiste estime que "si on veut réellement infléchir le rythme des émissions de CO2, il faut obtenir des engagements crédibles des gros émetteurs". La Chine, les Etats-Unis et l'Union européenne constituent à eux seuls 56% des émissions mondiales. Les dix premiers émetteurs (2) représentent 83% des émissions. Mais les engagements ne suffisent pas : "Il faut des instruments économiques puissants".

La Chaire Economie du climat, que préside Christian de Perthuis, propose deux systèmes de tarification du carbone. Le premier, réservé aux Etats, est un système de bonus-malus sur les émissions de gaz à effet de serre des pays. Ce dispositif présente deux vertus, selon lui : "Ce système permet une redistribution entre les gouvernements et incite les pays à entrer dans la mesure et le contrôle des engagements climatiques (MRV)". Le second système est destiné à l'économie. La Chaire propose de poser les jalons d'un marché transcontinental du carbone entre 2015 et 2020. Cela passerait par la mise en place d'une plateforme commune aux trois plus gros contributeurs de gaz à effet de serre et concernerait, dans un premier temps, le secteur électrique et l'industrie.

Sur l'écueil du marché carbone européen, l'économiste pose un diagnostic sans appel : "Il y a un problème de gouvernance et une absence de leadership". Il plaide donc pour une autorité de régulation indépendante, comme c'est le cas pour les monnaies.

Le bon signal prix du carbone ? A partir de 40€ la tonne de CO2, des changements significatifs sont opérés dans les choix d'investissement. Autour de 60-65€ la tonne, le captage et le stockage de carbone (CCS) commence à être rentabilisé et des effets massifs de substitution ont lieu dans l'industrie, du charbon vers la biomasse, les énergies renouvelables.

1. Visionner l'audition du 19 novembre
http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video25449.html
2. Chine, Etats-Unis, Union européenne, Inde, Russie, Japon, Corée du Sud, Iran, Arabie Saoudite

Réactions12 réactions à cet article

Le problème du charbon est que, dans l'état actuel et futur on ne pourra pas s'en passer. Ce n'est pas tout, etant donné les besoins colosssaux en carburants il est VAIN de croire que la biomasse puisse suffire: c'est un problème d'ordres de grandeur. La captation du CO2 est possible, elle augmente considérablement la DEPENSE d'ENERGIE. Le devenir des stockage est un problème en suspens: quelle stabilite dans le temps pour ce gaz ACIDE? Si cette énergie provient de combustibles fossiles on n'aura fait qu'empirer le problème. Les EnR INTERMITENTES n'apportent pas LA solution, elles sont une contribution utile, avec beaucoup d'inconvénients. Etant des énergies diffuses elles demandent la multiplication des installations et occupent ou neutralisent des vastes surfaces. Il suffit de voir l'opposition aux éoliennes.
La seule solution possible réside dans les économies d'énergies, la limitation du transport maritime de biens qui peuvent être fabriqués SUR PLACE (trafic Chine-Europe et Chine-Amérique)
Au niveau national instituer comme priorité absolue le raccourcissement des trajets IMPOSES aux automobilistes par des iresponsables. Cela ne sera possible QUE le jour ou les revenus de l'état sur les CARBURANTS aura été rabaissé. Aujourd'hui, il faut en être conscient, plus on consomme de carburant plus l'état recolte de l'argent: pourquoi prendrait-il des mesures pour PERDRE ces revenus?. Là est le coeur du problème!
L'autre volet d'économie et l'isolation thermique....

ami9327 | 19 novembre 2014 à 17h25 Signaler un contenu inapproprié

alors pourquoi avec la fiscalité écologique finances t'on les éoliennes ???
qui ,tout le monde le sait, marche en couple avec le charbon et gaz !
Une fiscalité écologogique pour protéger notre environnement , pour le mieux vivre , pour lutter contre le réchauffement , pour limiter le gaspillage ....oui ....mais comment pouvons nous vous croire Mr de perthuis avec de tels incohérences politiques ... ils ne sont pas crédibles ...et ne font que du clientélisme

carl | 19 novembre 2014 à 18h41 Signaler un contenu inapproprié

C'est le citoyen de base qui au final va payer l'addition. Taxer taxer et taxer encore c'est la devise de l'écolo-politique. Sauf que les citoyens en ont marre de payer sans savoir à quoi servira l'argent. Rond points inutiles, éoliennes inutiles etc...

ITC78 | 19 novembre 2014 à 19h46 Signaler un contenu inapproprié

Oui, c'est le coeur du problème, les états sont drogués au pétrole, les recherches pétrolières et de gaz de shiste s'accèlèrent, cherchez l'erreur ! la solution : trouver une énergie gratuite et illimitée, scénario de science fiction, mais qui casserait la dépendance polico économique aux énergies carbonées et permettrait l' émergence d'une nouvelle société...Ce ne serait pas l'atome, car si le risque carbone était écarté, le risque d'irrdiation planétaire ne le serait pas, "la sûreté du nucléaire" n'étant qu'un leurre pour les gogos. En admettant que cette énergie ait été découverte, aurait elle droit de citer face aux intérêts colossaux du monde pétrolier. Alors pas étonnant que tout avance trés trés lentement. Les catastrophes avenir liées au réchauffement climatique ne semblent pas émouvoir grand monde, "Dieu préservera les siens"

Rila | 20 novembre 2014 à 08h25 Signaler un contenu inapproprié

J'aurai du respect pour les écologistes qui veulent taxer la modernité le jour où ils vivront dans des cavernes sans chauffage, ni éclairage et qu'ils iront cultiver un jardin bio à pied pour se nourrir.

Quant aux politiques qui veulent toujours plus réglementer la vie de ceux qui produisent pour les nourrir, je serais tout simplement d'avis de les laisser se débrouiller pour gagner leur pain.

Tuladanlos | 20 novembre 2014 à 11h10 Signaler un contenu inapproprié

L''urgence est de mettre en place une fiscalité visant à entraîner l'économie d'énergie chez les utilisateurs. Celui qui investit doit avoir un intérêt à court terme de le faire.
Pour le reste il ne semble pas urgent d'investir à tort et à travers dans tout un tas de solutions plus ou moins stabilisées. Il pourrait être sage d'expérimenter à petite échelle avant de se lancer dans la grosse production.
Mais il est vrai qu'un tel choix conduit à créer un petit nombre d'emplois hautement qualifiés alors qu'on a envie de créer un grand nombre d'emploi de faible et moyenne qualification.

Jean-Claude Herrenschmidt | 20 novembre 2014 à 18h13 Signaler un contenu inapproprié

@rila
L'eau est gratuite et abondante mais nous payons (Véolia et Suez) pour l'avoir au robinet
Le pétrole est gratuit et encore abondant, mais nous payons (toute la chaine de l'extraction jusqu'à la pompe) pour en disposer à notre guise
L'uranium est gratuit mais nos payons (EDF AREVA et Suez) pour recharger notre téléphone portable. et notre ballon d'eau chaude sanitaire
Le vent est gratuit mais nous payons (EDF, AREVA et Suez) encore plus cher l'électricité (2 à 4 fois plus)
Remarquez avec de l'uranium ou du vent nous payons les mêmes opérateurs.(mais comme l'éolien est hyper rentable à cause des prix de rachat garanti 20 ans, on veut en mettre partout)
Il n'y a pas d'erreur, on nous mène par le bout du nez en nous expliquant que le taxes sont nécessaires et que nous devons payer.
Les risques et les dangers liés à toute activité sont les chiffons rouges qu'on agite pour nous aider à accepter les ponctions, les gaspillages et les trains de vie de ceux qui nous enfument
IL n'y qu'une sortir possible c'est d'économiser chacun un peu pour monter qu'on est pas dupe (possible sans se priver)
On peut aussi se poser la question de la taxation de l'air que nous respirons car il rejette du C02 et nos rots du méthane sans compter les particules et autres odeurs soufrées chargées de polluants organiques peut être toxiques....

ITC78 | 20 novembre 2014 à 22h36 Signaler un contenu inapproprié

Heureusement pour vous que la bêtise n'est pas taxée, Itc 78,tuladanlos.

lio | 21 novembre 2014 à 12h49 Signaler un contenu inapproprié

@lio
merci de préciser sur quelle partie de mon post vous voudriez que je sois taxé
C'est vrai contrairement à mon habitude, je me suis un peu "laché "au dernier paragraphe. (oups excusez moi)... quoique une idée de taxe écolo-politique?
Savez vous que l'on a imaginé de mesurer le volume de méthane dégagé par la panse des ruminants et c'est pas une blague.

ITC78 | 21 novembre 2014 à 21h41 Signaler un contenu inapproprié

Il me semble que M.de Perthuis transforme à son avantage le concept "d'écologie punitive", réprouvé à plusieurs reprises par Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, lorsqu'il écrit que la ministre dénoncerait la "fiscalité punitive", ce qui ne serait pas mal non plus mais est inexact. Lapsus calami? admettons.

Madame Lio, vous me décevez: C'est la première fois en ce qui me concerne que je vous vois sortir de vos gonds. Vos traits sont d'habitude empreints d'humour et assez bien ajustés.

ITC78 et Tuladanlos ne sont pas si bêtes et l'économie qu'ils prônent est aussi celle que vous prônez; réfléchissez bien: ITC78 et Tuladanlos ne sont pas bêtes lorsqu'ils suggèrent aux consommateurs de moins dépenser et d'influer ainsi sur l'équilibre de la balance. Pour l'Homme, se protéger lui-même va bientôt s'avérer plus important que de protéger les écrevisses, les lamproies ou les crapauds flûteurs (on leur construit de pharaoniques habitats et passes à poissons). S'ériger en client volontairement plus économe est une faculté dont le consommateur peut disposer. Prendre conscience de cette puissance et l'exercer en vue de réduire la consommation humaine, n'est-ce pas aussi, Mme Lio, votre propre souhait?

S'il vous plait, n'insultez pas ainsi vos contradicteurs. La violence verbale est aussi la preuve de l'incompétence (I. Asimov). Et si ITC78 et Tuladanlos étaient "bêtes", vous le seriez aussi, ayant sur le fond les mêmes objectifs qu'eux.
Euplectes

Euplectes | 21 novembre 2014 à 21h50 Signaler un contenu inapproprié

@ITC78. Vous n'avez que raison. Mais vous allez un peu vite sur la fin. Évidemment que c'est le consommateur qui paye. Directement en faisant ses achats (TVA), indirectement avec tous ses impôts. Le consommateur paye : le riche comme le pauvre. Si c'est ça que vous visez, il faut être plus clair. Ce qui est indigne, ce n'est pas que les riches gagnent de l'argent, beaucoup d'argent; c'est que les pauvres n'en gagnent pas assez. Or rien ne s'oppose à ce que les revenus les plus modestes soient augmentés sinon la cupidité des plus aisés. C'est écrit partout. Tous le monde, sauf eux bien entendu, réclame à corps et à cris qu'ils payent plus d'impôts et qu'ils n'aillent pas dans les paradis fiscaux. C'est une mauvaise solution. Il faut qu'ils acceptent de récupérer moins au profits des plus défavorisés. En 1789, les défenseurs du peuple avaient bien compris cela. Il est vrai qu'ils étaient puissamment aidés par les petits bourgeois qui voulaient avoir leur part de privilèges.

Jean-Claude Herrenschmidt | 24 novembre 2014 à 11h33 Signaler un contenu inapproprié

@Euplecte. On peut discuter de l'intérêt qu'il y a à protéger l'espèce humaine plus qu'une autre.
La difficulté, semble-t-il, c'est que la protection de notre espèce passe par celle de la biosphère toute entière, y compris donc de celle des êtres qui paraissent les moins nécessaires à son équilibre.

Jean-Claude Herrenschmidt | 24 novembre 2014 à 11h59 Signaler un contenu inapproprié

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