Alors que le troisième appel à projets pour les transports en commun en site propre (TCSP) se clôture le 15 septembre, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a formulé vendredi 6 septembre ses recommandations au gouvernement pour sélectionner des projets "pertinents" traduisant "les besoins concrets" des utilisateurs.
Le ministre en charge des Transports Frédéric Cuvillier a lancé le 7 mai dernier un troisième appel à projets "transports collectifs et mobilité durable" pour les villes de province et d'outre-mer, doté de 450 millions d'euros financés par l'Etat. Pourront être subventionnés les projets de métro, de tramway, de tram-train, de bus à haut niveau de service (BHNS), de navette fluviale ou maritime mais aussi les projets de transport par câble ou crémaillère, les investissements se rapportant au vélo. Une enveloppe sera également dédiée aux actions "innovantes" en matière de mobilité durable. Tandis que les dossiers seront remis le 15 septembre, les résultats doivent être annoncés en décembre 2013. Les travaux des projets retenus devront quant à eux débuter avant la fin 2016.
Si Jean Sivardière, président de la Fnaut, regrette le lancement tardif de cet appel à projets "qui aurait dû intervenir dès 2012", il note toutefois "avec intérêt qu'il ne concerne pas que des projets d'infrastructures stricto sensu et que l'articulation transport-urbanisme devra être prise en compte, ce qui peut donner lieu à des initiatives intéressantes". La fédération souhaite "que cette initiative soit renouvelée régulièrement".
Mais la Fnaut déplore des subventions "en baisse" par rapport aux deux précédents appels à projets : en 2009, le premier appel à projets a débloqué 800 millions d'euros pour financer 50 projets de lignes tandis qu'en 2011, le second a subventionné à hauteur de 590 millions 78 projets supplémentaires. Le cumul des trois appels à projets se monte donc à 1,8 milliard d'euros alors que le Grenelle de l'Environnement prévoyait une enveloppe de 2,5 milliards d'euros d'ici à 2020 pour développer les TCSP.
Des transports innovants mais inutiles
La fédération critique également la sélection de précédents projets de transport privilégiant des "innovations hasardeuses", des "techniques aventureuses", et donc jugés inutiles. Et de pointer les "fiascos" du tramway sur pneu à Nancy et à Caen ou encore du bus à guidage magnétique à Douai "qui ne sert pas à grand-chose", a souligné Jean Sivardière. "Le guidage des bus n'apporte pas grand-chose aux usagers par rapport à la conduite classique alors que le surcoût du matériel est considérable". Si le tramway aérien (ou aérotram) peut être considéré comme "fiable", son créneau d'utilisation est cependant "très étroit" (jonction entre quartiers dénivelés, franchissement d'obstacles naturels). Adapté qu'à des itinéraires rectilignes, il ne représente pas "un outil miracle" de report modal, selon la fédération.
Alors quels sont les critères de sélection proposés par la Fnaut pour des prochains projets "pertinents", "cohérents" et éviter "des gaspillages d'argent public" ? L'aide de l'Etat aux collectivités locales "doit être conditionnée à la qualité des projets", insiste Jean Sivardière. "Seuls doivent bénéficier d'une aide de l'Etat les projets fiables techniquement, dimensionnés pour l'avenir et aptes à provoquer un report de trafic automobile sur le transport collectif", précise-t-il. Il s'agit d'anticiper les demandes futures de transport en commun "qui pourraient exploser d'ici à vingt ans sous l'effet de contraintes nouvelles ou d'évolutions de la société : la dévalorisation de l'image de la voiture chez de nombreux citadins, la diminution du pouvoir d'achat", ajoute-t-il.
Autre piste de financement : l'introduction d'un péage urbain "légalisé dans toutes les agglomérations. Le seuil retenu dans la loi Grenelle 2 de 300.000 habitants n'a aucun sens", estime la Fnaut. Disposer de financements "consistants est indispensable à des choix rationnels : des moyens étriqués peuvent en effet inciter certains élus, pour limiter les dépenses immédiates, à retenir une technique insuffisamment efficace", réitère M. Sivardière.
Privilégier le tramway classique
La fédération estime donc qu'il faut privilégier le métro, le tramway "classique" ou encore le bus à haut niveau de service (BHNS) suivant l'importance du trafic potentiel. Le paramètre "significatif" est le volume de la clientèle à transporter à l'heure de pointe sur le tronçon le plus chargé de la ligne. Attention, prévient toutefois la fédération : il faut éviter, dans les grandes villes, de remplacer le tramway par les BHNS (comme à Toulon ou à Metz) qui ont représenté plus de la moitié des projets financés en 2011. La Fnaut s'inquiète en effet de voir des collectivités éliminer le tramway ou tram-train initialement retenu au profit d'un BHNS moins onéreux mais de moindre capacité (Toulon, Béthune et Lens) ou, "pire encore, au profit de la route" (nouvelle route du littoral de La Réunion), ou "négliger les emprises ferroviaires disponibles malgré leur vocation ferroviaire évidente" (Paris et la petite ceinture, Nancy).
En cas de doute entre tramway et BHNS, la Fnaut estime qu'"il faut retenir le tramway : forte capacité, rendement croissant avec le volume du trafic, faible consommation d'énergie, absence de pollution atmosphérique locale". Les projets de transports retenus doivent répondre "à un objectif ambitieux de rapidité et ponctualité" à l'instar du tramway, selon elle. L'objectif est d'assurer des vitesses commerciales aux heures de pointe d'au moins 20/22 km/h en périurbain et 16/18 km/h dans les centres villes, chiffre la fédération. Il s'agit donc d'offrir une qualité de service pour les usagers : les lignes de transports en site propre doivent desservir l'agglomération et pas seulement le centre ville, renforcer le maillage du réseau de transport collectif existant mais aussi favoriser les pôles d'échanges multimodaux : "correspondances faciles avec la voiture par des parcs-relais en périphérie, avec la bicyclette par des véloparcs près des stations importantes", souligne la Fnaut.
Autre projets susceptibles d'être sélectionnés : "les techniques peu usitées mais bien éprouvées" telles que le trolleybus (Lyon, Limoges) et le funiculaire, ajoute la fédération.