
Si les doutes se font toujours plus nombreux quant à l'intérêt des agrocarburants de première génération, un consensus semble en revanche émerger pour mener des recherches sur ceux de seconde génération. Contrairement aux agrocarburants utilisés à l'heure actuelle qui utilise surtout le sucre et l'amidon et qui ne sont produits qu'à partir de certains éléments des plantes (graines ou tubercules), ceux de seconde génération peuvent être produits à partir de plantes entières. Il deviendrait alors possible de valoriser tous les déchets organiques et de dédier certaines cultures non alimentaires uniquement à la production de carburants. Théoriquement, les bilans énergétique et environnemental de cette filière seraient bien meilleurs et certains inconvénients reprochés aux agrocarburants de première génération comme la concurrence avec la production alimentaire, deviendraient caducs.
Sur le plan technico-économique et environnemental, ces nouveaux procédés de conversion de la biomasse utilisant essentiellement des ressources de type lignocellulosique (déchets agricoles, résidus de bois) nécessitent d'être optimisés et validés sur des installations de démonstration préalablement au lancement industriel de ces productions. Il s'agit donc de préparer les procédés et les conditions de production de biocarburants à moyen et long terme.
Pour produire ces agro(redevenus bio ?)carburants de seconde génération, deux voies sont possibles. La première ''par voie biochimique, qui servirait pour les moteurs à essences, vise à produire de l'éthanol à partir de végétaux dont on aura fait fermenter le sucre en alcool, explique Slavik Kasztelan directeur adjoint du centre de résultats Raffinage-Pétrochimie à l'IFP. La seconde ''par voie thermochimique, consiste à produire un carburant de synthèse liquide pour les moteurs diesels à partir de la biomasse en la gazéifiant''.
Bioéthanol par voie biochimique
C'est la voie biochimique que le projet Futurol a choisi de développer. Ce démonstrateur retenu début 2008, mobilise au total 72 M€ financés par des fonds publics (Oséo Innovation) à hauteur de 40 %. Mobilisant 11 partenaires publics et privés1 sur une durée de 8 ans, il comporte une phase pilote, suivie d'une phase prototype. L'installation pilote doit être construite sur le site agro-industriel de Pomacle-Bazancourt (Marne). Les objectifs : mettre sur le marché un procédé, des technologies et des produits (enzymes et levures) permettant de produire du bioéthanol à un prix ''compétitif'' grâce à une matière première diversifiée (coproduits agricoles, biomasse forestière, cultures dédiées, ...) et obtenir ''les meilleurs bilans énergétiques et de gaz à effet de serre (GES) possibles'' sur l'ensemble de la chaîne de production. Le programme d'expérimentation inclut à la fois la problématique de la ressource (systèmes de culture, amélioration des variétés, bilans environnementaux…), du prétraitement (broyage, catalyseurs, séparation), de l'hydrolyse (optimisation du procédé, sélection des souches d'enzymes), de la fermentation (pentoses, minimisation des inhibiteurs, valorisation du CO2). ''Pour que les choses soient rentables, il y'a encore du travail mais on a de bonne raison de penser que le projet va marcher, estime Antoine Margeot, Ingénieur de Recherche au Département de Biotechnologie de l'IFP. La preuve du concept est faite, on arrive à faire du sucre. Il y'a encore des verrous technologiques (diminution du coût de production des enzymes notamment) mais aucun n'est infranchissable''.
Biodiesel par voie thermochimique
Avec Futurol, la France s'est dotée d'une plate-forme recherche et de démonstration sur la voie biochimique. En revanche, la voie thermochimique ne bénéficiait pas encore de démonstrateur de recherche au contraire par exemple de l'Allemagne. La raison : ''les technologies sont coûteuses en investissement'', précise Slavik Kasztelan.
Pour autant, dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt, le projet Bio-T-Fuel vient d'être sélectionné. Porté par le consortium SOFIPROTEOL, CEA, IFP, Axens et Total, le projet, d'un coût global de 112 millions d'euro, a été approuvé par le Conseil d'Administration de l'ADEME le 7 octobre dernier et recevra une aide de 33 millions d'euros. Il s'appuie sur la production de biodiesel liquide à partir de biomasse lignocellulosique (bois, paille, déchets…). Selon l'ADEME, cette expérimentation devrait ''permettre de disposer d'éléments d'évaluation nécessaires pour juger de l'opportunité d'un déploiement de cette filière''. Une analyse de cycle de vie « du champ au réservoir » devrait être conduite de manière à permettre d'analyser dans quelles conditions les biocarburants de cette filière peuvent contribuer à répondre aux défis environnementaux. Le projet prévoit la construction de deux sites industriels, dont un à Compiègne (Oise), l'autre sur ''site industriel existant'' de Total, qui a proposé un financement représentant 30 % des apports demandés aux partenaires. La phase de développement sera finalisée en 2015, pour une production industrielle effective à partir de 2020.
Reste que pour FNE, Bio-T-fuel est prématuré. ''Le Gouvernement ne peut […] justifier le projet de production d'agrocarburants de deuxième génération en parlant d'expérimentation dès l'instant où nous ne disposons pas du recul nécessaire sur les agrocarburants de première génération, estime la fédération d'associations dans un communiqué. ''Qu'il s'agisse d'expérimentation ou de production, le résultat est le même: la France se lance dans les agrocarburants sans le recul nécessaire''. La Fédération demande donc le gel de tout développement industriel des agrocarburants, qu'ils soient de première ou de deuxième génération, tant que leur intérêt environnemental et énergétique n'aura pas été démontré.
Alors Bio-T-Fuel : pas si beau que cela ?