Quel pourrait être le renouveau de la gestion des forêts bordant les cours d'eau, les ripisylves?
Fragmentées, parfois fragilisées par des entretiens inadaptés -coupes à blanc, suppression systématique des embâcles- et la pression d'espèces envahissantes, ces espaces sont en grande partie dégradés.
Lors de la journée technique, organisée notamment par l'Astee et l'AFB, les intervenants ont pu, au fil des échanges, lister les évolutions à engager pour améliorer leur gestion.
Si de nombreux guides décrivent les ripisylves, détaillent leur fonctionnement et les mesures de gestion à mettre en œuvre, ces espaces ne sont en revanche pas abordés en tant que tel dans la réglementation.
«La vision sur les ripisylves est différente, selon qu'elle émane du technicien, du scientifique, de l'administration ou du gestionnaire», a constaté André Evette, ingénieur chercheur à l'Irstea sur la restauration écologique des berges de cours d'eau.
Ces écotones ne bénéficient pas non plus de mesures spécifiques de protection. Certains acteurs ont donc souligné l'intérêt de définir les ripisylves pour améliorer leur reconnaissance par tous. «Quand on parle de ripisylve, nous restons souvent limités au lit du cours d'eau et à une bande restreinte», a remarqué Simon Dufour, enseignant chercheur à l'Université Rennes 2 spécialisé dans les hydrosystèmes fluviaux.
Redéfinir l'obligation d'entretien des cours d'eau
Des intervenants ont appelé à une évolution des pratiques. «Les solutions proposées sont souvent trop systématiques, sous forme de catalogues, et ne favorisent pas une approche au cas par cas, a noté Olivier Guerri, responsable de la mission études et expertise, adjoint au directeur de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne. Elles s'avèrent dé-responsabilisantes, lorsque nous nous substitutions au riverain, ou non durables, car trop peu ont recours aux processus naturels ou spontanés».
Une des propositions envisagées: revoir l'obligation réglementaire d'entretien des cours d'eau.
Certains acteurs ont également pointé un besoin de formation et d'acculturation au sujet de ces services, qu'ils soient de l'État - directions départementales des territoires, direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, etc. - ou que ce soient les équipes sur le terrain.
Trouver un équilibre entre protection des ripisylves et parade des inondations
Pour Hervé Piegay, directeur de recherche sur les systèmes fluviaux des Alpes et de leur piémont, à l'École normale supérieure de Lyon, une des clefs passe par la définition des enjeux de risque et de biodiversité par secteur; l'autre, par la définition d'objectifs clairs qui permettent de moduler la fréquence et l'intensité de l'intervention. «Il reste des enjeux de connaissance pour gérer le risque: nous devons connaître la dynamique du bois. Mais nous ignorons le débit liquide», a souligné Hervé Piegay.
Il propose également la mise en place de structure de rétention du bois et l'identification des points sensibles à la formation d'embâcles. «En Suisse par exemple, il existe des ponts qui se lèvent lors des crues pour laisser passer les bois», a illustré Hervé Piegay.
Plusieurs intervenants ont considéré que la gestion des ripisylves devrait être approchée de manière plus globale. «Il faudrait renforcer la coordination pour résoudre le problème de manque de cadre de travail collectif», a estimé Olivier Guerri.
Donner une « valeur»aux ripisylves?
Des acteurs ont souligné un nécessaire ajustement des aides, notamment aux agriculteurs, pour mieux prendre en compte le fonctionnement des ripisylves.
Des intervenants ont également pointé la question du financement des opérations de renaturation des ripisylves. « Le financement est toujours compliqué car les actions sont difficilement valorisables directement et rapidement, a pointé le responsable de la mission études et expertise de l'établissement public territorial du bassin de la Dordogne. Les élus ou la société n'acceptent pas facilement un investissement sur quelque chose de non rentable ». Pour lui, il faudrait faciliter le financement de ce type de projets avec, par exemple, un maintien des aides des agences de l'eau, le déplafonnement des aides publiques, etc.
Autre option : valoriser ces espaces. « Il faut donner une valeur d'existence aux ripisylves, par exemple en mettant l'accent sur leur fonction récréative, etc. » a proposé Simon Dufour.
La maîtrise foncière, un levier?
Une autre difficulté pointée également par les établissements publics: la grande variabilité des prix pour les propositions de travaux et la nécessaire justification d'offres anormalement basses.
Parmi les pistes avancées pour faciliter la restauration et la conservation, plusieurs intervenants ont souhaité le développement d'outils de maîtrise foncière.
«Il existe une servitude pour créer ou restaurer des espaces de mobilité du lit mineur: cette disposition permet de déterminer un espace que nous n'avons pas le droit de protéger contre l'érosion, a réagi Claire-Cécile Garnier. Elle figure dans la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages du 30 juillet 2003. Elle n'a toutefois été très utilisée.»
Schéma régional de cohérence écologique, schéma d'aménagement et de gestion de l'eau, plan local d'urbanisme (PLU): certains documents s'appuient déjà sur des dispositions existantes pour faire remonter les enjeux écologiques. En outre, la Gemapi vise la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.
«Nous sommes à plus de 1.000 hectares d'acquisition, a souligné Bruno Forel, président du syndicat mixte d'aménagement de l'Arve et ses affluents. Si vous déterminez une trame turquoise en précisant que cela peut être une protection des zones humides et alluviales, et que vous l'ajoutez au PLU, vous faites du droit de préemption écologique».