"Sortir l'érosion de la biodiversité de l'indifférence générale et obtenir en 2020 la mise en place d'un cadre international ambitieux pour la reconquête et la protection de la biodiversité dans le monde." Cet objectif constitue l'un des cinq axes du plan biodiversité que Nicolas Hulot doit présenter cet été après avoir lancé la mobilisation le 18 mai à Marseille. Cette stratégie internationale a été précisée à l'occasion d'un atelier des huitièmes Assises nationales de la biodiversité qui se tenaient du 13 au 15 juin à Valenciennes (Nord).
La France fait face à un agenda chargé et plein d'opportunités pour porter cette ambition d'ici la 15e conférence des parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui doit se tenir en novembre 2020 en Chine. C'est lors de cette conférence internationale que vont être révisés les objectifs d'Aichi fixés en 2010.
Ambition contredite par des décisions récentes
Parmi ces objectifs, qui constituent le cadre de l'action internationale en faveur de la biodiversité, figurent la division par deux du taux de perte des habitats naturels, la création d'aires protégées sur 17% des surfaces terrestres et 10% des zones maritimes et côtières, ainsi que la restauration d'au moins 15% des espaces dégradés. On sait déjà que ces objectifs ne seront pas tenus. Les rapports alarmants publiés en mars dernier par la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco-systémiques (IPBES) sont là pour le prouver. Ces rapports, établis par plus de 500 experts du monde entier, montrent que, loin d'être enrayé, le déclin de la biodiversité se poursuit "dangereusement".
"La France veut un cadre plus ambitieux et plus opérationnel des objectifs d'Aichi", explique Jean-Marie Quéméner du ministère de la Transition écologique, déplorant que certains des objectifs existants ne soient pas chiffrés. "Nous souhaitons faire émerger des actions au regard des sujets de préoccupation majeure que sont les pesticides, l'artificialisation des sols avec la fixation d'un objectif ambitieux de zéro perte nette et l'implication de la société civile", explique le chef de la mission Europe et international à la direction de l'eau et de la biodiversité. Une ambition louable contredite toutefois par plusieurs décisions récentes et à forte valeur symbolique du gouvernement. C'est le cas du refus d'inscrire l'interdiction du glyphosate dans la loi ou de l'autorisation d'exploiter accordée à la bioraffinerie Total de La Mède qui va contribuer à la déforestation des pays exportateurs d'huile de palme.
Agenda des solutions pour la biodiversité
"Des enjeux supplémentaires doivent également être pris en compte : l'empreinte écologique globale des pays, le lien avec les conflits et les migrations, ainsi que les services rendus par les sols", plaide Florence Clap du comité français de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN). La représentante de l'ONG soutient "la fixation d'un objectif scientifique global, à l'instar du 1,5°C de l'Accord de Paris en matière de climat", en ne sous-estimant pas les nombreuses questions scientifiques que cela sous-tend.
"Il faudrait aussi que les Etats présentent leur contribution nationale pour 2020 en s'inspirant d'autres processus internationaux", ajoute Mme Clap, songeant là aux stratégies nationales (NDC) portées dans le cadre des négociations climat.
"La France veut aussi obtenir une mobilisation par l'action", explique Jean-Marie Quéméner. Paris souhaite en effet construire un "agenda des solutions" fédérant les différentes initiatives non-étatiques, sur l'exemple, là aussi, de la COP21.
Ballons d'essai lors de la COP14
Pour porter cette ambition et mobiliser les chefs d'Etat sur ces questions, "la France travaille sur l'agenda international de la biodiversité", indique le représentant du ministère de la Transition écologique. La diplomatie française va donc lancer des ballons d'essai durant la COP14 qui aura lieu à Sharm El-Sheik en Egypte en novembre prochain en vue d'obtenir un accord ambitieux lors de la conférence chinoise de 2020.
D'autres dates importantes jalonnent ce calendrier. La France va en effet accueillir en avril 2019 la septième session plénière de l'IPBES durant laquelle sera divulguée une évaluation globale de la biodiversité et des services écosystémiques. En 2020, Paris présidera le G7 et "une séquence ad hoc sera dédiée aux enjeux de la biodiversité", révèle Jean-Marie Quéméner. Enfin, Marseille accueillera en juin 2020 le congrès mondial de la nature de l'UICN. "C'est une caisse de résonance de la société civile sur la biodiversité", indique le fonctionnaire. "Des motions seront votées à l'attention des Etats et de l'UICN elle-même", ajoute Florence Clap. Motions qui pourront alimenter les prises de décision lors de la COP15, sachant que l'UICN est déjà à l'origine d'accords internationaux comme la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites).
"La France ne négocie pas seule mais à travers l'Union européenne qui représente les 27 Etats membres", tient aussi à préciser M. Quéméner, qui attire l'attention sur les outils européens existants : les directives Habitats et Oiseaux, ainsi que les politiques communes de la pêche (PCP) et de l'agriculture (PAC). "Les enjeux actuels sur la révision de la PAC sont majeurs", pointe à cet égard le représentant du ministère, qui rappelle la volonté de la France de verdir cette politique commune. Contrairement à la convention sur la diversité biologique qui relève d'un droit "relativement mou", l'UE traduit les engagements qu'elle prend dans des textes parfois très contraignants. Et le fonctionnaire de citer le règlement sur le partage des avantages issus des ressources génétiques (APA), qui applique le protocole de Nagoya. Règlement que... la France peine à mettre en oeuvre.