Les fumées de soudage avaient déjà été classées cancérogènes avérés en 2018 par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) pour ce qui concerne le cancer du poumon. Pour le cancer du rein, les preuves restaient limitées.
« Des études postérieures permettent aujourd'hui de conclure à des preuves suffisantes pour le cancer du larynx et à des preuves limitées pour les cancers de la cavité buccale et nasosinusiens », indique l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses) à l'occasion de la publication de son rapport d'expertise (1) sur cette question. L'établissement public émet, dès lors, plusieurs recommandations à l'attention du gouvernement.
Particules métalliques cancérogènes
Les fumées de soudage sont composées de gaz, mais également de particules métalliques dont certaines sont cancérogènes. « Quatre-vingt-quinze pour cent des constituants des fumées de soudage proviennent des produits d'apport et moins de 5 % sont issus du matériau de base », rappelle l'expertise. L'exposition professionnelle est difficile à évaluer car les travailleurs ne mettent en œuvre que rarement une seule technique de soudage durant leur carrière. Selon l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), il existerait 140 procédés différents. Outre le soudage à proprement parler, des techniques connexes telles que le brasage fort, le gougeage, l'oxycoupage, la projection thermique et le rechargement émettent également des fumées métalliques.
De plus, « la composition et la quantité de fumées émises par les procédés de soudage auxquelles sont exposés les soudeurs diffèrent en fonction de nombreux paramètres : types de procédés et d'électrodes mis en œuvre, composition des pièces à souder et des produits d'apport, paramètres de soudage (intensité, tension, débit et composition des gaz protecteurs…), etc. », souligne l'expertise de l'Anses.
Inscrire l'ensemble des travaux exposant aux fumées
Compte tenu de l'impossibilité d'imputer un risque de cancer à un type de procédé de soudage, l'Anses recommande au gouvernement d'inscrire l'ensemble des travaux exposant aux fumées de soudage, ou aux fumées métalliques des procédés connexes, sur la liste des substances, mélanges ou procédés cancérogènes au sens du Code du travail. Pour ces derniers, qui sont fixés par arrêté ministériel, les employeurs doivent mettre en place des dispositions particulières en termes d'évaluation des risques, de mesures, de moyens de prévention, de contrôle d'exposition et d'information-formation des travailleurs.
« Cette recommandation permet également d'inclure les professionnels dont la soudure n'est pas l'activité principale, ainsi que les travailleurs exposés de façon passive de par leur présence à proximité de personnes effectuant des opérations de soudage », explique Dominique Brunet, cheffe de l'unité de l'évaluation des valeurs de référence et des risques des substances chimiques à l'Anses.
Dans la foulée, l'Agence de sécurité sanitaire recommande aussi d'actualiser l'annexe I de la directive européenne du 29 avril 2004 relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes et mutagènes au travail. À l'heure actuelle, celle-ci prévoit une valeur limite de 0,025 mg/m3 pour les seuls composés de chrome VI cancérigènes présents dans les fumées issues du soudage ou du coupage au jet de plasma.
« Le niveau d'empoussièrement dans les locaux de travail peut être très élevé et atteindre plusieurs dizaines de mg/m3, rappelle l'INRS. En France, la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) sur huit heures pour la totalité des particules composant les fumées de soudage est de 5 mg/m3. Les valeurs limites d'exposition professionnelle de chaque constituant des fumées doivent également être respectées. »
Former et sensibiliser employeurs et salariés
Les experts de l'Anses recommandent aussi de réaliser une évaluation du risque de cancérogénicité au moins chaque année, de mettre en place un suivi des expositions professionnelles, ainsi que d'informer et de former le personnel à l'utilisation de protections collectives et individuelles (EPI) adaptées. « Il s'agit de former et sensibiliser les employeurs et les salariés à l'utilisation des procédés les plus adaptés et les moins émissifs selon les opérations de soudage à effectuer. Capter les fumées à la source et surveiller les expositions sont également des actions à mettre en place », indique Dominique Brunet.
Ces recommandations sont d'autant plus importantes que, selon l'enquête Sumer de 2017, 528 000 salariés, soit 2,1 % des salariés français, sont exposés aux fumées de soudage, qu'il s'agisse de soudeurs proprement dits ou de travailleurs dont la soudure n'est pas l'activité principale. « La construction, l'installation et la réparation de machines et d'équipements, la réparation de véhicules ou encore la métallurgie sont autant de secteurs d'activité concernés », rappelle l'Anses.
Et la vigilance est d'autant plus importante que l'activité de soudage peut présenter d'autres effets sur la santé que le seul risque cancérogène. Les fumées de soudage peuvent en effet « induire des effets respiratoires aigus (irritation des voies aériennes, fièvre des métaux, etc.), des effets respiratoires chroniques (pneumoconioses, asthmes, bronchites, etc.) et des affections au niveau du rein et du système nerveux central », rapporte l'expertise. Au-delà des fumées, l'activité de soudage émet des radiations UV classées « cancérogène avéré » par le Circ en raison de l'induction de mélanomes oculaires. Par conséquent, l'Anses recommande également de mener une expertise plus globale sur les rayonnements UV incluant les sources naturelles et industrielles.