"Le remplacement du gaz fossile par du gaz renouvelable relève encore largement du pari. Si celui-ci réussit, il ne sera pas difficile de trouver des débouchés", pointe un rapport de France Stratégie. "Dans le cas contraire, si on ne réduit pas suffisamment à temps les usages du gaz fossile, la neutralité carbone ne pourra pas être atteinte en 2050" précise t-il.
Rédigé par Dominique Auverlot et Etienne Beeker, ce document s'interroge sur la place pour le gaz dans la transition énergétique. Ce rapport intervient alors que la programmation pluriannuelle de l'énergie devrait désormais être publiée en octobre.
Pour les auteurs, le gaz d'origine fossile étant à l'origine en France de 20% des émissions de gaz à effet de serre, sa réduction constitue un bon levier pour atteindre la neutralité carbonne.
"Le mix de production d'électricité est aujourd'hui déjà très décarboné, avec un petit nombre de centrales à charbon encore en fonctionnement jusqu'en 2022 et un volant résiduel de centrales au gaz", considèrent-ils. La baisse des émissions de gaz serait compensée par une hausse du gaz renouvelable.
Développer des unités de méthanisation de petites tailles
Ces derniers ont identifié trois usages qui répondent à ces conditions : les transports, la production "d'électricité flexible" - en assurant l'équilibre offre-demande d'électricité lors des périodes insuffisamment ensoleillées ou ventées - et l'industrie.
Dominique Auverlot et Etienne Beeker ont également analysé trois technologies pour produire ce gaz décarboné : la biométhanisation qui utilise les déjections animales et les résidus d'origine agricole, la pyrogazéification (définition) qui permet de transformer le bois en gaz et la méthanation qui passe par une combinaison de CO2 et d'hydrogène électrolytique pour synthétiser du gaz.
Ils mettent en avant plusieurs obstacles à leurs développements. Ainsi, la méthanisation implique que l'agriculteur acquière de nouvelles compétences et investisse dans son installation des sommes comprises entre 200 à 800 k. "En comparaison du prix du gaz sur le marché européen (environ 20 €/MWh), son coût de production, voisin de 85 à 100 €/MWh, et son tarif de rachat restent aujourd'hui élevés pour la collectivité, note le rapport de France stratégie. On peut néanmoins espérer que ce coût pour les finances publiques soit amoindri par l'effet d'échelle associé au déploiement en grand nombre de ce type d'installations, ainsi que par de moindres subventions agricoles permises par l'augmentation des bénéfices agricoles". Autre élément à prendre en compte : veiller à une taille réduite des unités de méthanisation pour éviter que les cultures soient détournées de fin alimentaire.
La pyrogazéification doit démontrer sa compétitivité
Si la technique de pyrogazéification du charbon et bois est bien connue pour avoir contribué à éclairer les villes au gaz au 19e siècle et début 20e, elle doit aujourd'hui réduire ses coûts, selon Dominique Auverlot et Etienne Beeker. Ils estiment également que les conséquences sur la gestion de la forêt, la biodiversité et la préservation du puit de carbone devraient être davantage étudiées. "Une production de 100 TWh de gaz par pyrogazéification nécessiterait de doubler quasiment les prélèvements de bois destinés à la production d'énergie. En particulier, le gaz renouvelable produit par cette technique ne devrait pas servir pour le chauffage, puisque l'utilisation directe du bois pour cela est de meilleur rendement".
Concernant la méthanation, les auteurs considèrent que son développement est conditionné à la mise au point de technologies disruptives qui réduisent les coûts. Deux projets de démonstrateurs sont aujourd'hui en cours : Jupiter 1000 mené par GRT Gaz à Fos-sur-Mer et GRHYD à Dunkerque, lancé par GRdF. "Les valeurs annoncées, qui comprennent des dépenses d'investissement, mais aussi d'exploitation et de recherche, correspondent pour le moment à des coûts de production extrêmement élevés, même s'ils devraient baisser par effet de série", estiment-ils.
Ils mettent également en garde contre les possibilités de compétition avec les transports pour l'utilisation de l'hydrogène ainsi que la disponibilité de la ressource.
Une étude nécessaire sur le coût de l'augmentation du gaz renouvelable
"Pour permettre un véritable débat sur le devenir du gaz dans notre mix énergétique, il faudrait documenter plus avant les coûts associés à différents scénarios - reposant tous uniquement sur du gaz d'origine renouvelable qui viendrait progressivement remplacer dans les trente prochaines années le gaz d'origine fossile, ainsi que les conséquences de ces scénari sur l'ensemble du système énergétique français", avancent Dominique Auverlot et Etienne Beeker.