
La séance des questions au gouvernement du 13 avril a été l'occasion de clarifier la position du gouvernement sur les trois propositions de loi préconisant l'interdiction de l'exploration et de l'extraction des gaz et huiles de schiste, des hydrocarbures non conventionnels, ainsi que l'abrogation des permis accordés en 2010 par l'ancien ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo.
Dans un premier temps, la ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciuko-Morizet, s'est opposée à la députée Dominique Orliac (Apparentée socialiste, Lot) qui estimait que le gouvernement "est sur le point de se déjuger en donnant son feu vert à des propositions de loi présentées par des parlementaires de la majorité." La ministre, rappelant ses interventions devant l'Assemblée, la mise en place d'une mission sur les gaz et huiles de schiste et la suspension des opérations en cours, a annoncé que "le gouvernement précisera sa position pour l'avenir" sur la base des résultats de la mission.
François Fillon propose d'abroger les permis…
Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour que la position gouvernementale soit précisée devant les députés. Répondant à la question suivante, posée par le président de l'UMP, Christian Jacob (Seine-et-Marne) à l'origine d'une proposition de loi proposant l'abrogation des permis d'exploration qui sera étudiée en urgence le 10 mai devant l'Assemblée, le Premier ministre François Fillon a estimé qu'il fallait revoir les conditions d'attribution des permis d'exploration en France et a annoncé l'annulation des permis accordés.
"Il faut annuler les autorisations [de prospection] qui ont déjà été données", a indiqué François Fillon jugeant qu'elles ont été accordées "dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes [car] il n'y a pas eu assez de concertation ni d'information."
…sans fermer la porte à l'exploitation.
Il a par ailleurs jugé "légitime" l'inquiétude des Français et le fait "que notre pays conduise des recherches pour savoir s'il y a des gisements d'énergie qui peuvent être exploités."
Pour le Premier ministre, l'abrogation des permis d'exploration vise à "tout remettre à plat" mais "il n'est pas question non plus de fermer la porte à des progrès technologiques qui permettraient demain d'accéder à de nouvelles ressources énergétiques", a-t-il prévenu.
Selon François Fillon, une telle exploitation devrait se faire "avec d'autres techniques" que celle utilisée actuellement, et sans "sacrifier notre environnement." Enfin, il a indiqué avoir confié au Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) et au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) "une mission de recherche scientifique sur les possibilités d'exploiter demain ces gisements avec d'autres technologies."
Les députés tentent de rédiger un texte consensuel
De leur côté, les députés essaient de trouver une position commune qui fasse la synthèse des trois propositions de loi déposées par le PS, le UMP et Jean-Louis Borloo. Mercredi, la commission du développement durable de l'Assemblée a désigné Michel Havard (Rhône, UMP) et Jean-Paul Chanteguet (Indre, PS) comme co-rapporteurs de la proposition de loi UMP destinée à interdire les gaz de schiste, rapporte l'AFP. La discussion de leur rapport a été inscrite à l'ordre du jour de la commission à la date du 4 mai.
Les députés sont d'ores et déjà sollicités par l'Amicale des foreurs et des métiers du pétrole qui a leur adressé une lettre ouverte particulièrement virulente. Dans ce document de cinq pages, l'association représentant l'industrie pétrolière "[suggère] d'auditionner l'un de [ses] adhérents qui s'est spécialisé depuis une quinzaine d'années dans les problèmes de gaz de schiste." et propose que la "réunion [ait] lieu […] avant que l'irréparable ne soit commis."
Cette lettre est aussi adressée aux députés afin d'exprimer la "vive stupéfaction mêlée d'amertume" ressentie par l'Amicale à l'annonce du dépôt de la proposition de loi UMP. Elle dénonce "le film GasLand [qui] n'est qu'une vaste imposture, truffée de mensonges et de contre-vérités" et estime que "l'exposé des motifs [de la proposition de loi] laisse rêveur sur les connaissances de celui ou de ceux ou celles qui l'ont rédigé."
Par ailleurs, l'Amicale répond aux critiques faites à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. "Les produits chimiques (597 au total) cancérigènes […] sont abandonnés depuis quelques années au profit de produits issus de l'industrie agroalimentaire" explique l'association, ajoutant que "de toute façon, ils étaient utilisés en quantités infinitésimales ne dépassant pas 0,5% du volume injecté." Pour l'Amicale, "dire que les conséquences environnementales sont extrêmement néfastes relève de l'affabulation."
Vers une révision du code minier
De leur côté, les organisations environnementales espèrent maintenant tirer profit de la contestation pour obtenir une révision du code minier. C'est notamment l'une des revendications du Réseau action climat (RAC) qui a présenté mercredi sa position sur les gaz et huiles de schiste.
Mercredi, Christine Lagarde, la ministre de l'économie, a présenté en conseil des ministres un projet de loi ratifiant l'ordonnance portant codification de la partie législative du code minier. "Le projet de loi institue […] de nouvelles procédures de consultation du public en amont de la délivrance des permis de recherche minière, ainsi que lors de leur prolongation ou de la prolongation des concessions", précise la ministre, ajoutant que "ces procédures contribuent à la bonne information des citoyens et plus généralement à la mise en oeuvre des objectifs et principes reconnus par la directive européenne concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, la convention d'Aarhus et la charte de l'environnement." Enfin, d'autres modifications pourraient être introduites en juin après la remise du rapport de la mission sur les hydrocarbures non conventionnels.