Le 7 février, la Commission européenne a publié une série de documents ayant servi à établir sa recommandation relative aux principes minimaux applicables à l'exploration et à la production d'hydrocarbures par fracturation hydraulique. Pour fixer les règles présentées le 22 janvier, la Commission s'est notamment basée sur deux études réalisées par le centre de recherche de la Commission européenne (JRC) : une étude des impacts potentiels du gaz non conventionnel sur les marchés énergétiques de l'Union européenne et une évaluation spatiale de l'usage des terres et de l'eau selon plusieurs scénarios de développement de l'exploitation du gaz de schiste en Allemagne et en Pologne.
Maintenir la dépendance à 60%, dans le meilleur des cas
Le JRC estime tout d'abord que les évaluations des ressources disponibles, même pour les pays exploitant les gaz non conventionnels, sont à prendre "avec la plus grande prudence", compte tenu notamment de "l'usage de termes imprécis et ambiguës". En tenant compte de ces incertitudes, le JRC retient des réserves mondiales techniquement récupérables légèrement supérieures à 200 milliers de milliards de m3 (Tm3) pour le gaz de schiste, de 45 Tm3 pour le gaz compact et de 25 Tm3 pour le gaz de couche. S'agissant du gaz de schiste, "la meilleure estimation pour l'Europe de l'Ouest est 12 Tm3 et de 4 Tm3 pour l'Europe de l'Est", estime le JRC, qui évoque 20 Tm3 et 21 Tm3 pour les meilleures estimations pour les Etats-Unis et la Chine.
Quant à l'enjeu économique des gaz non conventionnels, le JRC conclut que "le gaz de schiste a le potentiel pour impacter considérablement les marchés mondiaux du gaz, mais seulement en se basant sur des hypothèses optimistes quant à ses coûts de production et aux réserves ". Ainsi, les scénarios les plus favorables prévoient que le gaz représente 30% de l'énergie primaire mondiale d'ici 2025, voire 35% en 2040. Néanmoins, le JRC estime qu'aucun pays ne sera exportateur de gaz de schiste. Les gaz non conventionnels ne pourront donc que modérer les prix du gaz au niveau mondial, dans le meilleur des cas.
"La production de gaz de schiste ne rendra pas l'Europe autosuffisante en gaz", prévient le JRC, ajoutant que "le meilleur des scénarios pour le développement du gaz de schiste en Europe est celui dans lequel il palie le déclin de la production de gaz conventionnel, maintenant une dépendance vis-à-vis des importations de l'ordre de 60%".
Sur le plan environnemental, ce premier rapport du JRC explique que si "certains risques significatifs peuvent avoir des causes similaires à ceux liés à l'exploitation conventionnel du gaz", ils requièrent néanmoins une attention particulière du fait de la multiplication des forages. C'est le cas par exemple de la pollution des nappes phréatiques ou des éventuelles fuites d'eau polluée et d'hydrocarbures.
Tenir compte des ressources locales en eau
La seconde étude aborde l'impact environnemental de l'exploitation du gaz de schiste selon trois scénarios technologiques et pour la période 2013-2028 en Allemagne et sur un bassin versant polonais. Les deux thèmes abordés concernent l'usage des sols et les besoins en eau, selon que l'on utilise les meilleures techniques, des techniques "moyennes" ou les pires d'entre elles.
Selon le scénario "moyen", "le terrain nécessaire au développement du gaz de schiste pourrait représenter un pourcentage significatif de l'ensemble des terrains au sein de la zone de schiste", explique le JRC. Rapporté à l'ensemble des territoires allemand et polonais, cela pourrait représenter environ 2 à 4% des terres artificialisées entre 2006 et 2028 pour les besoins de l'ensemble de l'industrie. Cependant, de nombreuses barrières pourraient entraver le développement du gaz de schiste, et en particulier les enjeux liés à l'usage multiple des terres, prévient le JRC.
Du côté des besoins en eau à l'horizon 2028, le JRC note que, pour le scénario moyen, l'exploitation du gaz de schiste représenterait 0,15% de l'ensemble des ponctions en eau polonaise et 0,10% de celle de l'Allemagne. La borne haute des scénarios se situe à 1% pour la Pologne et 0,7% pour l'Allemagne.
"A partir de cette étude, une conclusion raisonnable, avance le JRC, est que la mise en œuvre des meilleures pratiques, les techniques d'extraction économes en eau, la prise en compte des disponibilités locales en eau et l'attention portée à l'échelle et au rythme du développement du gaz de schiste peuvent être importantes".