Jeudi 10 février, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, et Eric Besson, ministre de l'énergie ont présenté aux quatre entreprises concernées la mission sur les gaz et huiles de schiste confiée conjointement au Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) et au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
Pas de moratoire
Cette mission, chargée "d'éclairer le gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche-mère" rendra un rapport d'étape le 15 avril 2011 et un rapport final le 31 mai 2011. "Les rapports seront rendus publics et les conclusions en seront tirées avant fin juin 2011", précisent les ministères.
Par ailleurs, au cours de la réunion, les entreprises ont présenté leurs projets et il a été "décidé conjointement" de "différer" certaines opérations. En contrepartie, "les ministres ont pris acte de l'intérêt des industriels pour une éventuelle prolongation de la durée des permis d'exploration afin de prendre en compte ces décisions."
Les reports annoncés sont variables selon l'avancement des projets et sont le fruit d'un consensus décidé après avoir "examiné la compatibilité des calendriers industriels avec les travaux de la mission CGIET-CGEDD." Une décision qui pourrait décevoir les organisations qui réclament un moratoire.
Le 26 janvier, durant la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, la ministre de l'écologie avait déjà réponu à une question sur le sujet posée par Pascal Terrasse (PS), député et président du conseil général de l'Ardèche : "un moratoire n'est pas possible, le code minier ne le permet pas." Quinze jour après, la position du gouvernement est confirmée.
Vermilion attendra fin juin pour effectuer un test de fracturation
Finalement, il a été décidé que "Toreador Energy France et Hess Oil France, et Vermilion Rep, [diffèrent] le forage des puits après la remise du rapport d'étape et [n'entreprennent] aucune fracturation hydraulique avant que les conclusions du rapport final de la mission précitée ne soient tirées."
L'entreprise la plus impactée par cette décision devrait être Vermilion Rep qui recherche des huiles de schiste dans le département de Seine-et-Marne et qui avait prévu d'effectuer, fin février 2011, un test de fracturation hydraulique sur trois puits existants des concessions de Donnemarie, Champotran et Chaunoy. Les tests, encadrés par un arrêté préfectoral du 4 février 2009, devraient donc être reporté de quatre mois jusqu'à la décision finale des ministres.
De même, l'entreprise avait planifié un carottage par forage d'un nouveau puits sur la concession de Champotran, des travaux encadrés eux aussi par l'arrêté préfectoral du 4 février 2009. Enfin, Vermilion Rep prévoyait d'effectuer un carottage par forage d'un nouveau puits vertical sur le permis de Saint-Just-en-Brie, le dossier d'ouverture des travaux étant à l'instruction depuis 1er février 2011.
Détail important, "cette entreprise a par ailleurs une production inférieure à 10 m3 par jour d'huiles de roche-mère à partir de 2 puits en Seine-et-Marne ayant fait l'objet de tests terminés de fracturation hydraulique", précise les ministères.
Les forages de Toreador et Hess Oil différés jusqu'au 15 avril
Quant à Toreador Energy France et Hess Oil France, qui bénéficient conjointement de permis pour la recherche d'huiles dans les départements de Seine-et-Marne, de l'Aisne, de l'Aube et de la Marne, ils avaient prévu le forage de trois puits verticaux. Le "premier [était prévu] dès le mois de mars 2011 sur le permis de Château-Thierry avec possibilité de test ultérieur de fracturation hydraulique, les travaux étant encadrés par trois arrêtés préfectoraux du 12 octobre 2010." Un deuxième "forage [concerne] un puit vertical sur le permis de Mairy, le dossier d'ouverture des travaux étant à l'instruction depuis le 17 janvier 2011." Le ministère ne fournit pas d'information concernant le troisième forage.
Les deux entreprises devront donc patienter jusqu'à mi-avril avant de forer leurs puits.
Des calendriers pas ou peu modifiés pour Schuepbach et Total
S'agissant de Schuepbach Energy LLC et Total, les ministres et les bénéficiaires ont décidé "de n'entreprendre aucun forage et plus généralement aucune opération technique de terrain avant que les conclusions du rapport de la mission CGIET-CGEDD ne soient tirées", soit au plus tard juin 2011, si le calendrier annoncé est respecté.
Une décision qui ne devrait pas bouleverser le calendrier de Total Gas Shale Europe qui bénéficie de permis d'exploration gazière, pour les départements de l'Ardèche, de la Drôme, du Vaucluse, du Gard et de l'Hérault. En effet, l'entreprise a indiqué vouloir procéder à un "premier forage début 2012 [demandant] des préparatifs dès septembre 2011."
Quant à Schuepbach Energy LLC, en "négociations avancées" avec GDF Suez, et qui recherche du gaz dans les départements de l'Ardèche, du Gard, de l'Hérault, de l'Aveyron et de la Lozère, il a annoncé vouloir réaliser "deux forages en octobre 2011 mais qui demandent des préparatifs (juridiques, techniques, financiers…) dès le mois de mars." Schuepbach Energy, devrait donc reporter les "préparatif techniques" à juin 2011, si de tels préparatifs étaient prévus entre mars et juin.
L'Amicale des foreurs s'insurge
Alors que les industriels rencontraient les ministres, le Bulletin de l'industrie pétrolière (BIP) publiait le même jour un article dans lequel Jacques Sallibartant, le président de l'Amicale des foreurs et des métiers du pétrole, tenait des propos nettement moins consensuels que l'accord obtenu entre les deux ministères et les entreprises concernées. Pour l'association regroupant des spécialistes de l'extraction d'hydrocarbures, la polémique "n'aurait pas lieu d'être" puisque "l'exploitation du gaz de schiste n'a pas plus d'impact environnemental que celle de gaz conventionnel !"
Par ailleurs, le BIP rapporte les propos tenus par Jacques Sallibartant dans une note envoyée aux adhérents de l'Amicale. "Des politiques, des responsables de collectivités territoriales, des journalistes [...] racontent tout et n'importe quoi sur ce sujet", écrit-il.
S'agissant d'éventuelles pollutions aquatiques liées à l'incorporation de produits chimiques dans l'eau utilisée pour la fracturation des roche-mères, le président de l'Amical estime que si un débat fait rage aux Etats-Unis c'est "justement parce que les législations dans ce domaine y sont laxistes et n'ont rien à avoir avec celles beaucoup plus élaborées et contraignantes en France."
Son association envisage d'écrire aux Pouvoirs publics pour faire entendre la voix des professionnels du forage, rapporte le quotidien professionnel.