L'Union des industries chimique demande au gouvernement de "définir une vraie stratégie industrielle pour restaurer la compétitivité des gazo-intensifs et l'usage hydrocarbure matière première". Une stratégie qui ne se limite pas à l'exploitation du gaz de schiste en France, mais qui nécessite néanmoins de "statuer sur l'intérêt économique et industriel des réserves françaises en hydrocarbures".
La "vraie stratégie industrielle" proposée par l'UIC s'appuie sur cinq demandes : une réduction des coûts de transport du gaz pour les gazo-intensifs, un mécanisme d'effacement gaz en cas de tensions sur l'approvisionnement, l'efficacité et l'unicité du marché du gaz français, une fiscalité énergétique et carbone adaptée et un mécanisme de défense du gaz et autres hydrocarbures en tant que matière première.
Ces demandes se basent sur les conclusions d'une étude commandée par l'UIC à Carbone 4, selon laquelle les écarts de compétitivité de quatre filières, entre les industriels européens et nord américains, est important. Si l'écart se maintenait, ce sont quelque 32 sites et 10.000 emplois directs qui seraient menacés, avance l'UIC.
Certains produits chimiques perdent en compétitivité
Après le rapport d'information de Fréderic Barbier, député PS du Doubs, publié fin avril, et l'étude Alcimed, c'est au tour de Carbone 4 de se pencher sur l'impact de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur la compétitivité des gazo-intensifs européens. Pour cela, le cabinet a étudié les filières de l'ammoniac, de l'éthylène, du chlore soude et du polyamide 6-6.
L'industrie chimique est le premier consommateur industriel d'énergie, rappelle l'UIC, précisant que le secteur consomme 20% de l'électricité et 40% du gaz consommés par l'industrie française. Le gaz représente 39% des 6,1 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) d'énergie consommés et 9% des 9,6 Mtep de matière fossile consommés.
Compte tenu de la chute du prix du gaz aux Etats-Unis, tombé à 3 ou 4 dollars par million de British thermal unit ($/MBtu) contre environ 12 $/MBtu en Europe et 17 à 18 $/MBtu en Asie, l'écart de compétitivité est devenu important entre les chimistes américains et européens. En l'occurrence, il est du simple au double pour la plupart des produits intermédiaires de base (éthylène, propylène et chlore soude) et les produits à l'aval (polyéthylène, styrène et PVC) étudiés. Cet écart est du simple au triple pour l'ammoniac et peut atteindre un rapport de un à cinq pour le polyamide et les phénols. En revanche, l'étude ne fait pas état d'un écart significatif pour deux produits intermédiaires (le butadiène et les aromatiques) et une famille de produits finis (urée et ammonitrate).
Pour certains de ces produits, notamment le polyéthylène, l'étude évoque un différentiel de coût de production "très supérieur au coût du transport transatlantique". Une situation qui laisse planer la menace d'exportation des Etats-Unis vers l'Europe lorsque la production américaine deviendra excédentaire vers 2016 ou 2017.
Soutenir les industriels de la chimie en France
Carbone 4 a ensuite étudié l'impact de différents scénarios. La première comparaison évalue l'impact de l'"inaction européenne", c'est-à-dire "l'absence de politique industrielle", face à la stratégie "volontariste" des Etats-Unis qui s'appuie sur une "ré-industrialisation tirée par la disponibilité d'énergie bon marché". "Pour l'industrie chimique en France, le scénario de l'inaction conduit à des ajustements importants dans la chaîne éthylène, et sur tous les clusters associés par effet de ricochet, mais aussi sur la chaîne Ammoniac et sur la chaîne Chlore Soude", prédit le cabinet de conseil estimant que "les installations de production des grands intermédiaires chimiques en France [seraient] parmi les moins compétitives au monde".
Que se passerait-il si la "période faste" s'achevait aux Etats-Unis ? "La réduction du nombre de projets effectivement réalisés aux US permet de réduire la surcapacité mondiale et le risque de fermeture", explique Carbone 4, ajoutant que la compétitivité de la filière oléfine européenne est "préservée", l'écart de compétitivité sur la filière ammoniac "se réduit" et celui sur la filière chlore soude est "réduit par rapport au scénario Inaction, mais continue malgré tout de s'aggraver".
Il faut passer à l'étude des scénarios "alternatifs" pour que la situation s'améliore. Selon Carbone 4, si l'Europe exploitait les hydrocarbures non conventionnels, elle pourrait compter sur trois effets : l'arrêt de la baisse de la production européenne d'hydrocarbures, la préservation du contexte économique européen et le maintien de la demande d'intermédiaires chimiques en Europe. Du côté de la chimie, "la baisse du prix du méthane en Europe permet à la chaîne ammoniac européenne de gagner en compétitivité [et] l'écart de compétitivité Europe Etats-Unis se stabilise pour la filière chlore soude".
Mais pour que la situation s'améliore sensiblement, "des solutions [doivent être] recherchées hors marché, du côté des leviers politiques de soutien et / ou de protection des industriels de la chimie en France", estime Carbone 4, ajoutant que "les choix politiques de transition énergétique sont assumés de facto par les citoyens, conservant des emplois industriels associés".