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Gazéification hydrothermale : la filière publie un premier Livre blanc

Conçu comme un outil pour structurer la filière et pousser son industrialisation en France, le premier Livre blanc sur la gazéification hydrothermale a été dévoilé officiellement à l'occasion du salon Bio360, à Nantes.

Déchets  |    |  C. Lairy
Gazéification hydrothermale : la filière publie un premier Livre blanc

Présentée comme la « petite sœur » de la méthanisation, de la pyrogazéification et du power-to-gas, la gazéification hydrothermale (GH) consiste à produire des gaz riches en méthane à partir de déchets en utilisant les propriétés de l'eau placée en phase supercritique. Qu'il se réalise à haute température ou avec catalyse, ce procédé, qui fonctionne en circuit fermé, permet non seulement de récupérer l'eau et les composants inorganiques (minéraux, azote et métaux) présents dans le flux entrant, mais aussi d'éliminer les bactéries, virus et autres micropolluants, le tout sans la moindre émission dans l'atmosphère, furanes, dioxine ou autres. La GH a été testée avec plusieurs familles d'intrants, des déchets organiques principalement, ainsi qu'avec des déchets d'origine fossile (plastiques, chimiques et pétrochimiques) – l'essentiel pour que la technologie fonctionne étant que ces intrants contiennent un minimum d'eau, par nature ou par ajout, pour être pompables.

Un potentiel de 63 TWh en 2050

Premier du genre, le Livre blanc dévoilé le 8 février 2023, à Nantes, identifie un potentiel de production de gaz injectable par GH d'un peu plus de 63 TWh par an dans l'Hexagone en 2050, « en comptant la mobilisation d'effluents d'élevages et certains déchets organiques dont l'origine n'est pas systématiquement d'origine biogénique à 100 % », car pollués par la présence de déchets d'origine fossile (plastiques) ou issus d'activités industrielles spécifiques (chimie). Il distingue un cap intermédiaire à 2 TWh environ en 2030.

“ L'objectif en 2026 est de rendre opérationnels les tout premiers projets industriels ” Robert Muhlke
Au premier rang des intrants à mobiliser en priorité, c'est-à-dire à privilégier parce que les voies pour les valoriser sont aujourd'hui limitées, figurent les digestats de méthanisation. La GH, explique ainsi le Livre blanc, « pourrait devenir un exutoire permanent pour un volume croissant de digestats », si les contraintes d'épandage actuelles venaient à se renforcer. Le potentiel identifié à l'horizon de 2050 s'élève à 20,8 MWh pour ces gisements. Par ricochet, la GH pourrait « débloquer » des projets de méthanisation dans un certain nombre de régions présentant déjà des contraintes locales d'épandage – Sud, Bretagne, Hauts-de-France, Grand Est et Île-de-France par exemple.

En 2050, le potentiel de gaz injectable produit grâce à la GH avec des boues de stations d'épuration urbaines (STEU) et des boues industrielles, c'est-à-dire provenant des industries agroalimentaires, chimiques, pharmaceutiques, papetières, etc., est quant à lui estimé à 8,4 TWh/an. Ce potentiel est annoncé à 5,5 TWh pour les boues de curage et de dragage, qui ne disposent à ce jour d'aucune voie de valorisation en France. Parmi les autres gisements à mobiliser de façon prioritaire, la filière identifie les sous-produits animaux (carcasses d'abattoirs), ainsi que les vinasses et les drêches issues de distilleries, avec un potentiel de gaz injectable estimé respectivement à 1,5 et 1,3 TWh/an à l'horizon de 2050.

Aller vers l'industrialisation

La présentation de ce Livre blanc intervient deux ans quasiment après le lancement, lors du même salon Bio360, du groupe de travail national « Gazéification hydrothermale » (GH). Ce dernier s'est constitué pour développer et structurer la filière, et in fine « faciliter son implantation industrielle dans le paysage énergétique français » - l'horizon de cette industrialisation ayant été fixé à 2025-2026. Démarré à 27, ce groupe de travail réunissait, fin 2022, près de 50 membres, couvrant une très grande partie de la chaîne de valeur : développeurs de la technologie ; producteurs de gaz renouvelable et bas carbone ; sociétés de traitement et de valorisation de déchets ; utilisateurs ; équipementiers ; associations professionnelles ; industriels ; bureaux d'études et de conseil ; gestionnaires de réseaux de gaz ; laboratoires de recherche ; collectivités locales.

La filière réclame un cadre réglementaire adapté

Chez Cristal Union, où l'on transforme la betterave en sucre et en alcool, on estime que la GH constituerait une bonne option pour décarboner l'activité de l'entreprise et réduire une facture énergétique particulièrement lourde. L'extraction du saccharose génère en effet des coproduits riches en matière organique (pulpe, écumes, mélasse), de même que le procédé de fermentation qui transforme le sucre en alcool (vinasses). Or la composition chimique des vinasses de distillerie est source d'inhibitions pour la méthanisation – seuls les sels et la potasse sont valorisés auprès des agriculteurs. « Le recours à la GH permettrait de conserver cette valorisation matière », indique Benoît Lalizel, directeur du site de Bazancourt (51), mais également de récupérer l'eau et de produire suffisamment d'énergie pour assurer l'autonomie d'une distillerie.

Le groupe coopératif se dit prêt à développer un démonstrateur, mais il appelle à la mise en place d'un cadre réglementaire précis, ainsi qu'à l'instauration de soutiens financiers pour limiter le risque associé au développement des premières unités industrielles, espérées en France dès 2026 pour les cinq ou six pionnières.

Le son de cloche est à peu près identique chez tous les acteurs qui se situent en amont de la chaîne – développeurs de la technologie, producteurs de gaz, sociétés de traitement et de valorisation des déchets, etc. C'est le cas chez Veolia, qui envisage aussi de construire un démonstrateur afin de juger sur pièce une technologie dont on estime qu'elle « s'inscrit bien dans la hiérarchie des modes de traitement et de valorisation des déchets », car elle cible des résidus aujourd'hui non recyclables, non valorisables et/ou pollués et par conséquent orientés vers l'incinération ou l'enfouissement. Responsable performance assainissement et boues, Paulo Fernandes appelle donc lui aussi à la mise en place d'un nouveau cadre en France et au sein de l'Union européenne.

Même demande chez Suez, où l'on considère que la GH s'inscrit tout à fait dans la dynamique de récupération de matières associée au concept de « biofactory » (centre de production d'énergies et de ressources issues des eaux usées). Safwan Al Ayoubi, responsable projet innovation, rappelle en effet que toutes les technologies thermiques sont aujourd'hui classées avec l'incinération. « Il faut créer avec l'administration un cadre correspondant exactement à l'activité, plaide-t-il, ainsi que des aides financières et des mécanismes de soutien. »

Des aides financières pour lancer la dynamique

Du côté des développeurs, Sofiane Zalouk, responsable R&D chez Leroux & Lotz, témoigne de la difficulté d'obtenir des aides financières pour couvrir une partie des investissements liés à la construction d'un démonstrateur industriel de grande capacité (2 t/h) – un projet (1) de plus de 10 millions d'euros impossible à financer par la seule entreprise. Directeur power et gaz vert chez Vinci Environnement, qui a noué en 2022 un partenariat technologique avec le développeur américain historique Genifuel, Thomas Chauveau abonde en ce sens : « Même si on apporte des fonds propres, il nous faudra des aides pour la partie démonstration et validation avant que l'on puisse s'engager sur des performances et des retours sur investissement stables. » Ces aides, suggère M. Chauveau, pourraient être octroyées via des appels à projets ou des programmes de l'Ademe.

Pour Robert Muhlke, directeur de projet chez GRTgaz et pilote du groupe de travail GH, ces aides publiques sont nécessaires pour que les acteurs français ne se retrouvent pas en difficultés par rapport à leurs rivaux étrangers, néerlandais, allemands et suisses notamment, qui bénéficient de soutiens leur permettant d'avancer plus vite. « Nous demandons un peu de moyens au démarrage (…), pour les vingt, trente, quarante premiers projets. »

1. Projet GHAMa à Saint-Nazaire (44).

Réactions1 réaction à cet article

Cette technique paraît très intéressante, car elle résout une bonne partie des problématiques liées à la méthanisation et en étend le champs d'application, notamment en matière d'utilisation des biodéchets.
Outre l'ADEME, L'AREC (Agence régionale de l'énergie d'île-de-France) pourrait être intéressée également.

DRIEA | 14 février 2023 à 10h04 Signaler un contenu inapproprié

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