La crise sanitaire que nous traversons multiplie les textes dérogatoires, à l'instar des ordonnances prises sur le fondement de la loi sur l'état d'urgence du 23 mars 2020. Sans attendre cette habilitation, le ministère de la Transition écologique a pris
Ce texte, ainsi que l'arrêté du ministre de la Santé du 23 mars 2020 pour ce qui concerne les pharmacies, permet à certains établissements de mettre sur le marché, jusqu'au 1er septembre 2020, des gels et solutions hydro-alcooliques sans avoir à faire de démarche particulière au titre de cette réglementation.
Mise sur le marché dérogatoire
En temps normal, les produits hydro-alcooliques, qui sont des biocides de type 1 « désinfectants pour l'hygiène humaine », doivent disposer d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Les arrêtés ministériels des 13 et 23 mars 2020 autorisent, de manière dérogatoire, pour certaines catégories d'établissements, la mise à disposition sur le marché de ces produits selon plusieurs formules de composition différentes. Ces textes encadrent l'origine des produits qui peuvent entrer dans ces formules. Ils précisent également les règles d'étiquetage, de conservation avant ouverture et de mise en quarantaine des lots avant leur dispensation. L'étiquetage des lots fabriqués à partir du 31 mai 2020 doit aussi indiquer la concentration en substance active des produits.
Les établissements concernés sont les pharmacies d'officine et les pharmacies à usage intérieur, les établissements de fabrication de médicaments à usage humain, les établissements de fabrication de produits cosmétiques, ainsi que toute installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE). « Ces entreprises doivent respecter la réglementation en vigueur concernant la fiscalité, la protection des travailleurs, la réglementation ICPE, ou la dérogation au code de la santé publique pour la production par les pharmacies », prévient toutefois le ministère de la Transition écologique.
Les entreprises qui mettaient sur le marché des gels et solutions hydro-alcooliques avant la crise sanitaire peuvent « continuer à mettre sur le marché leurs gels et solutions selon leur composition habituelle », précise par ailleurs le ministère. Mais elles peuvent bénéficier de certaines facilités temporaires, au même titre que les fabricants de produits dérogatoires, en particulier concernant les fournisseurs de substances actives.
Substances très inflammables et toxiques en cas d'incendie
Se pose la question des règles applicables aux installations classées existantes qui se mettent à fabriquer temporairement des produits hydro-alcooliques. Les établissements qui n'avaient pas d'activité de manipulation ou de stockage de liquides inflammables doivent désormais respecter l'arrêté du 5 décembre 2016, relatif aux prescriptions applicables à certains ICPE soumises à déclaration, ou demander à la Dreal un aménagement de ces prescriptions par arrêté préfectoral complémentaire.
Au-delà des installations classées existantes et des autres types d'établissements listés dans les arrêtés ministériels, toute entreprise peut se lancer dans la fabrication de produits hydro-alcooliques. Mais elle doit préalablement se mettre en règle avec la réglementation des ICPE. Pour cela, elle doit procéder à une déclaration en ligne sur le site service-public.fr.
L'activité relève de la rubrique 2630 (Fabrication de ou à base de détergents et savons) de la nomenclature des installations classées. Le régime de la déclaration concerne les installations dont la capacité de production est comprise entre 1 et 50 tonnes par jour. Une fois déclarée, l'installation doit respecter les prescriptions fixées par l'arrêté ministériel du 5 décembre 2016 précité. Le respect de ces règles est censé permettre de se protéger contre le risque d'incendie.
Malgré les précautions prises par le ministère de la Transition écologique pour les encadrer, ces mesures dérogatoires peuvent ne pas être sans conséquence en matière de sécurité incendie. Les installations soumises à déclaration « ne sont pas contrôlées par les services de l'État et souffrent en général d'un manque de connaissances et de moyens de lutte contre les incendies », pointe l'association Robin des bois. « Elles peuvent désormais stocker et mettre en œuvre de l'isopropanol et de l'éthanol, (…) des substances très inflammables et toxiques en cas d'incendie », prévient l'ONG.