La réforme de la reprise des emballages plastique sera bien attaquée devant le Conseil d'État. La Fédération des entreprises du recyclage (Federec), la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade) et le Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchet (Snefid) ont décidé de déposer un recours sous l'égide de la Confédération des métiers de l'environnement (CME) qui les réunit. Ce recours a été déposé la semaine dernière, juste avant le 16 mai, qui constituait la date butoir pour contester le texte. La crainte des professionnels des déchets ? Que le modèle qui émerge et confie à Citeo la reprise de la matière ne soit transposé à l'ensemble des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP).
Tels sont les grandes lignes de ce qu'a expliqué, ce lundi 23 mai, Antoine Bousseau, le nouveau président de la Fnade, à l'occasion de sa première prise de parole devant la presse. L'arrêté du 16 mars est « insensé, au sens premier, puisqu'on ne trouve pas le sens », explique le président de la Fnade, qui y voit surtout un « message subliminal » en faveur du recyclage chimique.
Un arrêté à la capacité de définir l'avenir des REP
Pour l'instant, le détail du recours n'est pas encore totalement arrêté. Les trois organisations disposaient de deux mois pour contester l'arrêté paru le 16 mars. En déposant une « requête introductive d'instance », elles se donnent encore trois mois pour indiquer au Conseil d'État la liste de leurs griefs. Le recours devrait porter uniquement sur le fond, la voie du référé n'ayant pas été retenue. En effet, les trois organisations demandent bien l'annulation du texte et non sa suspension.
Sur le fond, explique Antoine Bousseau, les fédérations professionnelles contestent « une décision assez radicale », qui confie aux éco-organismes de la filière REP des emballages ménagers, et plus spécifiquement à Citeo qui est en situation de quasi-monopole, la reprise d'une part importante des déchets d'emballages ménagers en plastique triés par les centres de tri communaux.
Lutte autour des gisements de déchets plastique
L'Autorité de la concurrence s'intéresse au dossier
La Fnade ne s'est pas exprimée sur une éventuelle saisie de l'Autorité de la concurrence au motif qu'en désignant les éco-organismes repreneurs de certains flux d'emballages ménagers en plastique, les pouvoirs publics ont évincé les autres acteurs de ce marché.
La fédération confirme toutefois que l'Autorité devrait bien se pencher sur le nouveau dispositif, et plus précisément sur les questions concernant la concurrence entre les deux éco-organismes, Citeo et Léko. Par le biais de ce point d'entrée, elle consulte et a posé aux parties prenantes une série de questions qui couvrent l'ensemble de la réforme et permettent de remettre à plat le dispositif.
Bien sûr, la fédération regrette aussi que ce dispositif soit mis en place pour accompagner l'émergence du recyclage chimique, une filière concurrente du recyclage mécanique développé de longue date par ses adhérents.
En l'occurrence, les plus gros projets, qui concernent le recyclage chimique du polyéthylène téréphtalate (PET), nécessiteront 280 000 tonnes par an (t/an) de cette résine : 160 000 t/an pour l'américain Eastman, 70 000 t/an pour le canadien Loop Industries et Suez, ainsi que 50 000 t/an pour Carbios. Actuellement, la collecte de PET est de l'ordre de 210 000 tonnes (85 % de PET clair et le reste de PET foncé et barquettes). « Les tonnages [pour répondre à la demande du recyclage chimique] n'existent pas, sauf si on retire le PET envoyé au recyclage mécanique », résume le président de la Fnade. Et c'est bien là le principal risque pour les fédérations de gestionnaires de déchets.