A compter de ce 23 septembre, les membres du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) se réunissent pour quatre jours à Stockholm (Suède) pour conclure les travaux du premier groupe de travail (WG1) en charge d'évaluer les changements climatiques et les aspects physiques du système climatique. Ce travail, qui s'inscrit dans le cadre de la publication du cinquième rapport d'évaluation (AR5) du Giec (voir encart), vient préciser l'état des connaissances sur le climat depuis la publication du précèdent rapport en 2007.
Cette réunion arrive à l'issue de trois années dédiées à la rédaction du corps du futur rapport. Il s'agit maintenant d'achever le travail en réalisant la troisième et dernière étape d'un long processus de relectures successives apportant chacune son lot de modification : une première relecture est réalisée par des experts scientifiques, une deuxième par des experts scientifiques et des représentants des gouvernements et cette dernière relecture par les seuls représentants des gouvernements. Si les décideurs politiques prennent maintenant la main pour valider les grandes lignes qui donneront le "la" en matière de connaissance en climatologie pour les six ou sept années à venir, ils ne peuvent toutefois retenir des conclusions ou formulations qui n'auraient pas eu l'aval des scientifiques, assure le Giec.
Le 27 septembre, sera rendu public le premier volet qui traite des bases physiques du climat. Le deuxième grand chapitre, qui synthétise les connaissances relatives aux impacts, à l'adaptation et à la vulnérabilité, sera finalisé du 25 au 29 mars 2014 à Yokohama (Japon). Enfin, le troisième groupe de travail rendra ses conclusions sur les stratégies possibles d'atténuation des changements climatiques après une dernière réunion à Berlin (Allemagne) du 7 au 11 avril 2014.
A noter qu'un tout dernier rendez-vous attend les experts du Giec du 27 au 31 octobre 2014 à Copenhague (Danemark). Il s'agira cette fois-ci de compiler les conclusions essentielles des trois groupes pour produire le rapport de synthèse de l'AR5.
Outre les quelque 2.000 pages rédigées par les 850 climatologues retenus pour passer en revue des milliers de publications scientifiques, le rapport du Giec comprend un résumé technique et un résumé à l'attention des décideurs dont la vingtaine de pages reprend la quintessence du rapport. En l'occurrence, à l'issue de ces quatre jours de réunion, les membres du WG1 auront validé le contenu du résumé à l'attention des décideurs, la partie du rapport de très loin la plus connue et reprise.
Ces quelques pages destinées aux dirigeants font l'objet d'une attention toute particulière car elles seront sous le feu des projecteurs durant les années à venir. "Leur contenu fait l'objet d'une approbation à l'unanimité, ligne par ligne, mots par mots", a expliqué en amont de la réunion de Stockholm Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc). Le Giec a reçu pas moins de 1.800 commentaires pour cette session de relecture…
Le travail est d'autant plus délicat qu'au-delà des divergences entre Etats au sujet des changements climatiques, le rapport du Giec doit permettre aux hommes politiques de prendre des décisions, sans pour autant être prescriptif. L'équilibre est parfois délicat à trouver… Il s'agit là d'"un exercice sémantique compliqué pour rendre tout acceptable", explique Jean-Charles Hourcade, directeur de chercheur en économie au CNRS, qualifiant le résultat de "politiquement correcte".
C'est pour cela que "la référence reste le rapport complet", rappelle Sylvain Mondon, chargé de mission à l'Onerc, appelant les personnes intéressées à utiliser le rapport, plutôt que la synthèse scientifique ou le résumé pour les décideurs, comme un grand dictionnaire dont on parcourt les chapitres au grès des besoins.
Changements de scénarios
Parmi les principaux changements attendus, figurent notamment des modifications du sommaire visant à mieux développer certains points. Ainsi, de onze chapitres, le rapport du WG1 passe à quatorze chapitres et introduit deux nouvelles parties abordant des thèmes pour lesquels les connaissances scientifiques restent à affiner : le rôle des nuages et des aérosols ainsi que les variations du niveau de la mer. De même, le chapitre sur les scénarios climatiques est scindé en deux afin d'appréhender les changements climatiques de court terme, en particulier sous l'angle de leur prédictibilité, et de long terme, via les engagements pris et l'irréversibilité. Enfin, le rapport inclura une annexe qui constituera un atlas de cartes homogénéisées reprenant les projections climatiques globales et régionales.
De même la construction des scénarios climatiques a été radicalement révisée. Pour les rapports précédents les scénarios étaient dérivés de données socio-économiques qui permettaient de projeter dans le futur les émissions de gaz à effet de serre. A partir de ces projections les climatologues pouvaient déterminer les concentrations futures de CO2 et les perturbations climatiques associées. Ainsi, le rapport de 2007 estimait que le scénario B1, traduisant une économie mondiale dominée par les services, entraînait une hausse de la température moyenne du Globe de l'ordre de 1,8°C entre 2000 et 2100, alors que le scénario A1FI, basé sur une forte croissance économique et un recours important aux énergies fossiles, correspondait à une hausse de la température moyenne mondiale d'environ 4°C.
Pour ce cinquième rapport, les travaux se sont basés sur des trajectoires de forçages climatiques allant de 2,6 à 8,5 watts par m2 en 2100. Ces profils constituent une base de travail commune aux spécialistes du climat à partir de laquelle les chercheurs des différents domaines peuvent travailler indépendamment les uns des autres : les modélisateurs ont pu faire fonctionner leurs modèles pour traduire ces scénarios en termes d'évolution des températures, les économistes ont pu déterminer les conditions permettant la réalisation des scénarios, etc.