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« Pour lutter contre le bruit dans et autour des aéroports, l'État doit assumer le rôle de stratège »

Destinés à améliorer l'environnement sonore des riverains et des salariés des sites, de nouveaux plans de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) des aéroports sont en cours d'élaboration. Des marges de progrès existent selon l'Acnusa.

Interview  |  Risques  |    |  N. Gorbatko
Actu-Environnement le Mensuel N°430
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°430
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« Pour lutter contre le bruit dans et autour des aéroports, l'État doit assumer le rôle de stratège »
Gilles Leblanc
Président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa)
   

Actu-Environnement : Les prochains plans de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) des aéroports sont en préparation pour la période 2024 à 2028. Pouvez-vous rappeler en quoi ils consistent ?

Gilles Leblanc : Issus de la transcription dans le droit français de la directive européenne Bruit de 2002, ces plans d'action sont obligatoires pour tous les grands aéroports de l'Union européenne, dont les plus grands français de métropole. Leur principe est simple : viser des objectifs locaux de progrès. Des cartes stratégiques du bruit, réalisées en début, puis en fin de chaque échéance, permettent de vérifier si ces objectifs sont atteints.

En France, ces plans d'action des aéroports ont été inscrits dans le Code de l'urbanisme, et non dans le Code de l'environnement comme c'est le cas pour les plans d'action des grandes collectivités territoriales et ceux des autres opérateurs de transport. Considérés comme des annexes aux plans d'exposition au bruit des aéroports, ils sont rédigés par les services de l'administration de l'Aviation civile, et non par les opérateurs eux-mêmes. Cela constitue une particularité pour l'aérien, en France, et une particularité française par rapport aux pratiques de nos voisins européens.

AE : Vous semblez critiquer la méthode. Pourquoi ?

GL : Si l'État avait suivi à la lettre l'esprit de la directive européenne, dans une perspective de progrès continus et mesurés tous les cinq ans, il aurait joué le rôle de stratège au lieu de jouer celui de maître d'œuvre. Il aurait confié la rédaction de ces plans aux sociétés aéroportuaires, en se calant sur le corpus du droit de l'environnement. Ensuite, les pouvoirs publics auraient appelé ces documents plans d'action et non plans de prévention, ce qui n'est pas tout à la fait la même chose. À notre avis, la méthode actuelle ne met pas l'État en position de pouvoir stimuler les opérateurs, puisque c'est lui qui porte la responsabilité de la rédaction et de l'exécution de ces plans.

Résultat : souvent considérés comme de simples exercices administratifs sans portée réelle, ces documents sont peu appropriés. Ils ne sont pas réellement concertés avec les territoires et ne valorisent pas les meilleures pratiques des opérateurs pour stimuler les moins bons. Ils sont relativement standards et basés sur des projections souvent anciennes. Ils apparaissent ainsi déconnectés des territoires et calés au niveau des opérateurs les moins-disants, donc à un moindre niveau de performance environnemental. Ils engagent très peu les opérateurs qui auraient pourtant intérêt à valoriser leurs actions locales. Ces PPBE reçoivent d'ailleurs souvent des avis défavorables ou réservés de la part des collectivités et des associations. En 2023, nous verrons quels aéroports valoriseront les résultats obtenus pendant la troisième échéance européenne 2018-2022, prolongée en 2023. Il est à craindre que les résultats ne soient pas toujours au niveau des espérances.

AE : En quoi la prise en charge de ces plans par les sociétés aéroportuaires, généralement concessionnaires de l'État, changerait-elle les choses ?

GL : En tant qu'ensembliers implantés sur les territoires, elles pourraient être plus efficaces pour « challenger » les compagnies, les assistants d'escales et tous les acteurs des plateformes. Elles les inciteraient à proposer des pistes d'amélioration, à fournir des efforts, à prendre des engagements, à rendre des comptes et à s'approprier cette opération comme un élément de leur stratégie. Les clients sont de plus en plus attentifs à la santé environnementale et au climat. Les compagnies aériennes s'en rendent compte. Les sociétés aéroportuaires auraient encore le temps de prendre ces nouveaux plans en main avant l'arrivée à échéance des derniers. Elles en sont capables. Cette dynamique pourrait, en outre, encourager les aéroports moins grands, non soumis à l'obligation de rédiger un plan d'action, à bâtir le leur. L'État pourrait à son tour « challenger » les sociétés aéroportuaires sur leurs performances environnementales dans et autour de leurs concessions.

AE : Quels sont les enjeux de la réduction du bruit ?

GL : Les effets du bruit ou du cumul de plusieurs bruits sur la santé sont connus et bien documentés. Sans parler de son effet délétère sur les capacités cognitives des jeunes enfants, le bruit agit sur le sommeil, sur le rythme cardiaque... L'Union européenne souligne qu'il représente la deuxième cause de mortalité en Europe après la pollution de l'air. Plusieurs publics sont concernés : les salariés qui travaillent sur les pistes et dans les aérogares, les populations riveraines, les écoliers, les résidents des établissements médicosociaux qui se trouvent sous l'axe des trajectoires des avions et, dans une moindre mesure, les passagers. Les personnes les plus touchées sont aussi souvent les plus vulnérables socialement. Dans et autour des aéroports, nous sommes très loin des recommandations de l'OMS (1) .

AE : Les marges de progrès sont-elles importantes ?

GL : Oui, car les leviers sont bien identifiés et les actions à mener sont nombreuses, côté pistes, dans les aérogares, côté ville, sur la circulation et les parkings… Il est possible de choisir des chariots à bagages, des passerelles et des navettes électriques par exemple, de mieux insonoriser les halls et les restaurants et d'imposer aux avions à l'arrêt de couper leurs moteurs. On pourrait également envisager de privilégier les appareils de nouvelle génération, beaucoup moins bruyants que les anciens, et de proscrire progressivement les aéronefs les plus bruyants, mais aussi d'optimiser les procédures opérationnelles de navigation aérienne et de ne pas tolérer les déviations hors des volumes de protection environnementale, notamment.

Chacun des opérateurs peut prendre sa part, que ce soit dans sa façon d'exercer son métier comme dans le choix de ses moyens. Nous n'obtiendrons des résultats tangibles que si chacun agit dans le sens de la réduction de l'impact des activités sur la santé et l'environnement. L'autorité indépendante est convaincue de la nécessité de responsabiliser les opérateurs sur les territoires en améliorant la transparence sur les données environnementales.

1. Pour le trafic aérien, la valeur recommandée pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l'Europe est de 45 décibels (A) pour l'indicateur Lden (Level day evening night, indicateur de bruit jour-soir-nuit).

Réactions1 réaction à cet article

Pour avoir lutté pendant des années contre les nuisances des aéronefs de l'aéroport d'Orléans, et m'être beaucoup plainte de celles des hélicoptères de l'héliport d'Issy les Moulineaux, je peux dire que l'Etat s'en contrefiche et ne bougera pas une oreille (sans jeu de mots) pour faire quoi que ce soit. Tant que nous serons gouvernés par des décideurs aveugles et sourds aux causes environnementales, rien ne changera.

gaïa94 | 07 novembre 2022 à 23h03 Signaler un contenu inapproprié

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