
Confrontée à ces préoccupations énergétiques et thermiques, la société Givaudan, spécialisée dans la création de parfum et d’arômes, a profité de la réhabilitation de son siège social français situé à Argenteuil (95) pour étudier sérieusement les problèmes de climatisation. Accueillant, outre des bureaux, les laboratoires d’arômes et l’école de parfumerie, le bâtiment principal du site d’une superficie d’environ 5.000 m2 nécessite, compte tenu de ces activités, un renouvellement d’air constant et important pouvant aller jusqu’à 80.000 m3 par heure. Les besoins de chauffage en hiver, de rafraîchissement en été et les consommations de gaz et d’électricité associées sont donc très importants. Or les dispositifs de production existants n’étant plus suffisants, il a fallu repenser tout le système. La réflexion a donc porté à la fois sur les sources de chaleur et de rafraîchissement mais également sur l’amélioration de l’isolation du bâtiment, en n’oubliant pas les considérations architecturales et acoustiques.
Les réflexions sur l’isolation du bâtiment ont poussé la société à privilégier des façades vitrées associées à une enveloppe en verre : concept de double peau. L’ensemble complètement étanche crée une zone tampon entre le bâtiment et l’extérieur. Dans cet espace de 80 cm de largeur environ est injecté l’air vicié qui après avoir été aspiré des bureaux, cède de son énergie au bâtiment avant d’être évacué en partie supérieure. Résultat, alors qu’il fait 2°C à l’extérieur, la température de la zone tampon est de l’ordre de 15°C, la température ambiante des bureaux est de 20°C et il n’y pas la sensation de parois froides. Pour maintenir une température équilibrée dans la zone tampon tout autour du bâtiment, l’injection d’air est plus importante dans les façade Nord et Est en hiver et dans les façades Sud et Ouest en été. En limitant les déperditions en hiver et la montée des températures internes en été, cette façade active permet de limiter les besoins énergétiques tout en maintenant une ventilation optimale du bâtiment. La société Givaudan estime que l’économie énergétique annuelle moyenne qui en résulte est de 172.000 kWh.
Le choix d’une double façade vitrée a également permis de faire circuler les fluides en dehors de l’espace bureau. Les vitrages permettent en prime de profiter au maximum de la lumière naturelle.
En complément de la double façade, de l’isolation effectué d’après le référentiel RT2000 et pour permettre un complément énergétique à faible impact environnemental, le site français a ainsi opté pour l’installation d’une climatisation solaire, appuyé par la politique environnementale du groupe. Disposant de la place disponible sur son toit terrasse, la société a donc installé 300 m2 de panneaux solaires thermiques en tubes sous vide, système nécessaire pour obtenir des températures supérieures à 72°C, température minimum pour faire fonctionner l’installation choisie à savoir un groupe à absorption (puissance 110 kw). L'eau chauffée par les panneaux est dirigée vers une machine à absorption où est dissociée, par ébullition, une solution d'eau et de bromure de lithium. Après refroidissement, la recombinaison des deux composants produit, par absorption de chaleur, des frigories. Le froid est ensuite distribué par un réseau d'eau glacée alimentant une centrale de ventilation adaptée au besoin du bâtiment. Grâce à cette installation, les économies d’énergie moyenne s’élèvent à 45.000 kWh par an. Ainsi en été et en intersaison, dès que la température nécessaire est atteinte l’équipement solaire participe à la climatisation le bâtiment.
Afin de profiter au maximum de l’installation, l’énergie solaire est aussi utilisée pour l’eau chaude sanitaire et/ou pour préchauffer l’air neuf des bureaux. Les économies d’énergie ainsi réalisées pour le chauffage de l’eau chaude sanitaire sont estimées à 24.000 kWh par an. En hiver, l’énergie solaire est entièrement dédiée au préchauffage de l’air injecté dans les bureaux ce qui représente une économie d’énergie de 56.000 kWh par an. Le gaz ou l’électricité complète l’installation pour atteindre les niveaux de chaleur ou de froid nécessaires.
Cette installation est maintenant en service depuis août 2005 mais son aspect innovant a entraîné quelques difficultés de réglages. Le but est de créer des programmes d’utilisation en fonction des différentes périodes climatiques de l’année pour que l’utilisation de l’installation solaire soit optimale, explique Dominique Chaize, directeur du département technique sécurité/environnement du site. Selon lui, après un an de prise en main et un an de réglage, l’installation devrait être totalement opérationnelle cette année.
Au final, le bâtiment utilisera plusieurs sources d’énergie complémentaires : solaire, gaz et électricité. Mais grâce à des réglages minutieux, l’installation solaire sera utilisée à son maximum pour différents usages : chauffage, eau chaude sanitaire et climatisation. Elle devrait permettre de réduire de 4% la consommation de gaz et de 2% celle d’électricité et d’économiser au total 36 tonnes de CO2/an. Ces économies d’énergie permettront de rembourser l’investissement réalisé. Le surcoût de l’installation solaire par rapport à une installation classique a été estimé à plus de 350.000€. L’ADEME, très intéressée par ce projet de climatisation solaire encore très rare en France, a apporté une aide de 230.000€. La société a donc investi au final d’environ 120.000€. En intégrant les hausses des prix des énergies prévues dans les prochaines années, la société Givaudan estime pouvoir rentabiliser son installation en 12 ans environ.
Architectes : Cabinet DU RIVAU et cabinet M.C.H
Cabinet d'ingénierie : TOPBIS